Chapitre 15 : Léonys

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Je me sens trahi.

Il est là, avec elle, mains dans la main, et tout ça devant moi. Il ne m’a pas encore vu ; ça ne serait tarder.

Je n’arrive pas à y croire. Tout à l’heure à la mairie, j’ai cru à un mirage. Cathy me fessant de grands signes, Marc n’osant pas capter mon regard. Depuis quand se voient-ils ? Sortent-ils ensemble ? Si ce n’était pas le cas, pourquoi leurs mains seraient-elles emmêlées ? Se devrait être la mienne dans la sienne.

Devant Louisa, Marc se tend. Il est obligé de me regarder. On ne voit que moi à côté de l’heureux couple. Un mètre quatre-vingt-quinze, ça ne peut pas se louper.

Mon corps chauffe tandis que mon cœur gel. Mes jambes me tiennent par miracle, pourtant je les sens flancher, prêtent à me foutre par terre.

Pas de scandale.

Surtout pas au mariage de Gauthier. Je ne me le pardonnerais pas.

Je ne sais pas si le mensonge tiendra longtemps. Louisa n’est pas idiote, elle finira par comprendre.

Marc me regarde pour avoir confirmation. Je le fusille. Il pâlie. Il peut. C’est tout ce que mon amour lui a inspirer pour se ramener avec Cathy un mois après m’avoir lâché sans explication ?

Gauthier formule un nouveau mensonge pour éloigner Louisa. Elle a du comprendre qu’un truc n’allait pas. Ils se réfugient plus loin dans la foule. Cathy a arrêté de sourire, elle a reculé en sachant que je n’avais aucunement l’intention de la serrer dans mes bras. Elle n’y est pour rien. Elle ne doit pas savoir pour Marc et moi.

— Vous êtes fâché ? ose-t-elle demander. Comme c’est innovant. Si on m’avait dit un jour que la lune et le soleil se fritterait, je ne l’aurais pas cru.

Elle essaie de désamorcer le danger qui pulse en moi.

— Oui. Marc et moi aimons beaucoup l’innovation.

Il me fixe, incapable de répondre. Ça lui fait mal à lui aussi. Tant mieux. S’il pouvait sentir la douleur dont il m’accable alors nous partagerions encore des émotions ensemble.

— Depuis combien de temps tu es revenu ? m’informé-je.

— Un peu plus de quatre mois. D’ailleurs, je suis tombé sur monsieur, le premier jour de mon arrivé.

Fait-elle semblant de ne pas comprendre ?

— Quatre mois, répété-je.

— Ce n’est pas ce que tu crois. Je n’aurai jamais fait ça.

Marc attrape mon bras. Cathy n’y comprend rien, mais ça ne saurait tarder.

— Je ne crois rien du tout. Mais je présume que vous sortez ensemble.

Je me tourne vers Cathy qui acquiesce mollement.

— Laisse-moi deviner. Un mois ?

Elle hoche la tête.

Ses cheveux blonds caressent ses épaules fines et gracieuses. Elle a changé. C’est devenu une belle femme. Très belle.

— Parfait. Je crois que c’est clair. Ça n’a jamais été moi le problème. Enfin… peut-être bien que si. Pas assez féminin, on dirait.

Je me dégage de Marc. Il saisit ma main.

— Ne dis pas ça. C’est pas comme tu…

— Comme je crois ? Qu’est-ce que tu veux que je croie, Marc ? Sept ans ? Et tu pars sans l’ombre d’une explication, merde !

Ma voix explose surprenant les quelques personnes derrière nous.

Je me contiens, reprends plus calmement.

— J’ai cru qu’il te fallait du temps pour me parler. Je n’ai pas compris que tu me quitté définitivement. En pour te remettre avec Cathy de surcroits. Tu ne sais pas… ce que ça me fait.

— Si. Je te connais.

— Tu me connais. Alors pourquoi ? Pourquoi tu n’es pas venu seul à ce mariage ? Pourquoi tu ne t’es pas douté que j’espérais ton retour comme un con ? C’est quoi le but de la manœuvre ? Me dégoûter à vie ?

