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Ce ne sera pas la première fois, répété-je dans ma tête. Il n’oublie rien. Il me connait, il sait quand je doute et là, il en profite.
— Un dernier baiser avant le oui fatidique.
— Non. Tu sais très bien où ça nous mènerait.
Il sourit, très conscient de se que je remets sur le tapis.
Il y a cinq ans, j’ai eu une grosse dispute avec Louisa. Nous nous sommes séparés quelques mois, et comme les coïncidences font mal les choses, Léonys avait fait un break avec Marc de quelques semaines : un désaccord sur leur futur emménagement. Rien de dramatique en soi, mais suffisamment pénible pour mettre de la distance. Léonys m’avait proposé des bières. Nous nous étions allongés dans l’herbe à la nuit tombée et là, j’ai senti que je partais. L’alcool gisait en moi et j’ai embrassé Léo. Il ne s’est pas gêné pour me caresser et pour déboutonner mon pantalon. Nous nous étions retrouvé cul-nu dans le jardin, les jambes emmêlés, avec deux belles érections. Je me souviens nettement de sa poigne, plus robuste que celle de Louisa. J’étais venue rapidement. Deux, fois. On l’avait fait six fois en un peu moins de deux semaines. Il s’était remis avec Marc et Louisa était revenue le même jour.
Depuis, quand ils nous arrivent de nous disputer avec nos partenaires, nous profitons d’un baiser et d’une caresse moins éloquente, comme d’un sortilège. C’est une sorte d’habitude stupide qui pourrait finir mal mais qui a fait ses preuves. J’aurais préféré m’arranger mes disputes autrement qu’avec ma langue dans la bouche de Léo, tout de même.
Et là, ça fait tic.
— Tu penses vraiment quand m’embrassant il reviendra ?
— Oui. Tu es mon porte-bonheur et je suis le tiens. Ça fonctionne toujours comme ça, Gauthier. Laisse-moi y croire. Un baiser, une caresse et je te laisse tranquille.
Un coup d’œil sur ma montre, j’hésite un instant. Léonys attend ma réponse, le regard suppliant. Il le veut son Marc. Et moi, je souhaite qu’ils se remettent ensemble, qu’ils règlent leur problème… que Marc réalise que Cathy n’est pas la solution.
Je le repousse et ferme la porte d’entrée.
Sans me retourner, je sais que Léonys m’a suivi.
À ma hauteur, il dépose ses mains sur mes hanches et vient embrasser ma nuque. Ses mains glissent jusqu’à la fermeture de mon pantalon. Je l’arrête.
— Un baiser, Léo.
— Ça ne suffira pas. Je veux mettre toutes les chances de mon côté.
— Je ne suis pas une lampe magique, Léo.
— Non. T’es une bite magique, rectifie-t-il.
Je le laisse dézipper la fermeture et prendre mon sexe dans sa main. Elle est si chaude que je tremble. Il me retient. Je m’appuie contre lui en agrippant la poignée de la porte. Ils ne seront pas assez de deux pour me tenir.
Léo longe ma verge, prenant soins de la cajoler. J’ai l’impression de perdre l’esprit quand il me touche, de devenir autre chose que moi-même. Peut-être suis-je une « bite magique ». Ai-je vraiment un quelconque pouvoir sur sa vie sentimental ? Lui en a une, en tout cas. Chaque fois que je l’ai caressé, ma situation avec Louisa s’est arrangée.
Dur comme à chaque fois qu’il pose la main ici, je me tends. Il gonfle sur mes reins.
— Ce n’est vraiment pas une bonne…
— Chut. Tu vas tout faire foirer avec tes mauvaises ondes.
Me sentant trop faible, il s’agenouille en me laissant une place entre ses cuisses.
— On a dit…
— Je ne compte pas te la mettre, idiot, me rassure-t-il. Il n’y a que Marc. Tu le sais.
J’ai la tête qui me tourne. C’est bon. Je devrais avoir honte, mais je n’ai jamais vu ça comme du sexe. Oui… c’est de la magie à l’état de deux corps fumant de plaisir. Je n’ose pas imaginer ce que l’on penserait de cette pratique : la tromperie !
Les mains au sol, la croupe offerte à Léonys, sa verge s’y frottant, sa main s’activant, je m’abandonne à exaucer son vœu : se remettre avec Marc. Etrange pratique que de se frotter l’un contre l’autre, pour rester avec la personne aimée ? Qui nous verrait penserait à deux amants… nous ne le sommes pas, ne le serons jamais. Parce que nous ne nous aimons pas.
Son bassin ondule contre mes fesses enfermées dans mon pantalon. Il mastique plus vite. Sa force me surprend toujours, si différente de celle de Louisa. Plus bestial, mais bizarrement douce.
Je viens dans un gémissement haletant. Léo se frotte encore. Je me cambre, me colle contre lui pour qu’il vienne plus vite. Quand il m’attrape le bassin et redresse mon buste contre le sien, je sens toute la ferveur qu’il a à jouir dans son caleçon.
Essoufflés, nous nous laissons tomber sur le carrelage.
— Avec ça, si tu n’as pas un mariage heureux…
— J’espère que ça se passera bien avec Marc.
Je l’espère fort.
Il arrange mon costume, me recoiffe, tapote sa poche intérieure où son ranger les bagues.
— Il va falloir trouver d’autre porte-bonheur, Léo.
— Si notre incantation fonctionne au moins pour l’un de nous, je ne vois pas pourquoi ?
— Léo, dis-je plus sérieusement. Une personne normale aurait une tout autre image de nos pratiques.
— Les croyances des gens normaux, Gauthier ? Toi et moi, on s’est ce que ça nous amène de nous trimousser l’un contre l’autre.
— Un jour, ça finira par se savoir, l’ignoré-je.
— Ah ! Et comment ? s’assombrie-t-il.
— Une porte mal verrouillée. Une visite surprise dans le jardin. Je n’en sais rien. Je te paie des prunes si la « bite magique » fonctionnera devant Marc ou Louisa.
— Pourtant c’est une vérité qu’on ne peut pas ignorer.
— Léo… toute magie a une fin. Je vais me marier et cette pratique tombera dans les oubliettes.
Je ne peux pas nier que nos « incantations mimées » nous ont toujours offerts ce que nous attendions dans nos couples respectifs.
Je le fixe imperturbable. Il roule les yeux.
— OK. C’était la dernière fois, s’avoue-t-il vaincu. Marc reviendra, bientôt.
Il sourit en me donnant un baiser sur le front.
Qu’il revienne, supplié-je intérieurement.
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