Chapitre 49 : Planification.
« Oh non ! »
Ho Jin se met à taper frénétiquement sur son clavier. Egon tourne le regard vers son acolyte alors que Garcia termine son récit et ses conclusions.
- Que se passe-t-il, Bleda ?
- Je l’ai perdu !
- Quoi ?!
- J’ai perdu Viktór !
Egon se lève et se dirige vers le jeune homme, pose ses mains sur le comptoir pour voir de plus près l’écran d’ordinateur portable.
- Quelle est la dernière adresse enregistrée sur sa position ?
- Pas d’adresse précise. Mais j’ai les coordonnées. C’est dans le nord de la capitale, dans une région boisée, proche du fleuve. Si tu veux, je peux m’y téléporter.
- Hors de question. Ce serait stupide qu’on perde deux des nôtres.
- Mais… Il… Il est peut-être en danger de mort !
- J’ai dit non.
- Egon, j’y vais en forme de rat. On ne me repèrera pas ! Et s’ils me trouvent, je me téléporte.
- Viktór a été repéré malgré son pouvoir d’invisibilité. Nous ne savons pas ce qu’il s’est passé et ce à quoi tu pourrais être confronté. En revanche, nous savons où il s’est volatilisé, d’après ta carte. On ira le chercher, ensemble. Mais pas maintenant. C’est trop risqué.
Le pannonien balaye du regard la pièce, incluant ses deux invités français. Garcia et Mandrin n’en mènent pas large, se demandant bien dans quelle sorte de mission impossible Egon va bien pouvoir les expédier. Puis il s’adresse à nouveau à Ho-Jin après avoir jeté un rapide coup d’œil à sa montre :
- D’autant plus que les renforts ne devraient pas tarder à arriver. J’ai besoin d’un état des lieux.
Garcia se lève, en se raclant la gorge. Tous se tournent vers lui. Ce dernier fouille dans ses poches, machinalement, en sort un paquet de cigarette et un briquet.
« Excusez-moi, j’ai besoin de m’en griller une. Je peux ? »
Egon, à contre cœur, acquiesce. Il n’a jamais été très fan de ces tiges à tabac puantes, mais il peut comprendre que pour un humain lambda accro à la nicotine, avec tous ces nouveaux éléments, cette chose puisse l’aider à se recentrer.
Le capitaine porte une tueuse à ses lèvres, l’allume et, tout en avalant une grande quantité de fumée salvatrice, qu’il recrache lentement, il marque une pause. Plongé dans ces pensées, il se dirige vers la grande baie vitrée, regarde le paysage, tire une nouvelle bouffée puis se retourne et s’adresse à son hôte, toujours la cigarette à la main :
- Le gamin a raison. Si on veut savoir où l’on va, on doit avoir quelqu’un qui part en éclaireur.
- Oui, c’est ce qu’était censé faire Viktór. » Rajoute Egon, sarcastique.
- Je comprends, Egon. Maintenant, c’est un risque à prendre. Je ne dis pas que l’on doit envoyer Ho-Jin à l’abattoir mais un rat est tout de même plus discret qu’un lynx. Et puis, là où je vous rejoins, on peut partir ensemble. On reste à l’arrière, armés, pour le couvrir en cas de pépin.
- Certes. Mais, nous ne serons pas confrontés qu’à des démons. Il y a autre chose, de bien plus puissant et mortel.
- C’est-à-dire ? » Demande Garcia, piqué par la curiosité.
- Les grands prêtres. Il s’agit d’une nouvelle race d’êtres dont les pouvoirs les feraient rivaliser avec des Dieux. D’après Jareth, ils seraient une dizaine en ce moment sur Terre.
- Ok ! Et… Excusez-moi mais, qui est Jareth ?
- Le démon que vous avez failli arrêter à la citadelle et qui était gravement blessé.
- Ah ! Et ? Il est mort ?
- Non. Vivant. Nous l’avons soigné.
- Mais ?! Pourquoi ? C’est un démon !
- Oui et non. Il est notre allié. »
Egon se tait, et se dirige vers l’immense baie vitrée qui donne sur la grande cité. Les yeux rivés vers le ciel, sans vraiment le regarder. Son esprit accaparé par toutes les étapes à suivre pour atteindre son but : détruire une bonne fois pour toute ses ennemis jurés, délivrer son ami et sa protégée, pour ne plus jamais la perdre. Mais comment faire pour contrer ces nouveaux ennemis qui ont certainement attrapés Viktór, en espérant que ce dernier soit encore en vie. Les démons apparaissent à ses yeux bien moins redoutables. Ils ne sont que les marionnettes de ces grands prêtres aux pouvoirs apparemment illimités. Egon repasse la conversation qu’il a eu il y a une heure avec Jareth. Cet homme a des visions prophétiques, il le sait. S’il a vu leur mort, autant profiter de cette prémonition.
