Chapitre 3
La nuit était tombée depuis quelques heures quand l’équipage commençait à se réunir sur la plage. La demi-lune éclairait partiellement le bateau et l’île, ce qui représentait un camouflage parfait à la vue des navires qui se seraient arrêtés inopinément non loin de la crique. La fraîcheur de cette fin de journée avait eu raison de l’équipage, et les fûts de bières étaient les seuls compagnons pouvant leur tenir chaud en attendant l’intervention de leur Capitaine. Le maitre d’équipage, John, était passé préalablement auprès de tous les matelots afin de les prévenir de l’allocution du Capitaine qui allait se dérouler plus tard dans la soirée.
Les cris provenant plus tôt de la cale du bateau avaient éveillé la curiosité de la majorité d’entre eux, tandis que quelques rayons lunaires éclairèrent l’arrivée de la barque sur la plage. Les discussions cessèrent peu à peu au sein de la foule quand ils virent les silhouettes de trois personnes dont leur Capitaine. L’attente se fit dans le silence, et ce n’était qu’une fois qu’ils posèrent le pied au sol que les murmures recommencèrent, principalement pour parier ce qui allait être annoncé, ou pour partager leurs envies sur ce qu’ils feraient lorsque leur part du butin leur sera attribué.
— Merci à tous d’être réunis, cria le Capitaine afin d’être entendu de tous. Je me dois de vous annoncer quelques informations qui vont rythmer notre quotidien durant ces prochaines semaines. Tout d’abord, je tenais à vous féliciter pour l’exploit que nous avons tous accomplis, nous sommes le premier équipage à ma connaissance qui ait réussit à distancer l’Imperator, et ça ce n’est pas rien mes amis, surtout pas dans le déclin de l’ère de la piraterie que nous vivons ! enchaina le Capitaine en levant son poing droit fermé vers le ciel en signe d’accomplissement. Même si les conditions météorologiques étaient à notre avantage cette nuit-là, cela devrait semer une graine des plus perfides dans l’esprit de la Marine et de la Royauté d’Angleterre, la celle du doute. Profitons de ce moment d’égarement pour prendre le dessus sur eux, afin de vivre et profiter de notre vie de pirates comme nous l’entendons !
Toute la foule hurlait en signe d’acquiescement à ce qu’ils venaient d’entendre. La prise de parole du Capitaine permettait de faire taire les rumeurs et de leur faire savoir que la fuite de leur navire face aux Anglais n’était pas due au hasard, et cela ravivait la flamme qui était en eux, et c’était compréhensible. Dans la conscience collective du monde entier, l’analogie d’un lion chassant une proie telle qu’un zèbre pour comparer la puissance de l’Imperator face aux pirates, était monnaie courante. En effet, ce navire anglais avait une puissance de frappe plus imposante, et une rapidité sur la mer supérieure à des navires plus petits, il était donc impensable de croire qu’un navire pirate pouvait lui échapper, jusqu’à aujourd’hui.
— En ce qui concerne les réparations, enchaina le Capitaine, vous avez fait du très bon boulot, surtout avec le peu de matériaux à dispositions pour effectuer cet énorme chantier. On peut également féliciter le Charpentier et ses connaissances qui nous ont permis de retrouver un bâtiment quasiment neuf. Le bateau serait prêt pour un départ possible d’ici quelques jours d’après lui, donc nous voguerons en direction de Skullwater en premier lieu, afin d’y vendre nos butins pillés et de participer aux festivités qui vous y attendent, vous l’avez bien mérité.
Les matelots hurlèrent encore plus fort de joie qu’à l’annonce précédente, car ils pourraient bientôt profiter de tout l’argent que pouvait leur apporter tous les butins durement amassés. Cela faisait plusieurs mois qu’ils n’avaient pas mis pied à terre sur la dernière île pirate existante encore à ce jour, car dans ce nouveau monde régit par les nations militaires continentales, toutes les autres avaient été rasées.
