Chapitre 2
Aavani
La chapelle était en ébullition. Œuvre du diable ? Miracle du Dieu ? Ils ne savent plus quoi penser. Et pour cause, Aavani avait survécu à une chute mortelle, sans aucune égratignure. Encore une fois. Le point positif, c’est qu’ils ne l'avaient pas directement jetée aux cachots, ils étaient en pleine délibération. Aavani pouvait apercevoir leurs mines déconfites à travers les carreaux de la petite fenêtre du bureau de la sœur principale.Sœur Adélaïde était la matriarche des lieux, et les dirigeait d’une poigne de fer. Avec elle il n’y avait pas de demi-mesure.Et elle n’aimait pas Aavani. Pour sœur Adélaïde, Aavani posait trop de questions. Elle pensait qu’Aavani portrait dans son cœur la démence et le mal qui les détruirait tous.Un jour, ou Aavani se sentait confiante, elle avait osé demander à sœur Adélaïde si le mal n’était pas de juger si cruellement autrui. Après tout, ils affirmaient que Dieu était juste et bon alors Aavani voulait comprendre pourquoi ils étaient tous si enclins à la violence et avaient si peu de tolérance et de gentillesse. Aavani avait été battue et fouettée pour avoir osé dire ça. Depuis, Aavani n’avait plus vraiment posé de questions ni même fait la moindre réflexion mais elle supposait que son regard en disait long, que l’on pouvait y lire ses convictions. Discrètement, Aavani se rapprocha pour essayer d’entendre ce qui se disait, après tout, ils discutaient de son avenir. « Elle aurait dû mourir deux fois ! Et elle a survécu à chaque fois, ce n’est pas normal. » C'est le frère Tobias qui avait parlé, c’etait l’un des plus jeunes ici il devait avoir la vingtaine bien passé . Il avait peur, il avait toujours peur, frère Tobias faisait toujours en sorte d’éviter de croiser le chemin d’Aavani.Mais Aavani, devait bien admettre pour la défense de frère Tobias, qu’elle faisait toujours en sorte de ressembler à un esprit frappeur quand elle le croisait. Après tout, elle s’amusait comme elle le pouvait ici, les sources de distraction étaient rares. Et voir le frère Tobias, sursauter et crier de terreur était vraiment amusant. « Elle est démoniaque, elle va causer notre perte ! Nous avons déjà le fardeau de nos ancêtres à porter et à expier. Elle ne va nous apporter que de la désolation. ». Les paroles de sœur Adélaïde n’étonnait même pas Aavani, si cette vieille chouette pouvait l'éjecter voir même la tuer , elle le ferait. Mais après la destruction de sa maison, et le miracle de sa survie, le Grand Conseil, qui dirigeait toutes les villes du dôme, avait déclaré que sa place était ici. Tant pour protéger Aavani que pour protéger les autres de la jeune femme. Mais si on laissait le choix à Aavani, elle serait déjà partie depuis l’endroit de ce lieu de malheur. Aavani, triturait sa robe, un petit geste qui trahissait sa nervosité grandissante.Si ils décidaient qu’elle était un danger pour eux, qu’allait il advenir d’elle? ou allaient-ils l’envoyer? Un endroit pire qu’ici existait-il? « Aavani, est une jeune femme étrange et je la soupçonne de vouloir attirer la mort à dessein. Elle passe son temps libre au cimetière, elle me fait peur. ». Sœur Vivienne exprimait sa pensée dans le plus grand des calmes, presque avec douceur même. « Sale chienne ! » pensa Aavani. « Sœur Vivienne soulève un point important, on ne peut plus la laisser aller et venir comme bon lui semble. Je pense que nous serons tous d’accord sur le fait qu’elle doit être enfermée ! ».
Sans un mot de plus, ils se levèrent tous, il ne fallut que quelques instants à Aavani pour comprendre la portée des dernières paroles de sœur Adélaïde. Aavani se leva en vitesse et se précipita hors du bureau de la matriarche, et fonça droit vers la sortie de la Chapelle. Les quelques personnes présentes s’écartèrent de son chemin en poussant des exclamations, et enfin, certains des apprentis, qui avaient pour mission la sécurité des lieux, se mirent à la poursuivre. Aavani n’était pas vraiment sportive, mais malgré ses poumons qui la brûlaient et ses muscles endolories, elle accéléra. Aavani contourna des fidèles et se dirigea vers la sortie qui se trouvait à l’arrière tout au fond du grand jardin. Si elle arrivait à se glisser par le portillon elle aurait une chance de s’en sortir, encore quelques mètres et elle pourrait être libre..
Mais c’était sans compter sur la chance légendaire de Aavani.
