Chapitre 1

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« Encore une victoire pour la nouvelle merveille technologique de l’empire britannique. En effet, à la suite d’une poursuite de plusieurs heures avec un navire pirate, l’Imperator, nouveau bâtiment développé par la marine anglaise, ayant su mettre à genoux le monde des pirates, anéanti de nouveau un de leur bâtiment dans une bataille éclair. Cette nouvelle grandiloquente, donne un énième coup de désespoir à ces derniers, qui pour la plupart, n’osent plus prendre la mer de peur de tomber face à l’Imperator. » Voici ce qui était à l’affiche du journal ce matin.

— Sacrée nouvelle, dit le tavernier à l’inconnu dont il venait de servir un verre de rhum.

— Merci. En effet, je ne vois pas ce qui peut les arrêter avec l’Imperator, répondit-il en reposant le journal qu’il tenait dans les mains.

— Sûrement un coup de chance. Il y a un pêcheur qui vient souvent boire ici en racontant avoir vu un bateau pirate échapper à l’emprise de l’Imperator il y a quelques jours. Une histoire à dormir debout. Mais ça ne serait pas plus mal pour nous.

— Pourquoi ? rétorqua surpris l’inconnu.

— Ils sont en train de faire couler notre économie locale avec leur chasse aux démons. Les pirates n’osent plus accoster très longtemps sur notre île, par peur de voir la Marine arriver. C’est à peine s’ils sortent encore de leur repère…

— C’est mieux ainsi, non ? Les pirates sont connus pour attaquer tout ce qui peut rapporter de l’argent, y compris vos commerces.

— Oui, mais ça, c’était avant. Maintenant, vu l’époque difficile qu’ils traversent, ils se contentent juste de dépenser leur argent ici et repartent aussitôt se cacher. Et même avant, c’était très rare que des pirates nous pillent, ils perdraient un endroit important pour se reposer durant leur voyage. Les autres pirates ont toujours condamné les plus téméraires et les ont bannis de cette île. Vous savez, la plupart sont juste en quête de repos avant de reprendre la mer !

— Je vois, je vois.

La discussion des deux hommes continuait dans le silence environnant. En effet, l’un était derrière le bar en train de laver les verres qu’il avait accumulé à cause de la longue soirée de la veille, pendant que l’autre était en train de savourer son whisky. Ce silence était expliqué par la seule présence de ces deux hommes dans le bar. En effet, la dizaine de tables en bois ornant la pièce, étaient vides à cause de l’évènement qui était prévu plus tard dans la journée. L’endroit était moyennement spacieux, et assez peu éclairé par la lumière du jour peinant à traverser les quelques vitres poussiéreuses encadrant la porte d’entrée. Les bougies sur le bar et sur les tables suffisaient partiellement à combler ce manque.

— Vous êtes de passage ? reprit le tavernier.

— Oui.

Le tavernier esquissa un sourire devant un tel manque de discussion. Il ne comptait pas arrêter pour autant.

— Vous êtes au courant pour les pirates qui vont être pendus sur la place publique cet après-midi ? reprit-il de nouveau.

— Oui. On raconte que ce sont les prisonniers capturés récemment par l’Imperator, qui a exercé son courroux sur des pirates malchanceux du coin en quête de sensation. Peut-être sont-ils juste les victimes collatérales des pirates ayant pu s’enfuir, si on en suit l’histoire de votre pécheur ivre.

— Vous avez l’air renseigné. Malheureusement, je pense que ces pirates ne sont nuls autres que ceux que l’autre ivrogne a cru voir s’échapper. Ils n’ont pas eu de chance.

— L’information est la base même du pouvoir. D’ailleurs, vous sauriez m’indiquer où je pourrais trouver le joailler de l’île ? dit-il en se penchant en avant afin de trouver sa bourse rangée dans sa poche.

— Sa boutique se situe vers la place publique. Cependant, à cette heure-ci, vous aurez peut-être du mal à vous y rendre.

L’homme esquissa un remerciement, et se leva de sa chaise. En même temps qu’il payait sa dette, la foule commençait à s’agiter dehors. Quand il sortit, il sentit un agréable rayon de soleil se poser sur sa joue. Une pensée le traversa, se disant que s’il devait mourir un jour, cela serait par un temps comme celui-là. Un temps calme, réconfortant, qui mettrait en avant le chant matinal des oiseaux lorsque l’on fermerait les yeux, où l’on aurait pu se croire comme dans l’une de ces siestes estivales en plein milieu de l’herbe, à l’abri d’un arbre, dont les feuilles auraient fait fuiter quelques rayons de soleil sur son visage.