Le capitaine Garcia se rend vers Egon et lui pose la question qui le taraude depuis un petit moment déjà :
- Comment comptez-vous faire pour descendre toute une armée de démons avec des êtres aux supers pouvoirs ?
- En utilisant mon armes secrète.
- Et où est-elle cette fameuse arme secrète ?
- Elle est en chemin.
Le carillon d’une sonnette interrompt la conversation et toute une bande de visiteurs prennent d’assaut le loft.
Ce sont Aiday et Balázs, les bras remplis de paquets et bagages particulièrement gros. Derrière eux, apparaisse, deux autres personnes : Octavius et Jareth.
« Joyeux Noël à tous ! C’est le papa Noël avec sa hotte et ses cadeaux !! »
Déclare Balázs, hilare.
- Qu’est-ce que tu nous as ramené ? Demande Ho-Jin, piqué par la curiosité.
- De quoi dégommer un max de cornus rouges ! Et en plus, les balles et les armes tranchantes ont été bénies par notre invité spécial ici présent. » Répond Aiday en tendant son bras vers le Syldraïne.
- Mais, tu es sûr que ces armes ne vont pas se retourner contre nous ? » S’inquiète Ho-Jin. Balázs éclate de rire.
- T’inquiète ! Les armes ne vont pas se mettre debout sur leurs petites papattes et se mettre à nous canarder ! »
Déclare le grand turc d’un air goguenard. Ho-Jin ne répond pas, vexé, et va bouder devant son ordinateur. Egon, qui a déjà ouvert les sacs, commence à inspecter les différentes armes. Il y a des revolvers, petits et gros calibres, des mitrailleuses mais aussi des arcs, des arbalètes, des flèches et des carreaux à la facture élaborée et au matériel ultra résistant. Les yeux du pannonien prennent une légère couleur ambrée au fur et à mesure qu’il passe en revue les munitions et les armes.
- Je confirme. Tous ces objets ont été modifiés et bénis correctement.
- Merci Egon. J’ai fait de mon mieux. » répond Jareth, reconnaissant.
Egon se retourne vers ses hôtes.
« Bien, commençons les préparatifs. »
Les policiers français s’approchent de l’armada dans les sacs de sport. Mandrin prend Balázs aux mots : il découvre les différents objets comme de nouveaux présents apparus sous le sapin.
Chacun se sert en prend ce qui lui convient.
Mandrin tombe sur des espèces de plastrons fabriquées en des matériaux peu communs en ce siècle.
- Ouah ! Qu’est-ce que c’est ?
- Ce sont nos armures respectives et sur mesure. » Lui répond Aiday. « Je n’en n’ai pas pour vous, malheureusement.
- C’est égal. » Intervient Garcia. « J’ai pris nos gilets par balle respectifs, ainsi que nos armes. »
- Parfait ! Donnez-les à Jareth. Il va les bénir.
- Comment ça, il va les « bénir » ? Demande le capitaine français, inquiet.
- Les armes communes ne servent à rien contre les démons. Il faut un rituel spécifique avec certains artefacts. Habituellement, ce sont les enchanteresses qui le font pour nous. Mais apparemment, notre invité a les mêmes capacités que nos protectrices, et a un lien avec elles. »
Tous se tournent vers Jareth, sauf peut-être Octavius, qui ne peut qu’avoir un sourire complice.
- Que veux-tu dire Aiday ? » Demande Egon, intrigué.
- Que Monsieur ici présent a quelque-chose à voir avec les enchanteresses qui nous aide depuis des siècles. »
Egon se tourne vers Jareth, attendant plus de précision.
« Mon ami, ce n’est pas important et puis ce serait trop long à expliquer. »
Retorque le Syldraïne, gêné par tant d’attentions autour de lui.
Mais Aiday insiste :
- Si, si Jareth ! Expliquez-nous ! Quel est votre lien avec les enchanteresses ?
- Aiday, j’aimerais que tu changes d’attitudes vis-à-vis de Jareth. Il a beau faire partie de la race de nos ennemis, il est un allié. » S’interpose Octavius.
Egon se réinstalle sur son fauteuil en cuir, préférant assister à cet édifiant spectacle, accompagné, pourquoi pas, d’un verre de bourbon, qu’il propose aussi à Garcia et Mandrin qui acceptent.
