Chapitre 6 : Marc

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Je craque. Définitivement, je craque. Mes incertitudes prennent le large alors que Léonys me serre dans ses bras. Le sentir comme ça, à l’intérieur de moi était… pourrai-je trouver les mots pour compléter le bonheur infini qu’il m’a offert. Je regrette de ne pas avoir cédé avant tout ça, de ne pas l’avoir fait avec lui quand nous étions encore que nous deux, sans les tracas de la vie et mes doutes. Je déteste ce choix, alors que l’acte était si bon, si beau, si étourdissant. Plus qu’avec aucune femme.

Léonys a raison. Je crois ne mettre jamais senti aussi homme qu’en le recevant. Sa force ajoutée à la mienne… comment dire ?

Si belles.

Je n’arrive pas à retenir mes larmes : le mélange de ce plaisir ahurissant et le baiser échangé avec Cathy. Je suis horrible. Un homme méprisable. Je me déteste d’être à ce point chamboulé. Ne pas comprendre à quel point Léonys est parfait pour moi. Juste lui sans le reste du monde.

J’ai peur.

Oui.

J’ai peur de lui.

De se qu’il me fait ressentir, de la déraison qui m’assaille quand je le regarde. Si je reste, je le voudrais sous toutes ses formes. Rien qu’à moi et pour moi. Je finirai par le mettre sous cloche, le vénérer et le protéger dans l’obscurité de notre appartement.

C’est de la folie. De la pure folie. Je ne comprends pas comme je l’aime. J’ai mal de le voir et je suis bien et heureux quand il me regarde. Il est mon tout. Comme si on l’avait conçu pour m’aller à la perfection.

Je vais devenir fou. Fou de lui. Et je me crois bien capable de nous isoler du monde. Quelle vie cela serait ? Je suis immonde.

IMMONDE !

Le monde me torture ! La pensée me détruit.

— Marc ? Pourquoi tu pleures ? Est-ce que je t’ai fait mal ?

Léonys se décale, examine mon corps, attrape mon menton entre son pouce et son index. C’est si doux venant d’un monstre de muscle d’un mètre quatre-vingt-quinze. Les années ont su l’embellir, comme s’il n’était pas suffisamment beau. Comme si le regarder n’était déjà pas assez éblouissant. Je pourrais rester des heures à le contempler. Nu, il est encore plus irréel. Parfois, j’ai l’impression d’un rêve. Et j’ai beau me dire, c’est Léonys. Juste Léonys. Je vois un être de lumière enrayer mon bon sens. Plus les années passent plus je deviens mélancolique de cet amour.

— Et si ce n’était que de la fascination, de l’admiration. Si rien de mes sentiments n’étaient vrai, réponds-je.

Il s’arrête net, me fixe, cligne deux fois des paupières.

— De quoi parle-t-on ?

— De toi.

Il fronce les sourcils, comprenant très bien où je veux en venir.

— Si j’étais comme ça, tu m’aurais emballé depuis bien longtemps.

— Tu m’as fait douter dès le premier instant où j’ai posé les yeux sur toi.

Il se recule, lâche mon menton, se raidit. Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Est-ce que je reporte mes incertitudes sur lui ? Qu’est-ce que je cherche ? À lui rendre son peu de confiance en lui ?

Salop ! Je ne suis qu’un salop.

Il ne dit rien, mais j’entends la vague qui submerge ses croyances.

— Tu me dis quoi là ? Que tu ne m’aimes pas ? Je ne comprends pas ce que tu… ? Tu m’as toujours dit que t’en avait rien à foutre de ma gueule. On est d’accord ?

Je hoche la tête.

Comment tuer le meilleur moment de ma vie.

— C’est quoi le véritable problème ? Qu’est-ce qui se passe ? Parle-moi. Si c’est un enfant que tu veux, on en aura un. Si c’est pour l’agression, je ferais tout pour que ça ne se reproduise pas. Je … Marc ne me laisse pas sans savoir. Est-ce que j’ai fait un truc de mal ?

Il est au bord des larmes.

— Non. T’as rien fait.

— Alors pourquoi j’ai l’impression que tout est de ma faute ?

— Parce que je suis un connard.

— Marc… J’n’veux pas. Quoi que tu penses là, maintenant, réfléchit s’y. Je suis prêt à tout pour toi, pour nous, pour te rendre ce sourire qui te va si bien et que tu as perdu.

Ça me fait mal de le regarder. Mal de l’entendre.

