PRATICO-PRATIQUE SI COMMODE
LA VIE PAR PROCURATION
Levée sans réveil
Avec le soleil
Sans bruit, sans angoisse
La journée se passe
Le temps qui nous casse
Les vivants se fanent
Tout va, tout fonctionne
Sans but, sans pourquoi
PRATICO-PRATIQUE SI COMMODE
Imaginez ce quotidien :
Il est l’heure de se lever, elle m’assoit au bord du lit. Ses pieds apprécient ce tapis bien moelleux. Elle lève les bras bien haut pour s’étirer. Elle se met debout. Une envie pressante se fait sentir. Elle se soulage après une nuit mouvementée durant laquelle elle n’a pas cesser de me retourner. Puis, elle enlève son pyjama pour filer sous la douche. Elle tourne le robinet. Elle porte son gel douche sous son nez. Quelle délicieuse odeur ! Elle se savonne. Elle apprécie cette fine mousse sur ses membres. Elle se rince. Elle tend le bras pour actionner le chauffage infrarouge en tirant sur le cordon. Grâce à lui, elle ne prend pas froid, Elle se sèche vigoureusement. Enroulée dans ses serviettes, elle file dans sa chambre. Elle ouvre sa garde-robe pour choisir ses vêtements. Il ne fait pas très chaud aujourd’hui. Elle opte pour le pull pourpre avec ce beau pantalon qu’elle aime tant. Elle s’habille, se maquille puis se coiffe. Elle se dépêche de faire son lit. L'heure tourne, il est temps de prendre son petit déjeuner. Elle sort une tasse de son placard pour se faire un café. Elle met une tartine dans le grille-pain puis elle sort le beurre et la confiture du réfrigérateur. Tout est prêt, elle met tout sur la table et peut s’asseoir pour se restaurer, pour prendre son premier repas de la journée.
Vite fait, elle débarrasse la table et fait sa vaisselle. Ensuite, elle range ses ustensiles. Il est temps qu’elle parte au travail. Elle a quelques kilomètres à faire, et doit prendre sa voiture pour s'y rendre. Elle prend son sac et son manteau qu’elle enfile à toute vitesse. Elle se rend au garage, et ouvre la portière de son véhicule. Elle s’installe au volant, met la clé de contact afin de démarrer. La voilà partie, elle accélère, elle freine, elle tourne, laisse passer le piéton, elle attend au feu rouge, et redémarre. Elle entre sur le parking de son entreprise où elle se gare.
Elle salue ses collègues, retire son manteau et allume son ordinateur. Il fait chaud dans le bureau, elle enlève son pull. Sa journée de travail débute. Vers 10 heures, elle s’autorise une petite pause durant laquelle elle prend une tasse de café. Elle en profite pour passer aux toilettes.
Lors de sa pause méridienne, Elle mange au restaurant d'entreprise. Elle prend un plateau et se sert de ce qui lui donne envie de manger ce jour-là. Elle opte pour une petite salade verte, des spaghettis bolognaises en plat de résistance, d’un bol de fromage blanc avec un coulis de fruits rouges et d’une carafe d’eau.
Après le repas, elle profite de reprendre une tasse de café. Elle retourne au bureau mais avant elle repasse aux toilettes. C’est déjà la cinquième fois qu‘elle a exécuté ce geste depuis son lever.
Sa journée terminée, elle doit faire des courses. Elle reprend sa voiture pour se rendre au supermarché. Elle cherche une place,t se gare et prend un caddie.
Elle choisit ses denrées en fonction des prix, des promotions ou de ses envies. Elle aime lire les étiquettes. Elle saisit les articles, les regarde puis elle le prend ou elle le remet sur l'étal. Pour finir, elle se rend à la caisse. Elle dépose tous ses achats sur le tapis roulant puis elle remet toutes ses marchandises dans le caddie. De son sac à main, elle sort sa carte bancaire qu’elle introduit dans le lecteur. Elle saisit son code confidentiel, elle attend un instant puis elle reprend sa carte Elle la range de nouveau dans son portefeuille qu’elle remet dans son sac. Elle pousse le caddie jusqu'à son automobile, met tous les articles dans le coffre de son véhicule puis reconduit le chariot. Ses courses sont terminées Elle peut rentrer chez elle.
