Elle se réveilla à l’instant où le Grouilleur commençait à ralentir. Immédiatement alerte, elle ne mit pas longtemps à reconnaître la plage sur laquelle Arténiss et elle avaient combattu la veille. La jeune Modeleuse avait d’ailleurs quitté sa place et était assise en tailleur sur le dos du véhicule, d’où elle avait probablement indiqué à Heytham la direction à suivre.

- Nous y sommes presque, fit-elle, nous l’avons caché non loin de ces cailloux là-bas, dit-elle en pointant du doigt une formation rocheuse à l’orée de la jungle.

Heytham, toujours aux commandes, fit longer la forêt à l’imposant véhicule. Derrière lui, Soreï tapotait un rythme du bout des doigts sur le bord du cockpit. La musique était sacrée pour lui, et il s’était forgé une solide réputation de musicien dans Oasis. Il n’était donc pas rare de l’entendre jouer un morceau avec ce qui lui tombait sous la main. Ses tapotements, couplés aux lourd pas du Grouilleur dans le sable et au son du moteur, formaient une mélodie étrangement agréable.

- Nous devrions faire vite, fit-il sans arrêter sa performance musicale. Je ne sais pas ce que vous avez enterré là, mais ça dégage une aura étrange. Je ne suis pas étonné qu’un Infesté ai fait le déplacement pour venir le chercher, et je ne serais pas non plus étonné que d’autres se pointent dans peu de temps.

- Tu peux le sentir ? s’étonna Arténiss.

- À peine, mais suffisamment pour trouver son emplacement. Je ne saurais dire quoi, mais il y a quelque chose qui perturbe l’Ather environnant à l’intérieur.

- Je vais réveiller Alyss, dit la Modeleuse en hochant la tête.

Alyss leva une main, arrêtant son amie dans son geste.

- Pas la peine, j’ai entendu. Heytham, arrête-toi là, ça devrait aller.

Son frère s’exécuta, et la jeune Inventrice sauta sur le sable. Arténiss se laissa glisser à ses côtés. Elles ne mirent pas longtemps à retrouver la cachette, une petite dune de sable entre deux arbres. Aidées par les deux garçons, il fut rapide de déterrer ce qu’elles avaient mis plus d’un Chevron à ensabler.

- Ben ça alors, je n’ai jamais rien vu de pareil. Même dans votre bazar personnel.

Soreï avait eu du mal à cacher l’excitation dans sa voix. Mais l’étincelle d’intérêt que son regard portait au cylindre métallique n’était rien comparé au brasier qui s’était allumé dans les yeux d’Heytham. Ce dernier faisait déjà le tour de l’artefact de la même manière qu’Alyss l’avait fait la veille, répétant exactement les mêmes gestes.

- C’est incroyable. Quoi que ce soit, ça fonctionne encore, ou du moins partiellement. Est-ce vraiment de la technologie Hamagus ? fit-il dans un chuchotement presque religieux.

Alors qu'elle arrivait à ses côtés, elle haussa les épaules.

- Je ne sais pas, mais les matériaux utilisés sont similaires, bien que certains métaux me soient inconnus. Je pense qu’il s’agit d’une sorte de conteneur.

- Je suis d’accord. Mais comment s’est-il retrouvé à la mer, et d’où vient-il ? Se pourrait-il qu’il reste des Hamagus quelque part là dehors ?

Cette question plana sur le groupe, et le silence s’installa. Pendant un instant, tous observèrent l’océan, l’air pensif.

Ce fut Soreï qui brisa le silence.

- S’il s’agit bien d’un conteneur, il doit être possible de l’ouvrir non ?

Heytham hocha la tête.

- Certainement. Mais il n’est pas question d’essayer de le faire ici. D’autres Récolteurs ne vont pas tarder à arriver, et je ne tiens pas vraiment à ce qu’ils voient ce truc.

- Alors qu’est-ce qu’on fait ? demanda Soreï. Il nous reste plusieurs chevrons avant que l’on puisse retourner à Oasis.

- Il nous faudrait un endroit calme où Alyss et moi puissions commencer à l’étudier.

- Eh ! Qui t’a dit que je t’autorisais à étudier ma trouvaille ? s’agaça-t-elle immédiatement.

Heytham soupira, puis leva trois doigts dans la direction de sa sœur.

- Un, dit-il, si tu veux jouer à « je l’ai vu la première », alors cet artefact appartient plus à Arténiss qu’à toi.

Il baissa un doigt.

- Deux, il s’agit d’un engin très complexe, et je pense qu’il serait préférable qu’on s’y mette à deux si nous voulons obtenir des résultats rapidement.

Il baissa un second doigt, son visage se fendant en un sourire moqueur.

- Trois, c’est moi qui conduis le grand gaillard que voilà (il désigna le Grouilleur), et à moins que tu ne souhaites rapporter ta trouvaille sur tes épaules, il va falloir que tu fasses quelques compromis.

Elle jura intérieurement. Elle aurait bien lancé une réplique cinglante à son frère, mais elle ne trouvait encore une fois rien à répondre. Elle changea donc de sujet.

- Bon, et est-ce que tu en connais un toi, d’ « endroit calme » ? Parce que je ne sais pas si tu es au courant, mais à part Oasis, il n’existe aucun autre lieu où l’on puisse s’arrêter plus d’un demi-Chevron sans risquer de se faire croquer par un Infesté de passage.

Heytham réfléchit un instant, puis balança la tête de gauche à droite.

- Il y a bien les ruines un peu plus à l’Ouest, mais y aller serait prendre le risque de mettre le Conseil au courant de l’existence de l’artefact.

Arténiss, qui écoutait la conversation d’une oreille distraite tout en jouant avec Mu, prit enfin la parole :

- Donc, si j’ai bien compris, il nous faudrait un endroit que le Conseil ne connaît pas, qui soit assez grand pour tous nous accueillir, et qui soit à l’abri des Infestés ?

Elle avait parlé en regardant Alyss d’un air amusé. Un frisson d’inquiétude parcourit cette dernière devant la mimique satisfaite de la Modeleuse, qui ressemblait à celle d’un chasseur ayant piégé sa proie. Pourquoi avait-elle l’air de se moquer d’elle ? Après un moment de réflexion, son cerveau accepta enfin de mettre en contact ses neurones. Elle comprit enfin ce à quoi son amie faisait allusion.

Alyss partit au quart de tour :

- AH NON ! TOUT MAIS PAS ÇA !