Café

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« Pourquoi autant aimer le café ?


- Pourquoi autant le détester ? »

J'aime discuter avec Alice, j'aime sa répartie, la finesse de son langage.

Cette fille est une consœur, une épéiste. Elle tranche, pourfend, entrechoque et pique. Sa lame fend l'air et se mouve dans des gestes précis. Attaque, parade et relance. Dans ce jeu, entre nous, il n'y a pas de vaincue. Je me sens gagnante en sa compagnie.

Au parc, nous lisons chacune de notre côté. Un moment que l'on s'accorde à nous-même en compagnie l'une de l'autre. Et depuis peu, avec beaucoup d'insistance de sa part, nous discutons autour d'une tasse de café ou de thé. The Lucky One est notre repère.

Je ne sais pas de quoi discutent deux amies en général. Mais Alice me parle de sa lecture du moment, de son emploi du temps, de ses cours et moi je lui résume les nouvelles du journal. Rien de très passionnants, c'est vrai. Pourtant à chaque échange j'en apprends plus sur elle. Elle aime la poésie mais n'en lit que très peu. Ne s'attache pas aux auteurs, sauf peut-être certains mais jamais sans vraiment le vouloir. Elle écrit mais ne fait pas encore confiance en ses écrits pour les faire lire. En effet, si c'était de moi qu'elle doutait, elle n'en parlerait pas. Quand un sujet la passionne, elle fronce les sourcils lorsqu'elle réfléchit, retrousse le nez quand elle n'est pas d'accord et passe l'index droit sur son nez à chaque fois qu'elle compte ajouter quelque chose à la conversation. Quand elle est contrariée ou fatiguée, elle peut regarder un point fixe à travers la fenêtre du café pendant des heures avant de finalement se recentrer. Elle n'aime pas se maquiller. Elle dit ne pas vouloir mettre trop de son temps dans sa façon de s'habiller pourtant j'observe qu'un effort d'arrangement des couleurs est toujours présent dans sa tenue. Elle a souvent les lèvres sèches parce qu'elle ne peut s'empêcher de passer sa langue dessus. Très peu de bijoux, seul une montre noir CASIO au cadran carré. La montre ne fonctionne plus. Je distingue une démarcation sous la peau recouverte par la montre. Une valeur sentimentale. Je ne sais pas, Alice n'aime pas montrer ses émotions. Elle me donne cette impression d'être si proche et à la fois inaccessible. Elle se montre prévisible mais ne manque pas de me surprendre. Je veux savoir tes moindres pensées, souvenirs, expériences, secrets et tout ce qui fait de toi la personne que tu es maintenant. Je veux savoir pourquoi tu m'intéresses autant. Je veux retourner la pièce et en connaître le revers. Je veux violer ton jardin secret. Pénétrer dans chaque failles. Je ne veux pas de ton autorisation. Je suis comme une droguée qui veut toujours plus, avide des richesses de ta personne. Excessive.

« J'aime le café, j'aime son amertume, son arôme. J'aime le fait de boire du café, me forcer à mes débuts à en boire presque excessivement, en abondance. Puis à chaque gorgée ralentir le mouvement, le garder en bouche, sur la langue puis sous et au fond avant de l'avaler. Laisser aux capteurs de ma bouche le temps de décoder chaque composants. Sans oublier, à chaque fois que j'apporte ma tasse à mes lèvres de humer ce parfum délicat. J'ai l'impression que cette boisson m’apaise et me rend robuste. Je suis drôle, n'est-ce pas ?


- C'est ma réponse préférée.


- Tu évites souvent mes questions.


- Drôle, je ne sais pas. Tu demandes sûrement à la mauvaise personne.


- Tu as un avis sur peu de choses. Ou tu en as mais tu ne partage pas.


- Je ne suis pas connue pour être généreuse.


- Tu l'es avec moi.


- Pas assez d'après toi.


- Ce n'est pas ce que je voulais dire.


- Cela me rappelle notre rencontre.


- Ce n'est pas un reproche.


- Cela y ressemble.


- Arrête Diane, tu sais bien que ce n'est pas le sujet. Suis-je une drôle de personne ? As-tu un avis sur les choses ? Es-tu si insensible ?


- C'est toi qui devient sensible. Oui tu es drôle dans le sens où tu me fais rire mais ce n'est pas ce que tu veux entendre sinon pourquoi tu insisterais. Alors es-tu drôle dans le sens d'une personnalité peu commune ? Oui et c'est ce que j’apprécie chez toi. Ai-je un avis sur les choses ? Franchement j'évite de me faire un avis sur les gens et les choses. Non je ne suis pas insensible, je suis trop sensible donc je me désintéresse, je m'éloigne et je me détache.


- Tu es fâchée.


- Non.


- Et moi je t'intéresse ?


- Oui.


- Alors cela me suffit. »

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