Chapitre 55 : La reine des fées

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Même à travers ses yeux fermés, Egon entrevoit une fulgurante lumière blanche. Il protège ses yeux avec son avant-bras tant l’éclat est perçant. Pourtant, aucune chaleur n’émane de la lumière. Mais, il entend les cris stridents de quelques êtres inhumains qui font écho dans la salle consacrée. La seule chose qui lui vient à l’esprit est de se protéger. Il est exposé à ce rayonnement qui doit être mortel. A tâtons, il touche la bordure de l’autel sur lequel il est assis et se laisse tomber au sol, du côté du mur. Les hurlements perçants sont de plus en plus forts, à lui en faire éclater les tympans. La lumière est tellement puissante qu’elle devrait lui brûler la peau. Pourtant, il ne ressent aucune douleur, à part les oreilles et les yeux qu’il protège de toutes ses forces. Les cris atteignent bientôt la limite du supportable. Il sert de plus en plus fort ses mains contre sa tête et, pour compenser la douleur, se met lui-même à hurler, tant cette dernière devient insoutenable.

Puis, plus rien.

Les acouphènes qui sifflent dans ses oreilles le désorientent totalement. Son seul repaire est le mur sur sa droite et le socle de l’autel sur sa gauche. Il attend d’abord, quelques minutes puis se relève un peu, prenant appuis sur le rebord de l’autel, afin d’observer la scène, sans se mettre à découvert. Les trois grands prêtres ne sont plus là. Seules leurs robes de bure gisent au sol, vides. Sa belle non plus, n’est plus présente, apparemment. Alors il se relève, se tient debout, chancelant, s’appuie contre le mur, tourné vers la salle. Ses amis sont tous là, au sol, ne bougeant plus. Mais, un spectacle encore plus hallucinant s’ouvre devant lui alors qu’il relève la tête vers le plafond : Ahona, sa princesse, sa reine depuis toujours, est, non pas debout sur l’autel, mais à un bon mètre au-dessus de l’estrade, les bras en croix, en lévitation. Une douce lumière émane de son corps et illumine la grande salle oblongue. Sa chaleur est apaisante. Egon a l’impression de reprendre petit à petit des forces. Son moral aussi devient meilleur au fur et à mesure que l’étrange luminescence se répand au travers de tout l’espace.

***

Une douleur aigue lui fusille la hanche. Ou peut-être est-ce la cuisse, le Capitaine Garcia n’en n’est pas très sûr. Mais une chose est certaine, c’est qu’il doit être sacrément mal en point. Il n’ose plus bouger, de peur d’aggraver la situation. Il ouvre les yeux et relève lentement la tête. Tous sont au sol. Il cherche du regard son jeune coéquipier et doit prendre le risque de légèrement se relever pour avoir un point de vue plus large, sous peine de se faire repérer. Le policier aperçoit finalement Mandrin, avachi contre un mur, inconscient, le bras gauche formant un angle droit pas très naturel. Il tente de bouger lentement ses jambes. Étrangement, la douleur qui lui lancinait la cuisse s’estompe au fur et à mesure qu’il pose son attention sur ses jambes. Il réussit à se relever, tant bien que mal et regarde autour de lui. Ce ne sont plus les flammes des torches qui enluminent la pièce, mais un rayonnement clair et apaisant. Il peut voir ses frères de bataille qui étaient inconscients au sol, reprendre peu à peu connaissance, ainsi que le contrôle de leurs corps. Cependant, Mandrin ne bouge toujours pas. Il se précipite vers lui, le cœur serré et l’inquiétude montant de plus en plus dans sa poitrine.

« Non, non, non… Pas lui ! »

Se murmure-t-il à lui-même, en proie à la panique. Il est maintenant à genoux devant le jeune homme inconscient et appose deux doigts sur le côté de son cou, espérant sentir une pulsation, même infime et l’oreille collée contre sa bouche et son nez pour percevoir un filet d’air. Mais rien. Il l’allonge au sol, précipitamment et commence machinalement les premiers gestes de secours, les deux mains appuyées sur son torse et compte tout en appuyant en cadence le plus fort qu’il peut sur le torse du lieutenant.