Si seulement je savais ce qui me rend comme ça. Si je pouvais revenir des mois en arrières et rester à la maison ce soir-là. Si je pouvais fermer les yeux sur ses pères et leur gamins suspendu à leur cou… ne pas les envier.

Léonys ! Ne souffre pas. Par pitié, ne ressent pas cette douleur incompréhensible, ce vide épouvantable.

Ses yeux brillent d’une peur que je connais bien.

« Ne me quitte pas ».

Un homme blessé. Ça ressemble à ça. Si vulnérable. Si beau et emplie de détresse.

Je t’aime. Pour de vrai. Mais aujourd’hui, je ne sais pas grand-chose sur toi et moi.

— Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment. Je déraille. Je… excuse-moi.

Je m’approche de lui, essuie ses larmes, embrasse sa bouche. Il en demande plus. Je lui donne. On s’enferme dans une étreinte qui nous consume. Parfois rester serrer l’un contre l’autre est plus fracassant que la valse cadencée d’une queue en action.

— Je me sens perdu, sans savoir pourquoi. L’avenir me terrifie, te perdre aussi. Et en même temps, il y a toutes ces choses qui me font envies et que je ne pas peux avoir.

— Quelles choses ?

— Les femmes. Un enfant qui nous ressemblera. Marcher dans la rue sans qu’on nous juge.

Il est loin le moi sans préjugé. Vieillir, c’est s’assagir, non ? Depuis quand suis-je comme ça ? Pas longtemps.

— Pourquoi notre enfant ne pourrait pas nous ressembler ?

— Parce qu’on ne peut pas en avoir ensemble, soufflé-je.

— Adopter ça ne t’ai pas passer à l’esprit. Cet enfant nous ressemblera parce qu’on l’éduquera. N’est-ce pas assez pour toi ?

— On dirait que non.

— Alors, on peut partir en Amérique. Prendre les services d’une mère porteuse. Tu auras ton enfant, cingle-t-il.

Je le fixe. Je viens de l’énerver.

— Tu crois qu’un gamin c’est quoi ? Un dérivé de ses parents. Qu’y at-t-il de si rassurant à s’entre dire « il te ressemble » ? Ce ne sera jamais toi ! Ce sera lui et ce qu’on lui donnera de nos connaissances de la vie ! Merde !

Je viens définitivement de tout gâcher. Léonys récupère ses affaires. La main sur la poignée, il se retourne. Il peut partir au quart de tour pour des brouties. Là, ce n’en est pas une.

— Le concept de la famille est une connerie. Il n’y a pas de code. Juste des personnes qui se chérissent et qui s’entraident. La famille n’a pas de sang. Elle a un cœur, Marc. Un putain de cœur. Ce n’est pas un visage, une ressemblance, c’est du partage ! C’est toi et moi. Enfin… c’est ce que j’ai cru. Depuis quand ça te dérange que je ne sois pas une femme ?

Je reste figé sur les derniers mots.

— Pour moi, tu es le seul. Si je ne le suis pas, dis-le-moi vite avant de me faire croire que je suis le problème. Tu me connais, non ?

Il tremble de rage.

Mes yeux s’embrument de larmes.

— Je te connais mieux que tu te connais, réponds-je.

— Alors, tu sais ce que tu représentes pour moi. Tu sais que ce n’est pas pour de faux. Tu sais que c’est toi. Je n’ai pas à réfléchir pour t’aimer. C’est instinctif. Ne me demande pas pourquoi, je ne saurais pas te l’expliquer. Je suis un cœur, Marc. Un cœur.

Il quitte la chambre. Je l’entends se rhabiller et avant que je ne réagisse, la porte d’entrée claque.

Le souffle court, nu dans le lit où Léonys m’a fait sien et où je l’ai pris entièrement en moi, je réalise que j’ai tout détruit. Je ne sais pas réparait ce genre de bordel.

J’ai tout cassé et mon cœur avec.

Te laisser me parait insurmontable, mais t’aimer comme ça, comme un gars paumé, je ne peux pas.

En fait, je ne sais pas comment t’aimer. Je réfléchis trop depuis quelques temps.

Si tu savais comment tu hantes ma vie, les moindre de mes pensées, peut-être perdrais-tu pied toi aussi. Et chercherais-tu la facilité ?

Non, ce n’est pas une excuse.

La tête contre son oreiller, je hurle.

Il faut que je parte.

Loin.

Je suis cassé.

Il faut que je me répare avant d’éteindre l’espoir.

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