Chevron 26

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Un courant d’air frais réveilla doucement Liam. Le foyer, qui ne produisait même plus de fumée, avait dû s’éteindre depuis un moment déjà. Ce constat, et le fait qu’il se sentait relativement bien reposé, laissaient penser que le soleil avait déjà dû se lever. Il voulut confirmer son hypothèse par un coup d’œil vers les interstices de la porte, mais la lumière artificielle qui perçait sous cette dernière lui rappela que la loge où il se trouvait était plusieurs étages sous la surface. Il était cependant bien mieux réveillé que la veille, et pris donc la décision de faire confiance à son horloge interne.

Un autre courant d’air vint lui caresser les pieds, qui dépassaient de sa couverture. Dans un frisson, il se leva donc et vérifia immédiatement l’état des chaussettes qu’il avait déposé devant le poêle. Secs. Il ne se fit pas prier et les enfila sur le champ, mettant ses pieds à l’abris de la fraicheur. Jetant un coup d’œil à la porte de la chambre ou s’étaient retiré les deux filles la veille, il la trouva fermer. Bien qu’il tendît l’oreille pendant quelques secondes, aucun son ne lui parvint. Elles devaient encore être en train de dormir. Il décida donc d’attendre leur réveil en trouvant un passe-temps parmi les étagères qui l’entourait.

S’approchant du bureau, de nombreux parchemins étaient éparpillés dans un désordre épars. Ils avaient visiblement été consultés encore et encore, avant d’être abandonné là sans plus de cérémonie. Il pouvait déchiffrer une partie des annotations qui avaient été couchées sur le papier, mais l’écriture n’était pas des plus lisibles, et la signification de la moitié des rares passages qu’il parvenait à lire lui échappait. Le jargon était clairement technique, et les schémas qu’il accompagnait l’étaient tout autant. Cependant, il n’était pas difficile de comprendre le sujet d’étude de la personne qui les avaient esquissés. Tous ébauchaient des parties de membres de créatures mécaniques de toutes sortes, certaines à l’allure animale, d’autre plus singulières. Des Infestés.

Les croquis étaient souvent accompagnés d’une esquisse donnant une vue plus générale de chaque créature, mais la majorité de ces dernières manquaient de détails comparés au membre qu’ils accompagnaient. Il semblait que la dessinatrice – la fille mentionnée par Arténiss la veille ? – n’avait pas vu la plupart des Infestés elle-même, les dessinant probablement à partir d’information qu’il lui avait été contées ou qu’elle avait trouvées via des sources indirectes. En revanches, il était clair qu’elle avait pu mettre la main sur des parties de corps, ce qui expliquait leur niveau de détails bien plus poussés.

Alors que Liam passait de papier en papier, l’un d’eux attira son attention. Mis à part de l’autre côté du bureau, il présentait plus de plissures que la plupart de ses semblables, au point qu’il avait commencé à se déchirer en certain point. Il avait été manipulé bien plus fréquemment. Liam s’en saisit et l’observa avec attention. L’Infesté qui y était dessiné se démarquait lui aussi, au point qu’il douta qu’il s’agisse du même type de créature : il s’agissait d’une sorte d’hybride entre un oiseau, dont il arborait les pattes, la tête et les ailes, et d’une sorte de bovin, pour le reste de son corps. Il en avait cependant deux fois la taille, à en juger par la petite silhouette humaine dessiné à ses côtés comme référence.

Ce qui le différenciait vraiment n’était pas sa morphologie cependant, mais la composition de cette dernière : là où la plupart des Infestés dessinés sur ces documents ressemblaient à la poterie malformée d’un enfant, ce spécimen ressemblait davantage à une statue finement sculptée. Chacune des pièces de la carapace qui le recouvrait dessinaient parfaitement sa musculature animale. Ses ailes, couvertes de longues plumes semblables à autant de lames aiguisées, lui donnait une apparence puissante et impérieuse. Liam aurait pu croire à une créature imaginaire, si les notes qui accompagnait le dessin n’avait pas rendu très claire que celle qui l’avait esquissé l’étudiait avec le même sérieux que les autres, même plus.

