08. Pas de jacuzzi ce soir
Alken
Le cours terminé, j’avoue que je suis soulagé quand je vois Joy s’échapper parmi les premières, en compagnie de mon fils. Je ne suis pas prêt à la confrontation et aux échanges que l’on risque d’avoir et qui vont me mettre face à mes mensonges. Je l’observe sortir dans son legging alors que Kenzo pose sa main sur son épaule. Quand je vois son petit cul rebondi, j’ai du mal à faire sortir de ma tête l’image de ses fesses nues contre mon visage pendant que je léchais son intimité qu’elle m’a offerte sans aucune retenue. J’ai encore le goût de son excitation en tête et vu mon érection, je sens qu’il va m’être très difficile de tirer un trait sur notre histoire qui ne faisait que commencer. Histoire est un bien grand mot, d’ailleurs. On a, certes, passé de formidables moments à baiser, je suis flatté qu’une jolie jeune femme comme elle ait cédé à mes avances, mais tout ça va devoir s’arrêter. Et dès maintenant. Tant pis pour le jacuzzi qu’on devait partager ce soir sur la terrasse.
L’image du bain à remous et du corps nu de Joy contre le mien finit de m’exciter totalement et je suis obligé de me faire violence pour ne pas faire une immense bêtise en allant la retrouver. Joy est une élève du centre de danse et il ne pourra plus jamais rien se passer entre nous. Joy est une élève du centre et il faut espérer que notre courte aventure ne sera jamais ébruitée, sinon nos carrières vont en pâtir. Joy est une élève du centre, cela devient un peu le leitmotiv que j’essaie de me répéter en boucle pour que mon cerveau reprenne un peu le dessus sur mon service trois pièces qui ne pense qu’à retourner se mettre au chaud.
Dans la salle commune des professeurs, je tombe sur Enrico, le professeur espagnol de Salsa qui a attiré sur ses jambes ma femme qui a l’air de bien profiter de la situation.
— Je vous dérange, peut-être ? les interpelé-je en prenant le courrier qui se situe dans mon casier personnel.
Enrico est le portrait typique de l’Espagnol de base. Il est petit et trapu, avec une chemise largement ouverte sur son torse poilu. Entre nous, on l’appelle le “Grizzli”. Je me souviens d’échanges avec ma femme qui se plaignait en disant que ce côté fauve était particulièrement repoussant, mais quand je vois sa main glissée dans la chemise, je me dis qu’elle a dû changer d’avis. Elle me regarde, impassible, sans retirer sa main alors qu’Enrico a quand même la décence d’apparaître un peu gêné par la situation.
— Non, je disais à Enrico comme il est charmant et que je n’avais plus l’habitude d’autant de courtoisie de la part d’un homme, me répond ma perfide épouse.
— Eh bien, Enrico, profites-en. Je peux t’assurer que ça ne dure pas avec elle. Bon, je me dépêche avant qu’Elise ne me tombe dessus pour mon retard de ce matin.
Quand je vois le regard amusé d’Elizabeth se poser un peu derrière moi, je me dis que la journée des catastrophes continue, ce qui est confirmé lorsque je me retrouve face à face avec la directrice de l’ESD, les mains sur les hanches, le regard sévère.
— Oh, Elise ! Tu tombes bien… Je voulais justement te voir pour t’expliquer pour ce matin.
— Je tombe bien ou je te tombe dessus, Alken ? Je suis curieuse de connaître la raison de ton retard. Surtout que ce n’est pas un petit !
— Encore une pétasse qui l’a retenu au lit, glisse l’air de rien ma femme, toujours aussi agréable.
— Au moins il ne fait ça que dans le privé, la cingle Elise avant que j’aie eu le temps de répondre. Je pensais avoir investi dans suffisamment de chaises pour que tu puisses avoir la tienne, Elizabeth.
Je retrouve un peu le sourire quand je vois mon ex se lever précipitamment et défroisser sa petite robe. Enrico ne se fait pas prier et sort le plus vite possible de la pièce où l’ambiance est électrique.
— Ma voiture est tombée en rade à un feu. Pas moyen de la redémarrer. J’ai dû attendre la dépanneuse et venir en bus et métro. J’ai fait aussi vite que j’ai pu, je t’assure. Tu sais comme j’ai horreur des retards.
— Je vois. Et moi je passe pour une imbécile devant tous les nouveaux élèves, à les avertir de n’être ni absents, ni en retard, alors que l’un de mes professeurs principaux est aux abonnés absents. Je ne te remercie pas.
— Je comprends, Elise. Et si je t’invitais au resto pour me faire pardonner ? Tu sais bien que ça ne m’arrivera plus, ce genre de trucs.
— Pas la peine d’essayer de m’avoir avec un sourire charmeur et une invitation, mon chéri, ça ne marchera pas avec moi ! Tu ferais mieux d’inviter Marie, parce qu’elle va finir par mourir de combustion spontanée à te dévorer des yeux.
— Ah bon ? Tu crois qu’on peut mourir de ça ? Mais oui, tu as raison, je vais sûrement finir par céder à ses avances. Il faudra juste que ce ne soit pas un jour où on travaille le lendemain car je pense qu’on ne dormira pas beaucoup !
— Inutile de te rappeler que toute fornication sur le campus est strictement interdite, n’est-ce pas ? me demande-t-elle, très sérieusement.
— Oui, je connais le règlement. Pas de relation prof élève et pas de rapports sexuels sur le campus. Article vingt-deux du règlement intérieur. Juste entre l’interdiction de faire des photocopies personnelles avec le matériel mis à disposition et l’article sur l’interdiction de laisser traîner des sucreries dans la salle de pause. Tu vois, je connais tout ça par coeur.
