Plus qu’une semaine avant le oui fatidique.

Je repose le téléphone, viens cocher le nom de Marc sur la liste des invités et y ajoute celui de Cathy. Je ne sais pas depuis combien de temps ces deux-là se fréquentent, mais pour qu’il l’invite à mon mariage c’est qu’il pense sérieusement à se remettre avec elle. Je ne sais pas comment l’annoncer à Léonys. Le laisser découvrir la vérité le jour-J ne serait pas une bonne idée et pourtant, je me sens incapable d’être celui qui anéantira ses espoirs. Je ne peux pas non plus rejeter Marc. Il est un bon ami de Louisa et je sais qu’il l’aide énormément avec ses vœux. Il est mon ami aussi. J’ai su l’apprécier dès notre première rencontre. Le fait qu’il se soit perdu ou qu’il se cherche ne doit pas avoir d’impact sur notre amitié. C’est entre lui et Léonys. Nous autres, nous n’avons pas notre mot à dire. Mais la pilule à un peu de mal à passer.

Cathy.

La jeune femme qui l’a amené à se couper les veines.

Leur séparation avait étonné tout le monde.

Peut-être qu’il n’en avait pas fini avec elle.

J’ouvre ma boîte déjeuner, commence à manger, distrait, quand George s’assit à côté de moi. Il examine le classeur sur ma droite ; celui dédié à mon mariage.

— Tu as l’air contrarié. Un problème avec le traiteur ? demande-t-il.

— Non. Ce problème-là a été réglé.

— Ce qui veut dire qu’il y en a encore. Laisse-moi t’aider, propose-t-il.

— Je ne suis pas certain que tu pourrais m’aider. Ce n’est pas un souci qui me concerne moi ou mon mariage.

Je pose ma fourchette, démunis.

— Léonys ?

George penche la tête pour capter mon regard. Je hoche la tête en soupirant.

— Que lui arrive-t-il ?

Il prend un air soucieux. Lui non plus n’est pas au courant. À vrai dire, nous sommes peu à le savoir : Annabelle, Eliocia, Théna et moi. D’après Théna, que j’ai rencontré l’avant-veille, Marc serait complétement paumé, assez pour mettre une éternité à se retrouver. Elle n’en a pas dit plus. Je la soupçonne de connaitre les raisons. Après tout, elle est la plus proche de Marc qu’aucun de nous. Une amitié qui dure depuis le collège.

— Eh bien…

Autant le lui dire aussi. Ça se saura le jour du mariage de toute façon.

— Marc est parti.

— Où ça ?

— Non, ce que je veux dire, c’est qu’il a quitté Léo.

George met un temps à prendre l’information.

— Pas possible !

Ses yeux s’arrondissent tout comme sa bouche. Il attrape son front, les sourcils haussés, et un air incrédule sur le visage. Il retire ses lunettes, croise les bras sur la table.

— Mais comment c’est possible ?

Il n’attend pas de réponse. De toute manière, je n’en ai aucune.

— Alors, celle-là, si je m’y attendais ! Ils étaient parfait ensemble.

— Il faut croire que la perfection à des ratés aussi.

Je referme ma boite. La faim viendra plus tard. En l’attendant, j’observe mon collègue sous le choc de la nouvelle. Voilà quel genre de pouvoir avait le couple Léonys -Marc sur nous tous. Pour nous ils étaient fait l’un pour l’autre. Il représentait le couple idéal : l’harmonie, l’affection, la communication, les sentiments et les projets… Ils se parlaient sans mot, d’un simple regard.

— Le temps semble avoir tout gâché entre eux, soufflé-je.

— Le temps ? répète George. Non. Pas comme ça. Pas si vite. Ce doit être autre chose.

Il secoue la tête en pinçant ses lèvres fines.

— Ça me fait un coup de l’apprendre. C’est dur à croire, mais bon, on n’est pas avec eux dans leur quotidien. J’imagine qu’il y a une raison. Merde, alors !

Je lui souris tristement, hausse les épaules.

— Ça me fout les boules pour eux, avoue-t-il.

— Je suis dans le même cas. Et plus encore a sachant que Marc vient accompagner à mon mariage.

— Non ! Mais qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai raté combien d’épisodes ?

— Si cela peut te rassurer Léonys est aussi désorienté que nous sur le sujet.

— Depuis quand ils ne sont plus ensemble ?

— Un mois.

— Attends ! Un mois ! Seulement ?

J’acquiesce.

— Ouais ! On ne devrait pas s’en occuper. Et toi, concentre-toi sur Louisa, conclu-t-il.

George baisse les yeux, déçu. Je le suis tout autant. Mais je ne parviens pas à croire la possible tromperie de Marc. Peut-être a-t-il expédié sa relation avec Léonys simplement parce qu’il ne voulait pas le tromper. Pas ouvertement. Bien sûr que ça ne change pas l’impact des sentiments ni le moment où mon très cher ami comprendra la fuite de son homme.

Je devrais le lui dire.

Mais je ne le ferais pas.

Je ne m’en sens pas capable.

J’ai un mariage à réussir pour m’occuper des problèmes des autres.