Chapitre 11: Léonys

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Un mois.

Ça fait un mois, qu’il est parti.

L’appartement est toujours dans le même état, débordant de nos affaires. Son odeur est encore partout ; imprégné dans le linge, dans notre lit, dans les plaides sur le canapé. Chaque matin, je parfum notre chambre avec son flacon posé sur le lavabo près de son rasoir et sa poudre à rasé. J’ai abandonné la fragrance de la verveine pour celle de Marc : un mélange de soleil, de sable chaud et de Provence.

Sur le bureau de Marc les cadres photos et les piles de feuilles sont toujours au même endroit. Les chapitres de son roman l’attendent patiemment. Le soir, j’en lis une page imaginant sa voix me la dévoiler.

Lorsque je fais la poussière je prends garde à ne rien déplacer, histoire qu’il retrouve tout à sa place à son retour et quand je pars, je lui dis au revoir en me rappelant les touches de son claviers malmené des huit heures du matin.

Il n’a emporté que le nécessaire comme une promesse de revenir.

Il a oublié ce livre qu’il ouvre souvent quand il écrit. Un hymne à la créativité, dit-il. C’est bien la preuve que ce n’est pas un adieu, mais un moment de flottement. Une sorte de break pas définitif.

Il a besoin de temps pour… Je ne sais toujours pas pourquoi, mais il finira par me l’expliquer quand il sera près ou capable de mettre des mots sur ses maux.

Qui lui a volé sa langue ? Il a toujours su si bien parler de ses émotions. Il me disait tout, il y a… avant l’agression… non, un peu avant qu’on ne parle d’enfant. Peut-être ai-je vraiment tout détruit avec ma légèreté à ce sujet.

Je m’en veux. J’aurais dû me douter qu’il en voudrait. Chaque fois que nous passons devant une femme enceinte ou un berceau, il sourit. Marc a toujours été très social avec les gamins. Très ouvert. Très complice.

Où est-il en ce moment ? Avec qui ? Seul ? Ces questions me hantent. Parfois, j’imagine une autre personne sous le voile de ses silences et ça m’effraie. Une femme. Quelqu’un qui lui apportera ce que je n’ai pas su lui donner.

Je tourne dans mon lit, vire. Pas moyen de me rendormir. Les insomnies se multiplient. J’ai tout essayé. La tisane. Les somnifères. Les sorties jusqu’au petit matin. La lecture. Rien n’y fait. Je fais des micro sommeil et à quatre heures du mat’, Morphée m’éject de son monde.

Je tire les draps, me lève et me hisse jusqu’à mon bureau. J’ouvre le PC, le dossier qu’Eliocia m’a envoyé tard dans la soirée.

— Un peu de lecture, marmonné-je pour défier le silence envahissant.

J’allume le tourne disque, place un vinyle. La voix d’Harry Style éveille le bonheur passé, lorsque Marc me prenait par la main et me faisait danser avec lui dans le salon.

Je fais défiler les paragraphes, m’arrête devant l’un d’eux.

« Il l’avait perdu à force de l’aimer trop fort, de l’aimer à en souffrir, de l’aimer à ne plus savoir comment le lui dire. Il la perdit parce qu’il ne savait plus ce qu’il était, se qu’il pensait. Il la perdit parce qu’il l’a fui.

Stephen courrait dans la ville à la recherche d’une pince assez forte pour lui retirer son cœur brûlant d’un sentiment terrifiant et magnifique.

— Je t’au-delà. Je t’au-delà de tout. Du ciel, de la mer, du temps qui passe, de celui qui ne viendra pas. C’est si fort. Terrible.

Il s’arrêta devant nulle part. Le souffle court, la tachée en feu.

— Je la dévorerai. J’en serai capable. En moi, peut-être bien que ce que je ressens s’atténuerait.

Il parlait au monde en quête d’une réponse. ».

J’ai parfois le sentiment qu’Eliocia retranscrit ce que je ressens pour Marc. L’aimer, s’il s’agit du bon therme, me fait vriller le cœur. Ce pourrait-il qu’il soit dans le même état que Stephen ? Je sais gérer mes états d’âme. Merci au merle pour cette maitrise et au temps.

Cling !

Un message.

Mon portable en main, j’allume l’application instagram.

Eliocia.

Ça ne m’étonne pas venant d’une insomniaque chronique.

Je regarde la vidéo de chiot qu’elle m’a envoyé. Les chiots, chatons, canard sont efficace pour se détendre. Je ris comme un débile, avant de revenir dans mon monde morose et ruminant des « si ».

J’étais justement en train de lire ton dernier chapitre.

Ah ! Et qu’en penses-tu ?

Un trésor, comme tout ce que tu fais. /

Plus personnellement, je comprends ce

que pense Stephen. Ça me fait réfléchir

sur ma propre vie, en ce moment.

Et si Marc était parti pour faire le point

avec lui-même ? Si ce que tu décris chez

Achille,

c’est la pensée de Marc au quotidien ?

Il n’est toujours pas rentré ?

Non. Un mois. Il ne répond à aucun de

mes messages, mails… Je ne sais même

pas où il habite.

Je sais que c’est dur.

Dis-moi, Eli. Cette histoire, c’est la tienne ?

Tu n’écris jamais mieux que lorsque tu

Parles de toi à travers tes personnages.

Oui.

Comment ça a fini ? Toi et Malik ?

Ecrit

Elle efface, écrit. J’attends. Eli a la solution.

Ce n’est pas encore fini.

J’ai encore tellement à comprendre.

Si tu savais combien je me sens perdue.

Je voudrais me scier le crâne et retirer

mon cerveau pour le mettre en pause.

Je n’ai aucune réponse.

Merde.

Voilà qui m’avance. Et si je restais à jamais dans l’incertitude.

L’idée m’horrifie.

Ne pas savoir pourquoi Marc est parti et de prime, ne plus jamais le revoir, m’achèverait.

Je me sens si fragile loin de lui. Dépossédé de tout. Je ne sais plus vivre pour moi et c’est là toute ma tragédie. J’ai cherché cette personne rien que pour moi, l’ai trouvé et je suis seul.

Solitude. Je pensais m’en être séparé. Elle est coriace.

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