Chevron 24

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Même après qu’ils se furent arrachés à la pluie diluvienne en s’enfonçant dans les entrailles des balcons de la ville, Alyss les guidas pendant quinze Segments supplémentaires, modifiant régulièrement son itinéraire à chaque fois qu’Arténiss lui en faisait la demande. Cette dernière compris enfin où son amie les menait, et fut une fois de plus reconnaissante pour la vivacité d’esprit de l’Inventrice. Le lieu était parfaitement anodin, et serait parfait pour passer la nuit. Elle fut cependant surprise lorsque qu’une fois arrivée devant la porte, Alyss se contenta de sortir une clé de sa poche et de leur ouvrir comme si elle avait toujours vécu ici. Devant sa mine interrogatrice, la jeune femme s’expliqua :

- Je me suis fabriqué un double lorsqu’elle a disparu. J’espérais trouver des explications, mais cela n’a rien donné. Je la garde sur moi depuis, il m’arrive de venir dormir ici lorsque Heytham m’agace un peu trop.

Typique. Arténiss hocha la tête, posant une main sur le bras trempée de son amie pour la réconforter. Cette dernière lui adressa un sourire de remerciement.

- Rentrons, je ne peux pas attendre de retirer ces vêtements.

Liam et Arténiss ne se firent pas prier et la suivirent à l’intérieur, quittant la rue à leur tour. Aussitôt entrée, Alyss se dirigea vers une autre porte située sur leur gauche.

- Je vais me changer, installer vous.

Elle disparut rapidement, refermant derrière elle. La pièce dans laquelle elle venait de les laisser était relativement spacieuse, disposant d’une bibliothèque devant laquelle avait été installé un petit salon, composé de deux fauteuils et d’une couche en cuir, entourant une petite table basse rectangulaire. Contre le mur de droite se trouvait un plan de travail spacieux sur lequel était encore posés différents outils et parchemins. Bien que le sol et la couche montraient encore des traces d’utilisations récentes, tout le reste de l’endroit avait pris la poussière. Il était cependant évident que tout le mobilier avait été fouillé de fond en comble, avant d’être abandonné dans un désordre qui rappela à Arténiss l’atelier d’Alyss.

- Où sommes-nous ?

Arténiss sursauta presque. C’était la première fois que Liam prenait la parole depuis qu’ils avaient quitté l’auberge. Elle s’en voulut d’avoir complétement oublié de vérifier qu’il allait bien, au milieu du chaos du dernier Chevron. Pourtant, lorsqu’il rabattit la capuche de l’épais imperméable de Soreï, elle fut de nouveau surprise de lui découvrir le même air calme qu’il avait afficher tout au long de la veille et de la matinée. Tout en retirant le pardessus, il observait les alentours d’un œil curieux et légèrement calculateur.

Maintenant qu’elle se tenait côte à côte avec lui, elle remarqua aussi pour la première fois que bien que n’atteignant pas la taille de Kairn, le jeune homme la dépassait quand même d’une bonne tête. Le manteau avait réussi à protéger la partie supérieure de son corps, et son pantalon noir ne laissait qu’a peine paraître à quel point ses jambes étaient trempées. Il n’avait presque rien perdu de l’allure qu’il avait arborer en sortant des dortoirs quelques chevrons plus tôt, ce qui après les évènements d’aujourd’hui, forçait l’admiration. Alors qu’elle l’observait, leurs regards finirent par se croiser. De curieux, ses yeux étaient maintenant devenus inquiet devant son manque de réponse.

- Tout va bien ?

- Oui ! Pardon. Je me remets juste de notre marathon. Pour répondre à ta question, nous sommes dans la loge d’une amie d’Alyss, qui a mystérieusement disparus il y a à peu près trois Cycles, d’où l’état des lieux. Les loges ne sont généralement pas aussi grandes et raffinés, mais les Inventeurs ont le droit à un espace plus important pour faciliter leurs travaux. Ils ne sont pas nombreux, ce qui explique que l’endroit n’a pas encore été réattribué. En plus, il n’est pas commun que les gens disparaissent ainsi, et l’une des raisons pour laquelle Alyss est en mauvais termes avec le Conseil est parce qu’elle est convaincue qu’ils ont étouffé l’affaire.

- Et c’est le cas ?

- Difficile à dire. L’amie en question n’était pas des plus sociables – peu d’Inventeurs le sont – et les seules connaissances qu’elles n’ai jamais présentées à Alyss sont un petit groupe de Collecteurs qui ont disparus avec elle. Si le Conseil à tenter de balayer l’histoire sous le tapis, il n’avait pas grand-chose à faire, donc pas de preuves tangibles. C’est ce qui pèse le plus à Alyss, elle n’a aucune piste si ce n’est que la Forge semble avoir bien aisément oubliée cette loge. En tout cas, ça nous aide bien aujourd’hui. Personne ne viendra nous chercher ici.

- Je vois. Au fait, tu ne veux pas aller te changer également ?

- Oh ! J’avais oublié mon état. Ne t’inquiète pas, j’ai un petit tour de Modeleur pour ça.

Arténiss se concentra un instant, puisant un peu d’énergie dans Mu qu’elle sentit vibrer contre sa poitrine. Soudainement, l’eau qui trempait ses cheveux et vêtements tomba tout simplement de son corps, comme si ce dernier était soudain devenu hydrophobe. Heureusement, ils se trouvaient encore dans l’entrée de la loge, qui était séparé d’une marche du parquet qui servait de sol au reste de l’habitat. L’importante flaque d’eau qui résulta de la manœuvre ne posa donc aucun problème. Liam poussa un sifflement admiratif.