Il lui était aisé de trouver son chemin, il suffisait de suivre la foule. Les rues de cette ville étaient entièrement constituées de boue à cause des passants qui allaient et venaient dans les rues. Des plantes trouvaient satisfaction à grimper sur les maisons en bois, toutes alignées les unes avec les autres en direction de la place centrale. Cette ville portuaire trouvait donc en son milieu la place publique, partiellement composée en pierres, avec pour prolongement des rues disposées comme des rayons de soleil de chaque côté.

Une fois arrivé au centre de la ville, l’inconnu trouva un endroit rempli de monde, des habitants moins agités que lorsqu’il avait quitté la taverne. Il pensa qu’une fois devant la potence, les spectateurs avaient dû perdre leur courage d’affronter une fois encore le triste spectacle qu’était la pendaison. Voir un homme se débattre pieds et poings liés devaient les dégouter. L’homme traverse la foule silencieuse plus facilement que prévu, et fini par arriver devant une succession de boutiques. La première était celle d’un cordonnier qui avait apparemment fermé pour l’occasion, s’il devait se fier à l’afficher accrochée sur la devanture. La seconde était la boutique du joaillier, dont le propriétaire semblait se tenir devant sa porte, les bras croisés.

L’inconnu s’approcha de lui et lui fit signe de la main, ce dernier ne lui répondit pas.

— Bonjour, vous êtes bien le joaillier ? interrogea l’inconnu.

— Bonjour, répondit-il en hochant légèrement la tête.

— Que se passe-t-il ? Votre boutique est fermée ? J’aurais souhaité vous parler d’un sujet qui pourrait vous intéresser.

Le vieil homme l’observa de haut en bas, et lui fait signer de rentrer.

— Que me voulez-vous ? rétorqua le joaillier.

— Je souhaiterais avoir des informations, moyennant finance.

— Sortez l’argent, et je verrai ce que j’ai à vous dire.

L’inconnu sortit sa besace bien remplie, et la jeta sur le comptoir.

— Oh ! Avec ceci, vous aurez le droit à deux questions confidentielles, ne les gâchez pas.

— Parfait.

Trente minutes plus tard, les deux hommes sortirent de la boutique, l’un avec une besace en main, l’autre avec un papier. Les deux se serrèrent la main avant de se tourner à nouveau vers la place publique.

— Vous savez pourquoi la foule est silencieuse ? demanda le joaillier.

— Parce qu’ils en ont marre de voir des pendaisons tout le temps ?

— Non, ils en ont marre de la loi que fait régner la marine anglaise, et c’est sans compter les Espagnols qui se croient tout permis aussi. C’est à prendre en compte que l’on perd également des gros clients qui venaient boire et faire la fête sans compter leur argent pour la plupart. Ces pirates étaient du coin, certains spectateurs sont de leur famille. Ils n’ont pas choisi la bonne période pour devenir pirates.

— Non, c’est vrai. Néanmoins, si personne n’a l’ambition de le devenir, il n’y en aura bientôt plus. Je suppose que ce n’est pas plus mal pour vous.

— Détrompez-vous, les pirates n’ont jamais été une menace pour cette île. C’est plus la marine anglaise qui nous pose un problème, avec ses impôts qui nous feront tous mourir de faim. Ceux qui n’ont pas les moyens de payer, voient l’enrôlement de force de leurs fils dans la Marine pour qu’ils payent la dette à la place de leurs parents. C’est souvent eux qu’on retrouve au front. Je comprends que la plupart prennent la décision de devenir pirates et libres. Et cela ne va pas s’améliorer avec le temps, quand on entend les avancées anglaises sur le domaine militaire. Je pense que l’ère de la piraterie est arrivée à son dernier souffle, et qu’une domination anglaise est à prévoir. Je me demande comment vont réagir les Espagnols face à tout cela.

Les deux hommes cessèrent leur discussion à la vue de la rangée de soldats anglais qui essayaient de se frayer un chemin à travers la foule. Les spectateurs se faisaient bousculer dans tous les sens par le cortège, jusqu’à que celui-ci arrive en bas de la potence. Tous les soldats firent volteface face à la cohue, en créant ainsi un couloir qui laissa deviner une silhouette au loin. Plus elle avançait, plus l’on pouvait distinguer une silhouette grave.

L’apparence de cette personne laissait penser aux deux hommes debout devant la joaillerie, qu’il était le commandant de ces hommes armés qui avaient pour ordre d’assurer sa sécurité. L’ambiance de la foule avait radicalement changé par rapport au moment où l’inconnu était arrivé sur la place, elle était devenue agitée, vulgaire auprès de l’oppression exercée par les soldats.