J’avance vers lui, plante mes yeux dans les siens. Nos souffles se caressent. Pas inhabituel pour ceux qui nous côtoie. Pourtant aujourd’hui, il n’y a rien de romantique.

— Tu sais à quel point je t’aime, grincé-je, pour atténuer l’impact de ma voix. Tu sais ce que tu représentes pour moi.

Il se mord les lèvres, baisses les yeux. Je le sens trembler. Ni de peur ni de honte, il tremble d’infortune. Il ne sait pas s’il doit me retenir ou me fuir. Voilà où Marc en est arriver.

— Léonys, pas maintenant, gronde la voix de papy.

Il plaque une main sur nos bustes et nous sépare.

— Si vous voulez parler, vous le faites chez moi, certainement pas à la réception du mariage de vos amis.

Son regard dévie sur Cathy. Elle tombe de haut.

— Bonjour, petit bourgeon. Ça fait longtemps. Je te rends Marc dans un petit moment, en attendant, rejoins les festivités.

La mère de Louisa est juste derrière lui, elle prend gentiment le bras de Cathy, un peu flottante, et l’amène derrière la maison.

— On va se trouver une petite place. C’est quoi votre petit nom, ma demoiselle ?

Elles s’éloignent.

Papy claque des doigts. Marc et moi le suivons. Je n’ai aucune envie d’avoir cette discussion maintenant, pas alors que Gauthier m’attend pour ses vœux.

On dirait que l’incantations n’a pas abouti à m’exaucer.

Assis dans le salon, les mains croisées, le dos courbé, nos coudes sur nos avant-bras, nous écoutons le silence.

Papy a refermé derrière nous et est repartie à la fête.

— Je ne t’ai pas trompé, marmonne Marc.

— Qu’est-ce que ça change ?

— Tout…

— Tu veux que je te donne bonne conscient, Marc ? J’en suis pas capable. On ne s’est pas séparé. Tu t’es barré en pensant que ça irait. J’ai cru que tu n’allais pas bien à cause de l’agression. Mais ton changement, c’était Cathy, pas vrai.

— Non.

— Non ? C’est moi qui me trompe, c’est ça.

— Oui.

Je me passe les mains sur le visage affligé par son peu d’éloquence.

— OK. Admettons. Est-ce que c’était trop dur de me dire « je ne t’aime plus, je veux qu’on se sépare » ?

Ses mains se crispent. Il ne répond pas.

— Apparemment. Je t’ais connu plus bavard. Ecoute Marc, ce n’est pas si compliqué. Ouvre bien tes oreilles : « Je ne veux plus être avec toi, séparons-nous. ». C’est fini. Ça tient en une phrase. Maintenant que c’est clair, tu pourras avoir autant d’enfants que tu le désires, avec la femme que tu voudras. Plus besoin de douter de toi, de nous ou de notre « amour », si tant est que tu m’ais aimé un jour.

Je l’ai dit. Je sais à quoi m’attendre. Gauthier ne pourra pas me sauver. La lampe magique n’a pas fait son job. Le mariage a dû rompre mon dernier souhait.

— T’as pas le droit d’en douter.

— À ce stade, j’ai le droit de croire au pire. Parce que tu as emporté le meilleur.

C’est étrange plus je parle, plus j’ai chaud et plus je deviens froid.

Marc ne les retient plus. Ses larmes. Elles coulent.

— La communication a rompu. J’aurais juste voulu savoir pourquoi, mais on dirait que tu le garderas pour toi, conclus-je.

Son visage se ride d’une grimace qu’il vient cacher entre ses mains. Il reste enfermé dans son mutisme, me laissant observateur de son conflit intérieur.

J’ai envie de le prendre dans mes bras, de le serrer et ça me tort le cœur de me retenir. Ça ne servirait qu’à nous faire un peu plus mal.

Je me relève, le regarde longuement avant de me détourner. Je l’ai perdu. Et même si Cathy n’y est pour rien, je sais qu’il ne reviendra pas. Pas avant qu’il ne règle ses problèmes.

Ça pourrait prendre des années.

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