— Bien, bon professeur. Et ne sois plus en retard, sinon tu auras à faire à mon “moi” diabolique, me lance-t-elle avec un sourire presque flippant.
— Parce que là, c’était ton “toi” angélique ? ne puis-je m’empêcher de lui demander alors qu’elle s’éloigne.
Elle se contente de me faire un clin d'œil avant de fermer la porte derrière elle, me laissant seul avec mon épouse.
— Et ça t’amuse, toi ? Pour Enrico, c’est nouveau ou tu as commencé alors qu’on était encore ensemble ? Le Grizzli a l’air d’avoir déjà bien sa place dans ta vie.
— Occupe-toi de ton cul et laisse-moi vivre ma vie. Je revis depuis que je ne suis plus avec toi. Et je ne t’ai jamais trompé, même si j’aurais sûrement dû. Trop conne pour ça.
— Au moins, on n’aura pas tout raté dans notre relation. Nous serons restés fidèles chacun jusqu’au bout, soupiré-je avant de sortir.
Je reprends le métro pour me rendre au garage où je récupère ma voiture avec une batterie et un démarreur tout neuf. Lorsqu’enfin je m’installe sur ma terrasse, un verre de vin à la main, je décompresse devant le spectacle du soleil qui se couche sur la rivière qui passe en bas de chez moi. Le jacuzzi me fait de l'œil mais tout de suite, j’ai l’image de Joy qui s’imprime dans mon cerveau et cela m’enlève l’envie de m’y plonger. Kenzo est dans sa chambre à l’étage, il doit être en train de jouer aux jeux vidéos, et moi, je me sens seul ce soir. Pas de sortie au bar, pas de soirée avec la belle jeune femme qui me fait tellement envie. Non, juste moi, un verre de vin et le vide. J’ai quarante ans et j’ai l’impression d’avoir raté ma vie.
Je récupère mon téléphone et j’envoie un texto à Marie pour combler mon besoin de compagnie.
— Coucou Marie. Tu vas bien ? Je me demandais si tu aurais envie d’un petit jacuzzi un de ces soirs ? Tu serais la bienvenue à la maison si c’était le cas.
C’est pathétique car ça fait vraiment relation-pansement, mais si elle y prend son pied, ça devrait la rendre plus heureuse, non ? J’attends fébrilement sa réponse qui ne tarde pas à arriver.
— Je peux être chez toi dans une heure, si tu es disponible, l’Irlandais.
Oh la vache. Une heure. Je m’attendais pas à ce qu’elle ait autant envie de venir me retrouver. Est-ce que je suis prêt à la recevoir ? Une fois de plus, mon cerveau et mon entrejambe ne sont pas d’accord.
— Kenzo est à la maison ce soir, pas sûr que ce soit une bonne idée. Tu es si impatiente que ça de me voir ?
— Est-ce que je suis impatiente ? Disons que j’ai entendu parler de tes exploits, à l’époque où Lizi n’avait pas une langue de vipère à ton sujet… Ça donne envie.
— Si tu veux venir vérifier, tu connais l’adresse. Je suis là. Le jacuzzi aussi.
Je décide de m’en remettre à elle. Si elle se décide à venir, je sais que je ne le regretterai pas et que je ne finirai pas la nuit seul et frustré. Si elle dit non, c’est que ce n’était pas le moment. J’essaie de faire confiance au destin. Je regarde mon téléphone en attendant sa réponse alors que je profite du chant d’un merle qui s’est installé près de moi sur la terrasse.
— Rouge ou noir, le maillot de bain ? Enfin, peu d’importance, si tu comptes me l’enlever… Et ton fils, il ne nous dérangera pas ?
— Rouge tentation, bien sûr. Je vais prévenir Kenzo. A tout de suite.
— A tout de suite alors. Rouge, c’est noté. Je me dépêche !
Quand j’imagine la rondelette Marie en maillot de bain, je retrouve un peu le sourire. J’espère qu’elle saura me faire oublier les images de Joy qui continuent à hanter mon cerveau. Je monte prévenir Kenzo qui ne répond que par un hochement de tête et je redescends passer mon short de bain ainsi qu’un peignoir pour attendre ma partenaire du soir. Lorsqu’elle sonne à la porte, j’ouvre et je la plaque immédiatement contre la porte pour l’embrasser. Elle gémit et m’enlace en se collant contre moi.
— Le jacuzzi, avant ou après m’être occupé de toi ? lui glissé-je à l’oreille avant de lui en mordiller le lobe.
— Je m’en fous du jacuzzi, pour être honnête, rit-elle en empoignant mes fesses. Prends-moi, depuis le temps que j’attends ça.
— Je suis à ta disposition ce soir, dis-je en l’entrainant vers ma chambre, laissant tomber mon peignoir en route.
Elle me suit en se débarrassant de ses vêtements, et lorsque je referme la porte derrière nous, elle m’arrache littéralement mon short puis vient me lécher et me sucer. Rapidement, nous nous retrouvons imbriqués l’un dans l’autre et l’espace d’un instant, j’oublie que c’est avec elle que je suis en train de faire l’amour. Lorsque je connais l’extase un peu avant qu’elle ne me rejoigne dans le plaisir absolu, c’est l’image de Joy que j’ai en tête. Même avec une autre, c’est la jeune femme brune qui me pousse à la jouissance. La désintoxication risque d’être longue.
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