Les notes étaient si nombreuses qu’elles occupaient tout l’espace disponible sur la page, devenant de plus en plus petite à mesure que la place avait commencé à manquer. Le tout rendait le document encore plus indéchiffrable que le reste. Cependant, il avait la certitude que ce document en particulier était plus important que les autres, et il décida donc d’aller s’assoir sur la couche pour mieux l’étudier.

Les bribes de textes qu'il parvint à lire restaient majoritairement descriptives et techniques. Bien qu’il ne comprît pas certains termes utilisés, il put constater que l’amie d’Alyss avait d’abord fait les mêmes observations que lui, notant la différence d’apparence entre les Infesté plus « commun » et celui-ci. Le papier était également recouvert de spéculation sur les matériaux qui formait la créature, et sur leur origine.

Liam ne pouvait pas, même avec les connaissances qui lui avaient été transmise par la Première Ange, mettre une image sur la plupart des noms qui étaient cités dans ces théories. Il spécula que cette dernière ne devait donc pas être plus informé que lui sur le sujet, ce qui le fit sourire. Tout importante que la jeune fille pouvait être, et toute puissante puisse être sa manipulation de l’Ather, il y avait des limites à ses pouvoirs. Cela correspondait davantage à l’image qu’il s’était fait de la jeune Ange lors de leur rencontre que celle que lui avait peinte par ses nouveaux amis, qui en parlait presque comme d’un mythe.

Alors qu’il se faisait cette remarque, un passage des notes attira son attention : il était fait mention que la créature mi bête – mi oiseau n’était pas seulement différente des Infestés sur le plan physique, mais aussi dans son comportement. Cependant, il n’était pas détaillé en quoi. Il était seulement évoqué que la singularité de ce dernier était suffisante pour créer une toute nouvelle « classe » d’Infesté, voir rendre le modèle même de « classe » obsolète. Alyss avait mentionné que les Infestés était rangé par classe, mais il semblait que son amie considère que ce spécimen ne pouvait être rangé dans aucune d’entre elle. Qu’est-ce qui avait tant pu surprendre l’auteur dans l’attitude de son sujet d’étude ?

Liam fut sorti de sa réflexion par des bruits venant de l’autre côté de la porte donnant sur la rue. Avant qu’il n’ait le temps de réagir, des cliquetis provenant de la serrure se firent entendre. Mais le son n’était pas normal. Quelqu’un essayait d’entrer, certes, mais n’était visiblement pas équipé des clefs.

On crochetait la porte.

Clic.

Les pensées de Liam se lancèrent à toute allure. Il n’y avait nulle part ou se cacher dans cette pièce, et aucune autre sortie. Devait-il tenter de rejoindre la chambre où dormaient Alyss et Arténiss ? Non. Avec la disposition de la pièce, même s’il arrivait à s’y faufiler avant que l’arrivant ne puisse l’apercevoir par l’ouverture de la porte, le bruit de sa course l’alerterait nécessairement de sa présence. De plus, il quitterait simplement un cul de sac pour un autre.

Clic clic.

Alerter les filles était une autre option, mais si l’intru n’était pas seul, jamais ces dernières n’auraient le temps de se réveiller, se lever et agir avant que l’alerte ne sois donnée. Pire, ils perdraient tout élément de surprise, puisqu’à cette distance, il aurait à crier pour avoir une chance de les sortir de leur sommeil.

Clic clic … Clic.

Il n’avait pas le choix. Il devait bluffer. Prétendre être l’habitant des lieux, et si le mensonge ne passait pas, agir comme un squatteur. S’il s’assurait que son altercation avec l’intru soit asse bruyante, les filles seraient alertées sans que leur présence ne soit dévoilée, et il pourrait gagner le temps nécessaire à ce qu’elles trouvent un moyen de lui venir en aide.

Ayant pris sa décision, il se jeta vers le poêle, attrapant le pique feu qui était poser en équilibre sur le côté du fourneau. Il eut tout juste le temps de se retourner vers l’entrée avant que la serrure n’émette un dernier son.

Clac.

La porte se libéra de son cadre. Des rayons de lumières commencèrent à s’introduire dans la pièce, dessinant progressivement une ombre imposante sur le plancher. La poigne de Liam se resserra sur son arme improvisée.

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