Arrivée à son domicile, elle rentre son véhicule dans le garage et range ses achats après avoir fait de gros câlins à son petit chien qui attendait sagement.
Elle fait un peu de ménage et une lessive. En attendant que son linge soit lavé Elle peut enfin se détendre. Elle fait le choix de me mettre en tenue décontractée. Elle va chercher son livre volumineux et bien lourd de 700 pages puis s’installe dans la véranda sur son fauteuil bien confortable. Elle entend le téléphone sonner, une amie souhaite lui rendre visite. Elle arrive dans une heure. Elle a juste le temps de faire un gâteau et de préparer le salon pour l’accueillir au mieux. Elle se hâte. Elle sait qu’elle adore son quatre-quarts aux pommes encore chaud. Elle veut lui faire plaisir.
Peut-être voudra-t-elle rester manger ce soir avec elle ? Demain, c’est samedi, elle ne travaille pas. Elle peut se coucher tard cela n’a pas d’importance ni d'incidence.
Effectivement, après avoir refait le monde ensemble, elles décident de sortir au restaurant. Son amie propose de prendre sa voiture. Elle la laisse choisir l’endroit ; elle sait qu’elle est d’excellent conseil.
Les amies passent une soirée phénoménale dans un endroit totalement atypique : manger perchée dans les arbres. Quelle idée, n’est-ce pas ? Après le repas, elles dansent dans un petit cabaret.
De retour chez elle, elle lui propose de faire un thé. Sa sœur de cœur accepte volontiers. Immédiatement, elle remplit la bouilloire, la remet sur son socle, et la met en marche. En attendant que l’eau frémisse, elle sort les tasses et prend le sucrier. Elle ouvre le réfrigérateur car son amie aime le thé avec un nuage de lait. Elles s’attablent pour déguster leur dernière tasse de la journée tout en finissant leur soirée car le sommeil commence à se faire sentir.
Son ami a accepté de passer le week-end chez elle. De ce fait, elle va lui chercher le nécessaire pour lui permettre de faire le lit. Elle déplie le canapé pour enfin la laisser se reposer.
De son côté, rapidement, elle passe aux toilettes et à la salle de bain pour se brosser les dents. Elle se déshabille et enfile son pyjama. Elle se couche ; elle s’installe confortablement ; elle remonte sa couette et en très peu de temps, elle s’endort.
Pour vous une telle journée, vous paraît normale, classique, typique, si simple.
Pourtant, lorsqu’on est en situation de grande dépendance, un jour identique à celui du dessus demande une véritable organisation, pour certains actes, c’est mission impossible ou un réel parcours du combattant.
Pouvoir se mouvoir, s'asseoir, se lever, marcher, lever les bras, saisir des objets, se pencher, agir sur son environnement, ouvrir une porte, faire son ménage, cuisiner comme bon te semble, tester une recette, s'habiller, se savonner, se sécher, se maquiller, se coiffer, se gratter la tête, boire à sa guise, ouvrir son réfrigérateur, manger, aller aux toilettes à la moindre envie, bouger son pied, s'installer confortablement comme on le souhaite, respirer fort, crier à plein poumon, courir à perdre haleine, s'échapper, monter des escaliers, entrer dans tous les lieux publiques sans se soucier des marches, ne pas être secouer à cause des trous dans la chaussée, nager, courir, se rafraîchir ou se dévêtir lorsqu'il fait chaud, se couvrir pour se protéger du froid ou de la pluie, mettre son pull, préparer et donner les gamelles à ses petits compagnons, jardiner, peindre, voyager, tourner la tête pour regarder à droite ou à gauche, se coucher, se tourner dans le lit, etc.