Aiday, défiant son supérieur, l’interroge :
- Ah oui ? Et comment ça, il est notre allié ?
- Oui, depuis toujours. » Répond Octavius.
- C’est-à-dire ?
- Les enchanteresses, celles que l’on nomme aussi sorcières, magiciennes ou fées, sont la création d’un puissant mage, que les peuples celtes appelaient le grand druide. D’ailleurs, nos enchanteresses actuelles le vénèrent toujours !
- Oui c’est vrai ! » Fait remarquer Egon. « Salomé en a fait illusion lorsque nous sommes allés la voir. » Il se tourne alors vers Jareth. « Donc, si je suis bien, c’est de toi dont on parle, n’est-ce pas ?
- Oui. » Avoue Jareth.
Mandrin, complètement enthousiasmé par toutes ces nouvelles révélations, se permet d’ajouter.
- J’ai déjà entendu ce titre en Bretagne. Monsieur Jareth, ce serait incroyable, que vous soyez ce fameux grand druide qui est aussi immortel que nos guerriers hunniques ici présents, et que vous vous appeliez en réalité, Merlin !
- Merzhin. Mon nom de naissance. » Corrige Jareth. « Merlin en est la traduction latine. Mais oui, effectivement, vous, terriens m’aviez surnommé ainsi : Merlin l’enchanteur. »
Mandrin, les yeux ébahis et la bouche grande ouverte, ne sort plus un son. Il ne quitte pas des yeux le grand magicien. Il tapote fébrilement sur l’épaule de Garcia, en lui chuchotant :
« C’est… C’est Merlin ! Il existe en vrai ! C’est… C’est incroyable !»
Garcia ne répond pas tout de suite, puis lui susurre à l’oreille : « Oui, Greg, ça l’est, incroyable. Mais arrêtez de le montrer du doigt, il vous voit. Et puis veuillez refermer votre bouche. Ça devient malaisant. »
Puis il se tourne vers Egon :
“C’est l’arme secrète dont vous aviez fait allusion ?”
Le guerrier acquiesce d’un signe de tête. Le capitaine, après avoir lâché un profond soupir pour se rassembler les idées, ajoute :
- Ok ! Bon. Eh bien, si je résume, nous avons une équipe composée de six grands guerriers huns immortels dotés de pouvoirs surnaturels, un puissant magicien légendaire et… de deux flics de la PJ française dont les seules capacités sont de râler sur les chauffards pour l’un, de débiter une floppée de conneries d’ado attardé pour l’autre et utiliser leurs armes à feu sur des créatures immunisées aux balles. Euh… Vous êtes sûrs que vous avez vraiment besoin de nous ?
- Capitaine, si vous ne voulez pas nous suivre, nous vous comprenons et nous ne vous en tiendrons pas rigueur. » Intervient le vieux sage. « Il serait effectivement plus prudent que vous restiez en retrait. »
Soudain, Mandrin, piqué au vif par les réflexions désobligeantes de son supérieur, se lève brusquement de son canapé, se dressant fièrement et bombant le torse devant l’assistance, s’esclame :
“Et alors ? Nous n’avons pas de super pouvoirs mais on peut vous être utile ! Je n’ai pas fait tout ce voyage pour rester assis le cul coincé dans un canapé en cuir à me saouler au bourbon pendant que vous allez risquer votre vie et sauver cette planète ! M’en fous si j’y passe ! Mais pour rien au monde, je ne veux rater ça ! “
Garcia ne répond pas tout de suite, le cœur serré par tant de témérité candide. Il sait qu’il risque sa vie, à lui et à son subalterne. Mais si la raison lui conjure de ne pas se mêler des affaires de supers héros, son cœur hurle à la vengeance. L’image de sa femme intubée dans un lit d’hôpital lui revient en force. Le regard déterminé, il déclare :
« Mandrin a raison. Je ne sais pas comment, mais deux bras armés de plus, c’est déjà ça de pris. Vous n’êtes après tout que des vieux croulants persuadés de tout savoir sur tout. Peut-être nous sommes le grain de sable dans un rouage bien trop prévisible. Et sinon, eh bien, tant pis. Je vous demanderais juste une chose : prenez soin de ma femme lorsque tout sera fini.
- Non, Capitaine ! » S’insurge Egon.
- Guidrish, je crois que vous ne m’avez pas bien compris. Nous venons nous battre avec vous !
- Oh ! c’est vous qui ne comprenez pas. Vous irez vous-même embrasser votre épouse dès que vous aurez botté le cul de ces maudits dieux rouges. »
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