« Un, deux, trois, quatre… RESPIRE PUTAIN !!! Cinq, six… MANDRIN ! Sept… »

Mais le jeune homme ne bouge pas. Un filet de sang coule depuis la commissure des lèvres et des oreilles. Garcia continue frénétiquement d’appuyer sur la poitrine de son coéquipier, la gorge nouée et au bord des larmes. Mais au fur et à mesure qu’il persiste, sa respiration commence lui aussi à lui manquer tant l’effort est éprouvant. Une légère pression à l’épaule le fait revenir à lui et l’écarte lentement du moribond. Il chasse la main brusquement, car il s’entend à ce qu’on lui dise que c’est trop tard et qu’il ne peut plus rien faire. Il est prêt à fondre ne larme comme un gamin et à se retourner pour tout casser. Mais ce n’est pas le message qu’il entend.

« Écartez-vous, Capitaine. Laissez-moi faire. »

Garcia se retourne et voit Oktavius derrière lui, avec un sourire rassurant.

L’espoir remplace très vite son désœuvrement. Il se relève et laisse la place au vieux médecin, dont le visage est tuméfié sur tout un côté. Pourtant, il a l’air d’être en pleine forme. Il voit le vieil homme s’accroupir devant son ami et lui apposer ses mains sur son torse. Cependant il ne commence pas un massage cardiaque, mais place ses mains au-dessus du corps du jeune policier en fermant les yeux et en fredonnant une étrange mélopée. Garcia ne comprend pas très bien ce qu’il est en train de voir. Cela ne correspond pas vraiment aux gestes de premiers secours qu’il a appris à l’école de police. Il regarde autour de lui, cherchant de l’aide, et là, comprend d’où vient la lumière paisible qui avait envahi la salle : Lisa Mauragnier est en suspension, droite, les bras en croix au-dessus d’eux, la lueur claire émanant de tout son être. Les autres guerriers sont tous debout, malgré les multiples traces de blessures qui auraient dues les rendre impotents ou morts. Ils sont ébahis et contemplent ce spectacle surréaliste. Les démons, qui bloquaient toutes les issues, sont soit à genoux, têtes baissées, se prosternant devant leur nouvelle reine, ou paralysés de terreur quant au sort que leur réserve ce nouveau prodige. Soudain, un son roque rompt le silence. C’est Grégory Mandrin qui reprend miraculeusement conscience ainsi que son souffle en s’étouffant presque par une violente toux. Le capitaine, faisant fi du phénomène extraordinaire qui se déroule sous ses yeux, se retourne pour constater l’autre miracle et se précipiter vers celui qui est revenu à la vie.

. Merci Docteur ! Je ne sais pas comment vous avez fait, mais nous vous en devons une ! »

S’exclame Garcia, extatique devant Oktavius. Il lui répond alors :

« Ce n’est pas de mon fait, j’en ai peur. Elle a été plus rapide que moi. »

Lui répond-il, perplexe, les yeux rivés sur la Reine des fées.

***

Jareth reprend petit à petit ses esprits, toujours avachi au sol. Une douleur sourde à la gorge rend sa respiration difficile.

Alors qu’il tente de prendre une première inspiration, une violente quinte de toux le submerge à lui faire cracher ses poumons. Puis, la crise se calme. Petit à petit, il arrive à respirer. En se cramponnant au mur proche de lui, il parvient à se tenir debout. Sans aucune explication logique, la douleur à la trachée s’estompe rapidement jusqu’à complètement disparaître. Il peut maintenant tenir sur ses jambes, et en se retournant, observe le prodige opérer : sa création s’est réveillée. Le plan peut enfin s’accomplir.

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