59. Escape game matinal
Joy
C’est peut-être tout simplement le meilleur réveil de ma vie. J’ai rarement autant apprécié me faire réveiller, en fait. Moi qui ne suis pas du matin, j’avoue changer un peu d’avis lorsqu’il implique cet Apollon qui couvre mon corps de doux baisers, de caresses, comme s’il le vénérait et le saluait de la plus belle des manières. Autant dire que la nuit a été courte, que nous avons profité autant que possible l’un de l’autre et, malgré tout, mon corps réclame le sien à nouveau, attend son intrusion avec impatience, espère cette nouvelle jouissance avec force.
Je pince les lèvres fortement en sentant sa langue venir caresser mon clitoris, et laisse échapper un gémissement lorsqu’il insère un doigt en moi. Merde, je ne vais pas faire long feu à ce rythme là.
— Alken, je t’en prie…
Ma supplique le fait simplement accentuer la pression de sa bouche sur mon bourgeon et je manque d’exprimer haut et fort mon plaisir. Je vais finir par m’auto-étouffer dans l’oreiller pour éviter d’ameuter tout le quartier. Surtout que mon danseur semble prendre un malin plaisir à chercher à ce que je m’exprime.
— Alken, bon sang, on n’a pas la journée, finis-je par lui dire. C’est quoi l’objectif ? Tu veux que Théo se réveille et qu’on finisse encore frustrés ?
— Si tu pouvais éviter de parler de Théo alors que je suis en train de te faire du bien, ce serait cool, bougonne-t-il, les sourcils froncés, en venant me recouvrir de son corps.
Pour toute réponse, je me jette sur ses lèvres et enserre ses hanches de mes jambes. Alken ondule lentement contre moi, répondant à mon baiser avec ferveur. Je sens son sexe aller et venir contre le mien et ma frustration s’accroît autant que mon excitation. J’ai l’impression de vivre une première délivrance lorsqu’il s’enfonce enfin en moi, d’une lente poussée qui fait disparaître la frustration.
C’est aussi intense que lorsque nous nous retrouvons enfin, aussi fort que passionné. Faire l’amour avec cet homme me procure des émotions telles que je n’en ai jamais ressenties avec aucun autre, et j’a beau me dire que c’est sans doute parce qu’il est le premier homme avec lequel je couche sans préservatif, je sais bien qu’il s’agit d’autre chose que je n’ose pas m’avouer.
Alken étouffe mes gémissements de ses lèvres et accélère la cadence entre mes cuisses, et je sens poindre rapidement la délivrance tant attendue. Une fois de plus, le danseur m’offre une petite mort des plus exaltantes, un orgasme puissant que je ressens jusqu’au bout des orteils, sans pouvoir m’empêcher de l’exprimer, et il me rejoint dans l’extase en se déversant finalement en moi alors qu’il pèse de tout son poids sur mon corps repus.
— Tu peux venir me réveiller comme ça tous les matins, si tu veux, je ne dis pas non, murmuré-je en déposant des baisers sur son épaule et dans son cou.
— Ah si seulement c’était possible, me répond-il en me serrant contre lui. C’est le rêve d’être dans tes bras. C’est juste aussi bien que la danse avec toi, ma Puce.
— C’est notre danse rien qu’à nous, souris-je sans pouvoir m’empêcher de caresser chaque centimètre carré de sa peau qui m’est accessible dans cette position.
— La plus exceptionnelle des danses, en effet. Joy, c’est merveilleux ce que l’on vit ensemble.
Le merveilleux se fait la belle en un quart de seconde alors que nous nous figeons tous les deux en entendant une porte grincer. Le rêve est fini, et les galères commencent alors que je jette un œil à mon téléphone pour regarder l’heure.
— Là, on est mal, beau gosse, murmuré-je en le repoussant gentiment pour m’asseoir.
— Mince, je n’ai pas vu l’heure passer. Tu as une issue de secours dans ta chambre ? me demande-t-il sans pour autant quitter la chaleur de mes bras.
— J’ai une fenêtre, mais la chute risque de piquer, mon Chat, pouffé-je. Je vais aller essayer de dégager le terrain. Prie pour que Léon soit encore au lit, parce qu’il a l’oreille et l'œil, lui aussi.
— Joy, t’es réveillée ?
Deux coups sur la porte et je m’affole.
— Attends, je suis à poil ! crié-je en me levant brusquement pour aller m’appuyer contre le battant.
Comme si j’avais la force pour l’empêcher d’ouvrir. Alken regarde autour de lui, manque de chance, ma chambre est minuscule et il n’a aucun endroit où se planquer.
— Oh ça va, rit Théo derrière la porte, on peut dire que je t’ai déjà vue sous tous les angles !
J’ouvre grand les yeux en l’entendant déblatérer sa connerie et récupère mon peignoir que j’enfile à la hâte pour sortir de la chambre et éloigner ce fou de notre professeur de contemporain. Parce que là, ça pue un peu pour notre pomme.
Je bute contre Théo en sortant et referme rapidement la porte, ne lui laissant, je l’espère, pas le temps de jeter un œil à l’intérieur.
— Tu as l’air plus en forme qu’hier, soupiré-je en le poussant gentiment vers le coin cuisine. Tu me fais un café ?
— Ouais, j’ai bien fait de me coucher tôt hier. Toi par contre, tu as une petite mine. Tu n’as pas bien dormi ? répond-il sans toutefois bouger.