— On ne veut plus de vous chez nous ! hurle un homme dans la foule.

Les soldats essayaient de repérer l’agitateur, mais en vain, ils étaient trop occupés à maintenir les villageois éloignés du commandant. Ce dernier arrivait à son tour au niveau de la potence, puis monta les marches une à une. Plus il grimpait les marches, plus le silence s’installait. Nul n’aurait su dire si ce n’est par peur de se faire remarquer par lui, ou si son autorité seul suffisait à calmer les habitants.

Une fois arrivé en haut, il regarda attentivement le peuple pendant une durée paraissant interminable aux yeux des personnes en contrebas.

— Bonjour peuple de l’Ile. Vous devez certainement me connaître, mais pour les bouseux qui ne me connaissent pas, je suis le commandant de l’Imperator, Edward Newind. Vous êtes tous ici présent pour assister à la sanction que toute personne se considérant comme pirate mérite, la pendaison ! Sachez que l’ère de la piraterie approche bientôt de sa fin, et que vous serez bientôt soulagés de tous ces spectacles. Prenez ceci comme un avertissement pour tous ceux qui seraient tentés de rejoindre ces païens assoiffés de sang et de pillages, qui n’ont ni honneur ni respect et qui plongent nos populations dans la terreur. Il est temps que ça cesse ! Amenez-moi les prisonniers !

Dès cet appel, on voyait une file de pirates marchant dans le passage crée de force par la marine en direction de la potence. Tous avaient la tête baissée, les bras tremblants, attachés par une chaine au dos de leurs compagnons d’infortune et les pieds attachés les uns aux autres, donnant ainsi une cadence régulière et retentissante. Une fois arrivés en bas des marches, les pirates levèrent enfin la tête, avant que certains d’entre eux furent pris de panique et tentèrent de s’échapper dans tous les sens. En vain. Les chaînes et les soldats suffisaient à les ramener à l’ordre et à les forcer à monter par groupe de quatre. Le premier groupe s’aventura donc à monter, et quand ils arrivèrent au sommet, les bourreaux leur mit à chacun une corde autour du cou avant de la resserrer.

— Mesdames et Messieurs, souvenez-vous de ce jour comme étant l’un des derniers jours de l’ère de la piraterie, dit le Commandant Newind avant de se retourner vers les quatre condamnés. Avez-vous des regrets ? cria-t-il. Regrettez-vous tous les méfaits que vous avez commis, et les vies que vous avez prises ?

Les prisonniers se regardèrent entre eux les larmes aux yeux, et la voix asséchée. Aucun d’eux n’étaient en état de parler, mais leurs comportements pouvaient parler pour eux.

— Non aucun ? insista Newind.

— Oui j’ai des …, murmura l’un d’eux.

— On ne vous entend pas, repentez-vous plus fort païen !

— Je regrette ! hurla-t-il en retour, avec le peu de salive qu’il lui restait.

— Bien, très bien. Vous voyez ? dit-il en se retournant vers la foule. Ils n’ont plus aucun honneur, aucun panache pour la piraterie. C’est à ce moment-là que l’on voit le vrai comportement des hommes ! Quand ils sont à la porte de la mort, et qu’elle vient vous emmener au seuil des Enfers. Il n’y aura aucun traitement de faveur pour eux, car ils sont et restent des pirates dès l’instant le pavillon noir a été hissé ! Que cela serve de leçon à quiconque oserait faire de même. Par ordre du Roi Richard d’Angleterre, je vous condamne à la pendaison, et que la sentence soit appliquée. Bourreaux, allez-y.

Les bourreaux s’exécutèrent, poussèrent chacun leur levier, et les trappes s’ouvrirent. Se déroulait alors un spectacle atroce où des hommes ligotés tentaient de se débattre, mais en vain. La torture dura plusieurs minutes pour le plus résistant, avant que l’on ne décidât de les enlever de là car les corps avaient cessé de bouger, et que l’on puisse amener le groupe suivant. Les pendaisons s’enchainèrent dans un silence total, jusqu’à ce que les derniers s’arrêtassent de bouger, accrochés à leur corde.

— Bien, j’espère que le message est passé. Vous pouvez rentrer chez vous, et gardez bien ce moment dans vos mémoires, dit le commandant d’une voix calme et froide.

