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— Alors ? Ça donne quoi ? Vu ta tête, ç’doit être du lourd.

Marc glisse sa main sur ma nuque, la passe dans mon cou et sous mon tee-shirt, tout en lisant quelques mots griffonnés dans mon carnet d’écriture.

J’écrivais moi aussi, sans parvenir à terminer mes romans. Le dernier chapitre reste toujours en suspens. Je ne sais pas pourquoi je fais ça. Pourquoi je bloque stupidement. Je pense que l’univers m’interdit d’aller au bout pour la simple raison que je ne suis pas romancier. Il veut faire passer un message

« Toi, tu es éditeur et c’est cool ! ».

— J’en viens à me demander si ce n’est pas elle qui me bloque, réponds-je. Son talent… Je le ressens partout. Elle me fait dresser les poils.

J’embrasse le bras de Marc. J’aime quand il me touche. Je me sens plus vivant que jamais. Il allège mes doutes, parvient à me faire oublier ce qui me préoccupe.

— Et moi ? Est-ce que je te fais dresser, là ?

Le souffle chaud de sa bouche contre mon oreille éveille un frisson de désir. Toujours le même depuis la première fois qu’on s’est embrassé. Évidement qu’il me fait dresser ! Le contraire serait surprenant. Même grippé, avec une bouillotte sur la tête et le nez comme une pastèque, il arrive à me faire bander, le salaud.

Quand sa main divague sur mon torse, je devine son envie de moi.

Aujourd’hui, il est d’humeur taquine. Je sais très bien que ça ne durera pas, alors je lâche tout ce que je suis en train de faire et j’étire mes bras autour de sa nuque, m’y suspends comme à une branche. Il me soulève de ma chaise, m’attire à lui sans concession.

Restons toujours comme ça, ai-je l’impression de l’entendre dire.

— Tu es lourd, se plaint-il.

— On dirait que ça t’étonne.

Il éclate de rire. Je passe trop de temps à grignoter. Cinq kilos dans un mètre quatre-vingt-quinze ça se ressent. Il me soulève avec peine. Je l’aide.

J’aurais voulu qu’il grandisse plus. Comme ça, nous aurions été de la même taille pour nous regarder droit dans les yeux.

Il m’embrasse, les doigts caressant mes flancs, son ventre se frottant au mien.

J’ai du mal à saisir ce qu’il lui arrive depuis quelques semaines. Un coup il est prêt à me dévorer pour m’enfoncer au plus loin dans son corps. Un coup, il est distant comme s’il souffrait d’être avec moi. Il me cache quelque chose, mais je n’arrive pas à lui demander quoi. J’ai une peur panique de la réponse, la sensation qu’elle me l’enlèvera à jamais, et ça, c’est inconcevable. Je ne veux pas croire au cap des sept ans. Je veux être avec lui jusqu’au bout. J’ai cru comprendre que lui aussi, jusqu’à ce soir-là où il est rentré maussade et qu’il m’a ignoré, envoyant valser les lèvres que je lui tendais. J’ai pensé que son roman était le problème, qu’il avait peut-être du mal avec une scène, mais à le voir écrire avec une facilité déconcertante, m’a vite fait déchanter. Ce n’est donc pas l’écriture qui motive cette impression. À le voir agir comme il le fait, j’ai la certitude qu’il est dans un conflit intérieur plutôt violent. D’habite, il me parle, ici, il ne dit rien. Je sais que ça à avoir avec moi. Ce regard triste qu’il a parfois quand il le pose sur moi ne me dit rien qui aille et ça me terrifie. J’essaie de me convaincre que tout ira bien parce que c’est lui. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à Cathy, à me dire que si elle n’était pas partie, est-ce que Marc m’aurait remarqué ?

Je sais qu’il est celui que j’attendais. Depuis sept ans, je ne me suis plus jamais transformé en merle. Ça veut dire ce que ça veut dire. À moins que ce soit simplement moi qui suis « véritablement » amoureux de lui et…

Non ! Papy m’a bien fait comprendre que l’amour devait venir des deux parties pour rompre la malédiction. Ne comprendrai-je jamais ce que je suis ou ce que je ressens ? J’aime Marc, comme je n’ai jamais aimé une autre personne.