— Non, enfin j’ai bossé tard sur mes cours et je me suis réveillée pendant la nuit. Enfin bon, on s’en fout. Tu as pris ta température ? dis-je en posant le dos de ma main sur son front. Tu te sens bien ? Tu vas en cours aujourd’hui ?
— Oui, je vais aller en cours, tout va bien Maman Joy, déclare-t-il en m’embrassant sur le front. Je vais te faire un café. Tu voudras du pain grillé aussi ?
— Tu sais quoi ? File te doucher, je vais préparer le petit déjeuner pendant ce temps-là, souris-je en allant allumer la cafetière.
— Oh, tu es trop gentille, Princesse. Je file. A tout de suite !
Je l’observe gagner sa chambre pour récupérer des fringues et commence à préparer de quoi remplir son estomac d’homme malade et le mien qui crie famine après mes activités nocturnes. Un soupir de soulagement, bien loin de ceux de cette nuit, sort de ma bouche quand il ferme la porte de la salle de bain. Alken est en train d’enfiler sa veste lorsque j’entre dans ma chambre.
— Je vais aller voir si Léon est debout, tu m’attends en haut des escaliers ? Théo en a pour un moment sous la douche, heureusement…
— D’accord, s’il est levé, on fait comment ? On peut passer en bas sans qu’il nous voie ?
Au lieu de vraiment s’inquiéter, Alken s’approche de moi et me dépose un baiser dans le cou alors que ses mains se font à nouveau baladeuses, glissant sous les pans de mon peignoir.
— Arrête, ris-je sans pour autant reculer. Je t’interdis de me chauffer pour mieux me frustrer parce qu’il faut que tu partes…
— Oui, je sais, je n’arrive pas à m’en empêcher. Cela m’excite, cette aventure. Allez, file me dire si la voie est libre ! Je me cache en haut de l’escalier.
— Il va falloir investir dans une échelle pour les prochaines fois, Monsieur O’Brien.
Je l’embrasse tendrement et savoure ces derniers instants avant de l’entraîner à ma suite dans l’appartement. Je sens son corps qui se presse dans mon dos lorsque je m’arrête pour essayer d’entendre la radio que Léon met toujours lorsqu’il est réveillé, et marmonne en entendant Eddy Mitchel au loin.
— Bon, on est dans la galère, murmuré-je. Léon doit être au petit déjeuner, sa cuisine donne pile sur la porte vitrée. Tu n’aurais pas un pouvoir magique ? Genre… Devenir invisible, à tout hasard ?
Je me rends compte que cette pression, ce risque, m’excitent moi aussi un peu. J’ai l’impression d’être dans un film d’espionnage. Espérons juste qu’on ne va pas se faire griller.
— Là, je crois que c’est toi qui dois faire la magicienne. Il faut que tu détournes son attention, sinon, il va me voir, c’est sûr, ajoute-t-il en me posant une main sur les fesses, ce qui réveille encore plus mes hormones.
— Alken, bon dieu, marmonné-je, arrête, tu me déconcentres ! Allons-y… Attends-moi sur la place de la mairie, tu prends à gauche en sortant de la cour.
J’attrape sa main et l’entraîne en bas des escaliers avant de rejoindre la porte d’entrée que je prends le temps de déverrouiller et d’entrouvrir. Puis, je m’en vais frapper au carreau du battant de la cuisine de Léon. A cet instant, je ne sais toujours pas ce que je vais bien pouvoir faire pour qu’il se lève, parce qu’il se trouve effectivement installé à sa place habituelle.
— Bonjour Léon ! Bien dormi ?
— Comme un vieux, Joy. Et toi ? J’ai l’impression que tu as une petite mine aujourd’hui. Des soucis ?
— Je suis juste un peu fatiguée, pas d’inquiétude, Léon, tout va bien, souris-je. Je vais aller faire des courses après les cours, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Tu me fais ta liste ?
— Oh, c’est gentil, Joy, mais la voisine m’a déjà tout pris. Elle aussi s’occupe bien de moi, sourit-il, l'œil rieur.
— D’accord…
Bon, la première tentative est un échec et mon propriétaire et ami semble bien décidé à garder son fessier sur sa chaise. J’avance dans la pièce en m’étirant et me plante devant la baie vitrée.
— Oh, Léon ! Y a encore un chat qui gratte dans tes plates-bandes ! dis-je en me tournant vers lui.
Mon propriétaire se lève tout de suite et vient se positionner derrière moi pour voir ce qu’il en est.
— Où ça ? Ces chats causeront ma mort ! Mes belles plantes !
— Eh bien, ris-je en ouvrant la baie vitrée pour sortir sur la terrasse. On dirait que tu lui as fait peur rien qu’en t'énervant. Il est parti. Je ne l’avais jamais vu, celui-là, un petit blanc tout mignon.
— S’il vient gratter mes parterres, je ne vais pas le trouver mignon, moi. Je vais aller vérifier qu’il n’a pas fait trop de dégâts.
— Je vais te chercher ton manteau, attends, il fait un froid de canard, dis-je en l’embrassant sur la joue avant de filer dans l’entrée et d’y trouver Alken. File. Je me dépêche de te rejoindre.
Je le pousse presque jusqu’à la sortie et m’apprête à retourner auprès de Léon sans son manteau, que je récupère finalement pour lui apporter. De la fenêtre qui donne sur le devant de la cour, j’aperçois mon danseur qui referme la barrière en jetant un œil à la maison avant de prendre la direction du centre du village. C’était moins une, je crois, parce que Léon me rejoint et je manque de le bousculer au passage. Ouais, bon, finalement, c’est plus stressant qu’excitant, cette foutue situation.
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