Aavani se fit plaquer au sol, avec force et brutalité par un des apprentis. Elle en eut le souffle coupé et vit danser des étoiles en plein jour. Aavani se débattit, elle griffa et mordit les mains qui l'empêchait de se relever. Elle ne voulait pas y retourner, elle avait conscience qu’il n’y avait que la mort qui l’attendait. Aavani plongea dans l’inconscient à la suite du coup porté par l'apprenti qui la gardait au sol.
Aavani se réveilla après ce qui lui sembla une éternité, elle avait les membres engourdis et endoloris. Sa tête lui faisait un mal de chien.Elle ouvrit peu à peu les yeux et comme elle s’y attendait, elle ne rencontra que les ténèbres. L’humidité des lieux lui colla à la peau, et l’odeur rance de sa couchette lui donna la nausée. « Allez Aavani ne te laisse pas abattre. ». Aavani devait bien admettre qu’il se passait quelque chose au vu de leurs réactions étranges et des événements troublants qui se déroulaient autour d’elle. « Il faut que je sorte d’ici. ». Forte de cette conviction elle se releva et se dirigea à tâtons vers la porte de sa cellule.
- Hey oh y’a quelqu’un ? Aavani s’époumona. Je sais que vous êtes là, s’il vous plaît laissez moi sortir. Répondez-moi !
- La ferme ! Sale monstre. Répondit le gardien d’Aavani avec véhémence.
- Alors je suis le monstre, alors que c’est moi qui suis enfermée sans de véritables raisons ? rétorqua Aavani le plus calmement possible. Je voudrais juste parler à une sœur, j’ai besoin de…
- On n’en a rien à foutre de tes besoins ! Chienne de démon ! Luc à perdu sa place à cause de toi et de la malédiction que tu lui as imposée !
- Je n’ai rien fait ! J’ignore de qui tu parles, la magie n’existe pas ici, on ne peut pas lancer de malédiction je…
- TU L’AS FAIT POURTANT ! Il est impur par ta faute, et ça va le tuer !
- Non… dit Aavani dans un soupir en reculant.
Les croyances à Vishv Jel font office de lois, ici. Si on vous pense maudit ou impur, c’est la mort assurée. Et pas une mort douce, ou juste non, une mort terrible dans la plus grande des souffrances à travers les flammes et la lapidation.
Aavani ne savait pas qui était Luc, mais même si celui-ci vit dans les croyances de la Chapelle, elle ne pensait pas qu’il méritait de mourir comme ça… Personne ne méritait de mourir comme ça.
La porte de la cellule d’Aavani s'ouvrit dans un fracas soudain et l’apprenti qui lui avait balancé toutes ces informations se tenait à présent devant elle, le visage empli d’une haine féroce, dévastatrice. Les poings serrés, il évaluait Aavani, il la jaugeait.
C'était Joriel, il allait bientôt recevoir le sacrement pour devenir un frère. Il était brutal, efficace et surtout d’une cruauté sans nom envers ceux qu’il considérait comme ses ennemis. Et malheureusement pour Aavani, là, maintenant, il la voyait comme la pire de toute. Pourtant il ne fit aucun geste en direction d’Aavani. Il continuait de la scruter, comme s' il cherchait le moindre indice, la moindre trace d’une preuve attestant que Aavani était un démon.
- Il va mourir par ta faute. Dit Joriel dans un murmure. On aurait dû recevoir le sacrement ensemble et tu l’as tué.
- Tu sais très bien que je n’ai tué personne ! Le seul responsable de sa mort ici, c’est la Chapelle !
- Ton odieux blasphème ne va pas m’atteindre ! Tu l’as condamné avec ta marque.
- Mais de quoi tu parles ?! lui demanda Aavani sincèrement.
- Ta morsure. Ça l’a empoisonné, ça a laissé une marque horrible.
- Je ne comprends pas…dit Aavani complètement abasourdi.
- Comme c’est judicieux pour toi de jouer les idiotes.
On pouvait définir Aavani par bien des mots mais “idiote” n’en faisait pas partie, enfin c’est ce qu’elle aimait se dire surtout quand la situation était telle qu’Aavani aurait peut être aimé en être une pour ne pas comprendre qu’il était venu là dans l’unique but de mettre fin à son existence.
Il avança, alors qu’Aavani recula.Si Aavani faisait un pas de côté, il en faisait de même. On aurait pu les croire en trin de danser, une horrible danse macabre qui n’annonçait que la mort à l’horizon.
Levant une hache que Aavani n’avait pas encore remarquée, Joriel s’élanca.
Aavani retint sa respiration alors que son cœur et sa respiration se figèrent. Une main traversa le corps de Joriel, arrachant son cœur au passage.
Aavani ne cria pas, elle ne pouvait pas émettre le moindre son, elle était bien trop stupéfaite pour ça.
- Bonjour ma petite Pujaarin, fit la voix qui tourmentait Aavani.
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