- Pratique. Comment-est ce que tu as fait ça ?

- J’ai simplement recouvert mon corps et mes vêtements d’une fine couche d’Ather que j’ai faite vibrer. Pratique mais difficile à réaliser parfaitement, si j’y met trop d’énergie ou que je laisse vibrer trop longtemps après que l’eau ai quitté les vêtements, les vibrations pourraient les abîmer, voir les brûler. Pas très agréable non plus quand la même chose arrive à ta peau.

Liam grimaça, s’imaginant probablement la scène.

- Honnêtement, à ce stade, je serais prêt à prendre le risque. Je ne sais pas combien de temps je vais mettre à sécher.

- Je vais voir si je peux allumer le feu.

Heureusement, tout le nécessaire se trouvait prêt du petit poêle situé non loin de la porte. Alyss devait venir ici asse souvent pour se soucier d’avoir le nécessaire. Cette observation pinça légèrement le cœur d’Arténiss. L’endroit devait être à la fois un refuge mais aussi une douloureuse piqure de rappel. L’Inventrice avait toujours fonctionné ainsi : lorsqu’elle était perdue ou commettait une erreur, elle ne s’autorisait pas à oublier le problème, préférant s’y confronter encore et encore. Parfois jusqu’à s’en rendre malade. Elle s’en était toujours sortie jusque-là, mais Arténiss redoutait souvent de la voir craqué sous la pression qu’elle s’auto-infligeait.

Une fois le feu allumé, Liam étala le manteau sur le sol juste devant le poêle, et en profita même pour y placer ses chaussettes et ses chaussures. Alyss choisit ce moment pour refaire son apparition, habillé d’une robe d’étude beige, typique de celles utilisées par les étudiantes de la Forge. En la voyant arrivée, Arténiss ne put s’empêcher de lever un sourcil et de lui lancer un petit sourire narquois. Voir la jeune femme en robe était une chose rare, et lui donnais un air candide qui n’allait gère au caractère que tous lui connaissaient. Devant son air moqueur, les joues de son amie rougirent légèrement et elle se défendit immédiatement :

- Ne me regarde pas comme ça ! Il n’y avait rien d’autre. Mahna ne portait pratiquement que ces choses-là. J’ai l’impression d’avoir à me déplacer avec de l’eau jusqu’aux genoux avec tout ce tissu. En parlant d’eau, faîtes-moi de la place, le plus vite je fais sécher ça, le plus vite je pourrais me libérer de cet horrible uniforme.

Sur ces mots, elle déposa sa combinaison et le reste de ses affaires près de celle de Liam, puis alla se jeter sur l’allonge au centre de la pièce. Les autres durent se contenter des deux fauteuils, où ils se laissèrent cependant tomber bien volontiers. Après avoir passé un moment dans le silence, chacun récupérant des derniers Chevrons, Liam finit par trouver un prétexte pour une conversation dans des dégâts visibles çà et là à la base de tout le mobilier en bois qui ornait la pièce.

- Que sont marques ? On dirait que quelqu’un s’est amusé à donner des coups de couteau partout sur les meubles.

Alyss mit un Temps à digérer la question.

- Hein ? Oh ! Non, ce ne sont pas des coups de couteaux. L’amie qui habitait ici avait un… animal de compagnie. C’est une longue histoire. Parlons plutôt de nos plans pour demain. Après avoir retrouvé les autres, nous devons suivre les instructions de Kairn et je n’ai honnêtement aucune idée de part où commencer.

A la mention de son tuteur, Arténiss se redressa soudainement dans son siège. Son cœur battait la chamade.

- Les instructions de Kairn ?! Quelles instructions ?!

Liam la regarda d’un air surpris, avant de lancer un coup d’œil confus à Alyss qui lui fit un signe de la main détaché avant de répondre.

- Tu ne l’as probablement entendu tout à l’heure, mais juste avant que l’on quitte la table, c’est Kairn qui nous as ordonné de fuir et de faire profil bas. Il a aussi mentionné une certaine Mune, que nous sommes censés retrouver pour nous donner plus d’explications.

Arténiss n’eut pas le temps de s’inquiéter de ne pas avoir entendu les derniers mots de Kairn avant leur séparation, elle était bien plus interpellée par le nom qui venait d’être mentionné. Son changement d’expression n’échappa pas à Alyss.

- Tu la connais ?

Arténiss hocha la tête, à moitié plongée dans ses souvenirs. Mune était une personne importante pour Kairn, mais aussi pour elle.

- Je la connais. C’est elle qui m’a appris à modeler.

- Quoi ? Le « Maître » dont tu ne parles pratiquement jamais est une Maître ? Pourquoi je n’apprends ça que maintenant ? Et où est-elle maintenant ?

Elle fit de nouveau un mouvement de tête, de gauche à droite cette fois.

- Je ne sais pas. On ne la voit quasiment jamais. Autrefois, elle venait régulièrement à l’Auberge, mais il y a quelques Cycles, elle a arrêté de venir. Je sais que Kairn lui rendait régulièrement visite, mais il ne m’a jamais dit où. Et je n’ai jamais demandé.

- Pourquoi ?

- Contrairement à Kairn, elle ne m’a pas pardonné… Tu sais quoi. On ne s’est pas beaucoup parler après ça.

Arténiss n’aimait pas aborder cet incident, et son amie le savait. Alyss n’insista donc pas, et changea même de sujet :

- Bon. Comme ne nous ne sommes pour le moment pas plus avancés de ce côté-là, concentrons sur la journée de demain et sur comment on va aller retrouver les garçons. Ils auront peut-être des idées sur où commencer.

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