Comme la liste est longue !
Tous ses gestes magiques qu’un corps est capable d'effectuer. Tous ces mouvements faits quotidiennement, instinctivement ou volontairement, naturellement, innombrables et indispensables à notre vie, à notre confort sont exécutés sans difficulté, sans contrainte tout au long de son existence. Par chance, combien de personnes en sont pleinement dotés sans s'en rendre compte ?
Cette magnifique machine défaillante m'interdit tant de gestes.
Je ne veux pas tomber dans le misérabilisme, surtout pas !
Même si parfois, j'avoue une certaine frustration d'être diminuée physiquement. Je veux tant faire qu'il est difficile de toujours devoir admettre que ton corps t’empêche d’accomplir des gestes pourtant indispensables, qui parfois sont même vitaux comme le fait de tousser. Être sans cesse obligée de penser, être contrainte de demander à un tiers, anticiper tous tes mouvements n'est pas une panacée.
Pour moi, une assistante de vie entre dans ma chambre, enlève le masque de mon visage relié à une machine qui me permet de reposer mes muscles respiratoires et de bien m'oxygéner. Puis, elle enlève les nombreux coussins qui maintiennent mon corps dans une certaine position ; elle me met sur le dos ; elle prend la commande du lit afin de m’asseoir. Ensuite, elle amène mon petit déjeuner avec un café et une paille qui me permet de ne pas lever le bol.
Elle m'installe dans une sangle qu'elle attache à un lève-personne pour me transférer sur les toilettes. Tout en étant sur les toilettes, je me brosse les dents. Durant ce temps, elle me lave les pieds. Une fois terminée, elle en profite pour me laver le siège. Elle me ramène sur le lit pour finir ma toilette. Suit l’habillage, elle me passe un T-shirt puis vient la pose du corset.
Sans corset, mon quotidien est devenu un véritable enfer ; sans celui-ci une sciatique me torture de la cuisse jusqu’aux orteils. Vient la mise au fauteuil, puis le bon positionnement, pas trop à droite ni trop à gauche sinon les douleurs apparaissent. Elle finit l'habillage puis me coiffe.
Mon aide de vie allume mon ordinateur. Grâce à ce matériel, je suis autonome. Je passe des heures devant mon écran car cette machine me permet de faire tant de choses. Je surfe, je lis, j'apprends, je fais les plannings, je discute avec le monde extérieur, etc. Que ferais-je sans lui et sans mon fauteuil roulant électrique ?
Je ne conduis plus et je n'ai plus de véhicule. Mes déplacements se font principalement en transports en commun lorsque ceux-ci sont accessibles. Où j'habite il existe des transports adaptés, malheureusement pour en bénéficier le secteur géographique est très limité, les créneaux horaires très restreints ; en plus, il faut prévoir son trajet très longtemps à l'avance. Sinon il est possible de me porter et m'installer dans un véhicule classique. Mais dans ce cas-là, je me retrouve dans un fauteuil roulant manuel qui lui est pliable contrairement à mon fauteuil électrique. Mais je ne suis plus autonome pour mes déplacements. Je me retrouve comme un bébé dans une poussette.
Me déplacer seule n'est pas une sinécure et est devenu quasiment impossible. Je ne sais plus appuyer sur les boutons d’ascenseurs ; je ne suis plus capable de composter un ticket de métro ; je ne sais pas taper mon code confidentiel de ma carte bancaire. Alors faire ses courses n’est pas une réjouissance. Si le commerce est inaccessible, je reste sur le trottoir, et ce, même s’il pleut ou alors je passe mon chemin et je rentre chez moi. Il m'arrive de ne pas avoir l'énergie ou tout simplement pas la patience d'attendre dehors.
C'est pourquoi, quasiment tous les gestes du quotidien sont exécutés grâce à une personne qui est constamment à mes côtés.
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