- Comment ça, je dois le voir, le … baiser, puis le jeter ? C’est un peu cruel, non ?

- Ben oui, vous devez régler le truc ! Ça te bouffe depuis six ans, ce trouduc t'a violé et ...

- C'est un grand mot.

- ‘Cruel’ aussi, mais bon … Au final, tu lui avais dit de ne pas le faire, il t'a baisé, c'est un viol.

- Pulsions, toussa ... Puis je l'avais un peu incité, en vrai.

- Il avait près de vingt ans, déjà qu’en terminale ça fait pas trop de lui un aigle, puis sa manipulation à la con, faut appeler un chat un chat, merde !

Etrange, j'ai marché, alors que la tactique John Snow / Daenerys, expliquée dans tous les manuels de stratégie militaire, ben elle était méchamment plus raisonnée que la sienne. Mais d'un autre côté, c'était tellement abusé, ça pourrait le faire ...

- Donc, je re ... baise avec Jérôme ?

- Non, cette fois, tu le baises !

- Mais je suis pas ... tu vois, quoi ... pas terrible en mode ... actif.

- Si, tu l'es sûrement, c'est moi qui ne suis pas trop réceptif… Oh ! Et surtout, tu l’humilies, tu retiens tes réactions, respiration égale, et tu fais même semblant de bailler, tiens ! Mais sinon, tu restes toi, enfin, le toi qu'il a connu, mais tu diriges, tu vois ? Comme tu dis souvent, *bottom mais power bottom*, et j'aime bien, hein ! Passif mais pas inactif, on le gravera sur ta pierre tombale !

- C'est d'un goût douteux, mais ça me plait bizarrement.

Et j'ai souri, parce que c'est lui, ça ! Il dédramatise toujours toutes les situations potentiellement gênantes d'un bon mot. Et j'ai méchamment tendance à être un peu trop drama ... Là, j’ai réalisé encore un peu plus qu’on est décidément complémentaires à pas mal de niveaux.

- Mais je te tromperais, là.

- Jérémie, même quand on est ensemble, même quand je suis en toi, j'ai parfois l'impression que tu es avec un autre.

- Dis pas ça, c'est pas vrai !

- Si on n'est pas honnête pour ça ... a-t-il dit avec un sourire un peu triste. Mais soit, je comprends

Et là, rien n'a jamais été aussi clair dans ma tête, ou évident, bref, le truc à faire. Ou à dire, plutôt.

- J'en ai marre de m'excuser, Arthur, puis les mots, c'est rien, ça vole au vent, mais je vais m'arranger pour que tu ne doives plus jamais dire ''je comprends'', parce que tu n'auras plus jamais à admettre mes manquements, et à les pardonner ! Tu mérites mieux, tu mérites tout et ...

- Mon tout, c'est toi, a-t-il dit avant de m'embrasser tendrement.

Il a murmuré ''je peux ?'' avant de prendre mon portable et de lire le texto de Jérôme.

- Il était à la galerie, alors ? Tu ne l'as pas vu ?

- En fait, oui, j'ai vite tapé mes lunettes sur mon nez, et je ne me ressemble plus trop depuis que j'ai ...

- Depuis que tu t'es fait décolorer les cheveux pour moi, je sais, c'était pas ton truc, juste un caprice de ma part, et que tu as accepté ... Ça m'avait fait plaisir, puis bon, aveu embarrassant, c'était un test un peu puéril pour voir ce que tu ferais pour moi.

- Je ferais bien plus, tu sais.

- Je le pense, et merci, mais ça devrait être inutile désormais, a-t-il murmuré. Plus qu'un truc à faire pour enterrer le passé. Alooors ... la réponse idéale à Mister Trouduc ...

Il l'a composée, parce que je le lui ai demandé. Mais il faut me comprendre, c'était le dawa dans mon esprit, aussi. Mon copain ... sentiments indéfinis jusqu'il y a peu, mais qui commençaient enfin à se préciser dans un coin de mon cerveau ... mon mec m'arrangeait une rencontre ... et peut-être un coup ... avec celui qui m'avait ... qui m'avait quoi, en fait ? Puis mon copain qui me risquait, sans grand risque au final, mais bon, qui fait ça ?

[Salut ! Et évidemment que je me souviens de toi, mon plus mauvais coup, tu penses ! Mais en 6 ans, on a dû améliorer la technique, alors ... parler ? OK, bon début]

- Arthuuur ! Tu peux pas être encore un peu plus cash, là ?

- Psychologie inversée, tu bouscules les rôles, tu remets sa prestation en question, le mâle lambda est troublé dans la perception de sa virilité, et est obligé de réagir, logique.

- Je sais pas trop ...

- Moi je sais, a-t-il dit, avant de presser la flèche 'envoi'.

La réponse de Jérôme a pris moins de deux minutes.

[Bon début ? Tu veux dire que ??? Cool que tu penses ainsi, j'ai svt pensé à toi, tu sais]

- Tellement prévisible, a dit Arthur, en levant les yeux au plafond ...

- Non mais c'est pas une bonne idée, pas que ça le ferait, sûr que non, mais bon ...

Il a pris mon visage entre ses mains, a posé son front contre le mien et a murmuré ‘’Tu n’imagines pas pour qui c’est le plus … cruel, comme tu as dit’’ puis il a remis quelques centimètres de distance et a chantonné un peu faux, ''When you love somebody, set him free''

- Hein ?

- Si tu aimes quelqu'un, libère-le, s'il revient, il est à toi, sinon il ne l'a jamais été.

- Mais je suis ...

- Prouve-le.

Je l'aurais bien contredit, mais il y avait soudain tant d'assurance dans sa voix et dans ses sourcils froncés, je n'ai pas contesté, sans trop savoir ce qui me faisait renoncer ...