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— Je suis désolé de plomber l’ambiance. Tu te marie le mois prochain et je me ramène avec mes mauvaises ondes.

Il se redresse. Je le tire vers moi. Il se courbe. Nos visages sont si près que je peux sentir son haleine aromatisée au caramel qu’il mâche. Pendant un instant, je redeviens l’homme qu’il a embrassé un soir où les étoiles parlaient de promesses. J’ai le souvenir de la douceur qu’il avait mi dans ce baiser.

— Pars pas. J’aime toujours autant nos rencontres nocturnes. Même quand tu déprimes.

— Il fait encore jour, remarque-t-il, en haussant un sourcil.

— Oui, effectivement.

— Je t’ai troublé.

Un sourire en coin vient s’étendre sur ses lèvres.

— Un peu.

Il se rassoit. Un soupire s’échappe de sa bouche entrouverte.

— Tu sais, parfois je me demande si on aurait pu se mettre ensemble toi et moi, s’il n’y avait pas eu l’épisode « drame » de Marc. Si Cathy était restée, je ne me serais pas tant occupé de lui. Toi et moi, on aurait continué à se voir. Peut-être n’aurais-tu jamais trainé autant avec Louisa.

Ses yeux se plantent dans les miens avec une force singulière. Ils sont beaux. Il est beau. Plus encore avec l’âge. Je déglutis. Parfois, mon cœur s’emballe comme dans le temps quand il est trop proche.

— Il se trouve que rien de tout ça n’a existé. Alors je n’y pense pas vraiment.

C’est faux. Il m’arrive dit songer et de me dire qu’avec Léonys, tout aurait été plus simple. Dans ses yeux, j’étais charmant. Je le suis encore. Il me regarde comme une œuvre d’art, étrange mais attirante. Son regard c’est tant de fois posée sur moi que je n’ais plus peur de ce qu’il peut voir. Je crois connaitre toutes les expressions de son visage, et là, j’avoue avoir un peu peur de ce qu’il me propose silencieusement.

Je me saisis de la bière qu’il tient et l’apporte à mes lèvres. Je ne peux pas le laisser m’embrasser. Je ne devrais même pas en avoir envie. Pourtant, la vague de chaleur sous ma peau m’indique que ce n’est pas passé loin.

— Est-ce que tu vas me dire ce qui s’est passé entre toi et Marc ? Ou je devine ?

Je n’aime pas le mouvement de douleur ondulant sur son visage, mais il ne me laisse pas le choix.

Léonys se recroqueville. Je m’en veux.

— Pardon, c’était brusque. Je ne voulais pas te faire de la peine.

— Je sais. C’est dommage, je suis sûr que j’embrasse mieux que Louisa. J’ai été trop présomptueux à croire que ça te tenterait.

— Je vais me marier.

— Ça aussi, je le sais.

Il pose la tête dans sa main, en observant le ciel s’assombrir. Ses doigts reprennent l’ascendant sur la bière. Il la vide comme pour se donner du courage.

— Je sais pas vraiment la raison de notre séparation. Peut-être à cause de son envie d’enfant ? Peut-être à cause de son agression ? Ou encore parce qu’il pourrait bien avoir trouver une fille ? En tout cas, il serait mieux assorti avec une mignonne qu’avec un grand mec, comme moi. On dirait que ma « beauté fulgurante » ne fonctionne pas des masses avec Marc.

Que devrais-je dire ? Cela me parait encore si peut réel leur séparation. Depuis qu’ils sortent ensemble et sans doute avant, je les trouvais tellement harmonieux, tellement complet à deux.

— Tu n’dis rien ?

— Que veux-tu que je dise ? Un enfant… vous pouvez adopter. L’agression… je ne suis malheureusement pas dans sa tête, mais je viens comprendre que ça lui a foutu un coup. Ce n’est pas donné à tout le monde de se remettre d’une agression. Moi ça a faille me conduire en hôpital psychiatrie.

On avait, un jour, mit un couteau sous ma gorge. J’étais au lycée. Ce n’était même pas des élèves. Non. C’était des gars qui trainaient devant le l’établissement.

— Pour la fille. On ne va pas se mentir. Il est hétéro. Il n’a jamais eu d’attirance pour d’autres gars. Je l’ai déjà vu relooker des femmes mais jamais d’hommes. Je le vois très mal te tromper.

— Peut-être qu’il ne l’a pas fait. Qu’il a attendu qu’on se…

— …sépare, soufflé-je.

Léo prend un air grave. Ses doigts se figent sur la bouteille. Il est au bord des larmes.

— Tu veux la vérité.

Laquelle ?

— Je t’écoute.

— On ne s’est pas séparé. Il a juste laissé un mot en me disant : « C’est trop dur, je pars. ». C’est tout. Rien de plus.

Je pars ? combien de temps ? Pour revenir ? Ce n’est pas très claire. Etrange venant de Marc. Il n’a pas l’habitude de tourner autour du pot.

— Qu’est-ce que je suis censé comprendre ? Qu’est-ce que toi tu comprendrais si Louisa te laissait un tel mot ?

Je secoue la tête incapable de lui donner une réponse. C’est trop vague. Et même avec les informations, je pencherais pour une crise existentielle. Marc est déboussolé et avant de tout gâcher, il a préféré partir.

— Il est mal, murmuré-je pour moi-même.

— Mal ? Oui. Ça je l’ais comprit seul. Mais voilà, quand il va mal, je suis celui qui lui fait du bien. Là, j’ai juste l’impression d’être celui qui lui a fait ce mal. J’ai beau chercher une erreur de ma part, je ne trouve pas de réponse. Je suis prêt à faire des concessions pour le retrouver.

— L’amour ce n’est pas des concessions, c’est du partage.

— J’en sais rien.

Léonys s’allonge dos à moi, le bras sous la tête. Je devine les larmes qui n’arrivent plus à retenir. Il se cache.

Le silence s’impose à nous.

Je m’allonge dos au sien. Il est toujours une source de chaleur perturbante. Comment un homme peut être aussi brûlant ? Contre lui, je me sens bien, protégé, invulnérable et beau…

— Si nous nous aimions tout les deux, ne serait-ce pas plus simple.

— Léo…

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