La marine anglaise repartit en direction de son bateau dès lors que le commandant avait évacué les lieux. Il ne restait plus que le silence, entre les cadavres entassés sous la potence et les habitants qui rentraient chez eux. L’inconnu quitta donc le joailler afin de se trouver un endroit pour la nuit. Il se dirigea vers l’auberge, qui était totalement désertée par la clientèle.

Le lendemain matin, c’étaient les gouttes de pluie contre les carreaux de sa fenêtre qui vinrent réveiller notre homme. Il enfila ses bottes, ouvrit les volets pour constater le mauvais temps, et s’aperçu que la marine anglaise avait quitté le port. Le quotidien de l’île avait repris son cours.

Une fois arrivé dehors, c’étaient avec les bottes pleines de boues que notre inconnu chercha un endroit pour se remplir l’estomac. Il se dirigeait à l’opposé du port, en direction de l’unique montagne de l’île.

Sur la route, il recroisait le chemin de la taverne dont les échos de la soirée d’hier se faisaient encore entendre. Des gens étaient allongés sur le côté de la rue, adossés au mur, les habits puants des excès de la nuit passée, avec le verre quasiment fini dans leur main gisant au sol. Le tavernier, du haut de son énorme carrure, jeta dans la rue les derniers clients qui étaient récalcitrants à sortir, faisant ainsi esquisser un sourire à l’inconnu.

C’était un peu plus loin de ce spectacle qu’il s’arrêta, dans un restaurant de mets locaux. Il était le premier à faire sonner la cloche trônant au-dessus de la porte en bois, car le restaurant était complètement vide, semblable à la taverne de la veille. L’endroit proposait toutes sortes de poissons frais péchés du matin même, dont du bar, de la langoustine et du thon. Il n’en fallait pas plus pour éveiller les papilles des clients affamés tout comme l’homme qui attendait qu’on prenne en note sa commande.

— Mais je vous jure Monsieur Roberts, je l’ai vu ! disait une personne dans l’arrière-boutique.

Le restaurant était tout en longueur, avec la salle remplie de tables rondes et de chaises dans sa première moitié. La décoration était très sobre, juste quelques outils de pêche étaient accrochés dans les quatre coins de la salle, avec quelques vulgaires peintures amateurs de poissons dont on n’aurait nullement pu reconnaitre les espèces. Se trouvait ensuite le bar où les boissons étaient servies avant d’être amenées aux clients dans la salle. Plusieurs sortes de boissons étaient mises en vitrine derrière le bar contre un mur, mais cela se résumait surtout à du rhum, de l’hydromel ou des gros fûts de bières posés sur le sol. A droite de tout cet alcool, se trouvait une porte qui menait aux cuisines, d’où provenait la voix grave et volubile d’un homme.

— Arrête de boire quand tu pêches Bobby, ça te joue des tours. Un jour, tu finiras par tomber de ton bateau de pêche, répondit le second homme. Et il n’y aura personne pour te repêcher !

— Mais... mais je vous assure avoir vu un navire pirate prendre le large contre l’Imperator il y a quelques jours. Je l’ai vu aussi clairement que je vous voie là maintenant monsieur Roberts.

— Oui, avec la même haleine aussi certainement non ? Allez, finis de décharger tes cagettes et va-t’en, je suis sûr que c’est à cause de ton vacarme que les clients ne viennent pas, dit le patron en se penchant vers la porte pour constater ses propos.

— Vous n’allez pas vous y mettre aussi… Personne ne me croit, la proie de l’Imperator s’est enfui aussi vite qu’un navire fantôme …, répondit le pécheur avec désespoir en faisant des allers et retours depuis la porte extérieure pour vider sa charrette de ses cagettes de poissons

— Les navires fantômes n’existent pas déjà, et tu devrais savoir que cela fait suffisamment longtemps que l’Imperator navigue sur les mers pour savoir qu’aucune personne ni navire n’a jamais réussi à le distancer, il est imbattable ! Tu devrais te trouver un compagnon de pêche, ça ne t’arrange pas d’être seul tous les jours sur ton bateau. Ressaisis-toi ou je devrai commencer à envisager de commercer avec d’autres pécheurs, car ce n’est pas parce que tu es le meilleur pécheur de l’ile que tu auras le droit à un traitement de faveur sur ce coup-là.

— Pardon, Monsieur Roberts. A demain, dit-il en faisant des courbettes d’excuses.

— A demain, et en forme Bobby ! dit-il en posant sa main sur son épaule, en signe de réconfort.

À la suite de cette discussion audible par l’inconnu, le patron rentra dans la salle en constatant encore l’absence de clients alors qu’il était bientôt l’heure du déjeuner. Il se tourna vers le seul client, et lui dit :

— Pardon pour le vacarme, il n’est pas méchant, il force juste un peu trop sur la bouteille. Vous désirez ?