Son baiser a encore cette sauvagerie qui me désarme chaque fois. Pourquoi cette impression qu’il est en manque de moi ? C’est comme si on s’embrassait pour la dernière fois, comme si on n’allait pas se voir pendant des lustres. Cette faim de moi, je la comprends, parce que je suis aussi affamé de lui, mais différemment. Le regarder m’ouvre parfois le cœur en deux sans que j’en saisisse la cause. Je ne comprends pas ce sentiment : il est si près de moi et pourtant je l’imagine à des années-lumière d’entre mes doigts. Ce que j’aimerais entrer dans sa tête et enfin qu’il me dévoile tout ce qu’il est. C’est ce manque de connaissance qui me fait douter… Ce mur que représentent nos corps. Je voudrais pouvoir me connecter directement à son cerveau.

J’attrape ses hanches, les colle aux miennes. J’adore sentir son sexe presser contre le mien. Il n’y a pas de réel mot pour qualifier l’état de mon cœur à ce moment précis où nous nous frottons. Ce sont des ondulations à ne plus savoir quoi en faire, des mouvements qui éveillent les sens et ce frétillement à l’intérieur de mon ventre. Il enroule une jambe autour de la mienne, ses mains cherchent à graver leur forme sur ma peau. Cette force avec laquelle il me retient me rend fragile. Je redeviens l’adolescent qui avait un penchant pour ce pote un peu trop beau. Marc n’en finirait pas de me séduire.

Il me pousse contre l’étagère. Son balancement m’invite à pivoter contre le mur. Ça serait con de se la prendre dans le trognon alors qu’on s’apprête à faire « la chose » ou un dérivé : une danse érotique.

Notre baiser dure comme nos caresses, fortes et déchirantes. Aucun de nos vêtements ne tombe au sol, c’est encore plus vibrant de le faire comme ça : sans rien enlever. Pas besoin de pénétrer quand on s’est se toucher.

Je me retrouve face contre le mur, les bras appuyés à la tapisserie, la chemise complètement débrayée et les fesses offertes dans mon jean. Marc glisse sa forme dans la fente prenant un rythme doux. Ses bras sont enroulés autour de mon torse, une main plaquée sur ma clavicule, l’autre sur mon flanc. Je sens son nez qui dégage ma chevelure pour y laisser la chaleur de sa respiration. Mes jambes tremblent comme souvent quand il fait un truc du genre. Marc s’évertue à glisser sa queue lentement, sans arracher mes fringues. On a découvert cette pratique quelques mois après avoir officialisé notre couple en plein hiver. Je crois que c’était par flemme qu’on a commencé ça ou par maladresse. On en avait envie, mais nos vêtements superposés ont fait que nous avions fini par jouir dans nos caleçons. Un grand moment de découverte qui nous a permis une expérience inattendue et ô combien délectable.

Il accélère ce mouvement de va-et-vient, comme on s’amuse avec une fermeture-éclair. Je sais d’emblée que je vais refaire la tapisserie ; le premier bouton de mon jean s’étant défait, et n’ayant pas boutonné les autres, il laisse libre cours à la gesticulation perverse de mon marteau à boules. Je n’ai pas mi de caleçon. Les à-coups de Marc se précisent et me font cambrer de plus belle. Marc se maintient contre moi comme s’il était important d’être collé à l’autre pour atteindre l’orgasme. Je me sens ouvert à lui, prêt à le recevoir, mais même si mon pantalon ce fait la malle, il reste son caleçon entre nous : un fin tissue humide de sueur qui me jalonne de haut en bas et qui me laisse exploser en mille gouttelettes blanchâtres. Le caleçon se mouille plus explicitement, en même temps que la détonation dans la bouche de Marc. Plus que j’aime l’entendre gémir, c’est ce hoquet de fin sonore qui me plie le cœur à l’extase.

Un dernier baiser, un regard complice et il s’évade dans son bureau. Cinq minutes plus tard, j’entends le son du clavier. Il a toujours tapé fort là-dessus. Plus fort qu’à l’intérieur de moi. Il m’arrive de vouloir goûter à cette férocité, cette pénétration tranchante, ce son cognant…

J’essuie le mur, avant de me tourner vers mon portable. Un message de Gauthier. Son mariage approche à grands pas, mais les révélations du médecin concernant la vision de Louisa l’inquiètent. Elle pourrait revoir et ça lui fiche la trouille.

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