— Pas de problème. Je souhaiterais avoir du thon rouge s’il vous plaît, avec de la bière, rétorqua l’inconnu tout en se tenant le ventre qui était complètement vide.

— D’accord, je m’occupe de vous tout de suite, répondit Monsieur Roberts en faisant signe à la serveuse qui était dans l’arrière-boutique de se positionner à sa place derrière le bar.

Le patron du restaurant retourna vers les cuisines tout en disant à sa serveuse la boisson que le client venait de commander.

Une demi-heure plus tard, alors que l’inconnu était servi depuis une dizaine de minutes, c’était une horde de clients qui était venue s’installer aux tables avoisinantes, et dont ils ne restaient plus aucune place, le service battait alors son plein. Une fois le repas fini et payé, l’homme sortit dehors, alors que la pluie n’avait cessé de s’accroître pendant ce temps, il se résigna à rentrer à l’auberge.

Quelques jours plus tard, ce n’étaient pas que les gouttes de pluie contre les carreaux qui le réveillèrent, mais le vacarme provenant de la rue. Il ouvrit les rideaux, et pouvait apercevoir tous les habitants rentrer chez eux en courant et en criant « Les pirates sont là, ils sont de retour », « ils sont venus venger les leurs, rentrez chez vous ». L’inconnu esquissa un sourire en repensant au joaillier qui disait que les habitants craignaient plus la marine que les pirates, il n’en n’était rien, ils avaient peur de tout, et à juste titre. Depuis sa chambre qui avait vue sur le port, il avait la confirmation que des pirates avaient sorti une barque pour accoster sur l’île.

Leur bateau était constitué de trois mâts avec trois voiles pour le mât de misaine et le grand mât, et de deux voiles pour le mât d’artimon. Leur drapeau noir, qui flottait dans la brise matinale, avait un crâne blanc et deux tibias en croix en fond dessinés dessus qui ne pouvait duper personne et la proue du bateau représentait une statue de Poséidon équipé de son trident qui pointait vers le haut. C’était un grand bâtiment avec trois étages, dont deux étages équipés de rangées composées de dizaines de canons. La peur des habitants était donc bien justifiée à la vue de l’imposant bâtiment qui venait d’accoster aux abords de leurs rives.

L’homme se précipita donc dehors après avoir pris soin de s’équiper de ses effets personnels, et entreprit de se rendre en direction de cet immense bateau. Il se fit bousculer par la majorité des passants qui tentaient de gagner refuge chez eux, et par ceux qui étaient encore saoul de la veille qui ne faisaient que glisser dans la boue due à de fortes intempéries les jours passés.

Peu à peu, la rue menant au port devint déserte, mais les boutiques pour la plupart restaient ouvertes, c’était donc là le contraste qu’il y avait entre les habitants et les commerçants, là où certains apercevaient une menace, les autres voyaient des clients qui viendraient écouler une partie de leur butin en nourriture, en alcool et autres convoitises.

Quand l’inconnu arriva au niveau du port, la barque contenant une poignée de pirates commençait à atteindre sa destination. Il décida alors de presser le pas pour aller à leur rencontre devant les yeux médusés des pécheurs qui réalisaient leur marché. Une fois au bout du ponton le plus proche d’accès par la barque, l’homme attendit sagement, sous les cris des mouettes tournant en rond autour de la vigie pirate et le vent qui venait se frotter contre sa capuche. L’inconnu observa les pirates, l’un était occupé à ramer, trois d’entre eux discutaient calmement sans même s’être rendu compte de la cohue qu’ils venaient de réaliser aux seins des rues de l’île. Le dernier, lui, tenait précieusement quelque chose dans les mains, comme un morceau d’accessoire noir qui lui aurait coûté la vie s’il devait le perdre.

La barque finit par atteindre le niveau du pont, et les trois hommes se jetèrent sur le ponton en dégainant leurs sabres en direction de l’inconnu. Celui-ci ne put se contenir de laisser s’échapper un énorme rire, rendant nerveux les trois acolytes, jusqu’à que le quatrième pirate poussa les autres en criant :

— Arrêtez, vous êtes complètements fous, regardez qui vous avez en face de vous ! en pointant du doigt l’homme encapuchonné en face d’eux.

Les autres pirates, choqués par l’intervention de leur mousse, ne comprenaient pas là où il voulait en venir jusqu’au moment où il tendit un tricorne, et dit :

— Bon retour parmi nous Capitaine, cela faisait longtemps !

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