La raison de ces longs intervalles entre deux amarrages sur cette île était simple, elle représentait la dernière menace pirate dans ce bas-monde aux yeux du monde entier. Sans elle, il n’y aurait plus de commerces illégaux, plus d’endroits de rassemblement pour les pirates, et on pourrait observer les derniers pirates vogués en solitaire sans point de ralliement ni de revente, autrement dit, du pain béni pour les Anglais avec leur Imperator. C’était pour tous ces arguments que les pirates évitaient de plus en plus d’y aller fréquemment pour ne pas se retrouver sous les feux des canons de navires militaires, à moins que leur bâtiment ne débordât de trésors à revendre.
— Et pour finir, le dernier point que je souhaitais aborder avec vous tous, la nouvelle aventure qui nous attend ! reprit le Capitaine. Après notre dernier abordage, vous n’étiez pas sans savoir que nous détenions un prisonnier dans nos geôles, le capitaine Estéban Crawford du navire commerçant. Sachez qu’il vient à l’instant de nous révéler la position du journal de bord que détenait son ancêtre, reconnu comme étant l’un des explorateurs les plus controversés de son ère, et dont sa renommée repose sur un trésor inestimable, détenu dans une île ayant un accès qui nous est encore inconnu aujourd’hui. Ce trésor, messieurs, ou plutôt ces trésors, sont deux émeraudes à l’éclat parfait, dans leur état le plus brut. Ils n’existent à l’heure actuelle aucun joyau de la sorte qui ne puissent rivaliser avec autant de pureté, c’est un trésor au prix inestimable, et cela sera surtout notre butin. Matelots, me suivrez-vous dans cette nouvelle aventure ? hurla-t-il en finissant sa phrase pour motiver les matelots.
Le peu de présence faunistique de cette île partit se réfugier au fond de la forêt, tant le bruit produit par les pirates présents sur le rivage les avaient fait déguerpir. La nouvelle retentissante d’une chasse aux trésors mélangée à la boisson alcoolisée, avait produit un effet plus qu’escompté par le Capitaine souhaitant raviver la flamme qui avait commencé à s’éteindre peu à peu au fond d’eux, tout comme l’était l’ère de la piraterie actuelle. L’objectif de ragaillardir les troupes était donc un franc succès pour le Capitaine qui avait mis à profit ses talents d’orateur pour tirer le meilleur de ces hommes.
— Comme vous l’aurez compris, focalisons-nous d’abord sur la finalisation des réparations, et ensuite direction l’île des pirates, moussaillons ! conclut-il. Il est important pour nous d’avoir un bâtiment solide et opérationnel pour parer à tout évènements imprévus, donc restez concentrés durant ces derniers jours.
Un matelot sortit des rangs.
— Capitaine, cria-t-il afin de l’interpeller. Si l’on devait recroiser l’Imperator pendant notre expédition, que ferons-nous ? Il n’en reste pas moins toujours plus fort que nous, non ? interrogea-t-il en se retournant auprès des siens.
Les autres moussaillons commencèrent à se regarder les uns les autres, et les paroles de leur compagnon venait de se loger directement dans leur esprit. Il n’avait pas tort, se disent-ils. Même si par chance ils ont réussi à s’en sortir, il n’était pas acté qu’ils puissent réitérer l’exploit une deuxième fois, alors de là à entreprendre une expédition, cela pouvait paraître impensable pour une âme pessimiste.
— Il fait nuit, c’est bien toi, Simon ? répondit le Capitaine.
— Oui, Capitaine.
L’homme faisant face à son commandant avait un corps élancé, contrairement à la majorité des pirates. Il était reconnaissable à ses deux coutelas entreposés de chaque côté de son ceinturon, ce qui faisait de lui l’un des rares combattants à utiliser simultanément deux armes. Il avait une tenue typique des matelots, un pantalon bouffant ainsi qu’une veste courte blanche.
— Pour répondre à ta question, en complément de ce que j’ai déjà dit, enchaina-t-il, il se trouve que je n’ai cessé de me remémorer cette nuit-là, encore et encore, afin de mieux comprendre ce qu’il s’était réellement passé, et j’en suis arrivé à une conclusion. Je pense connaître la faiblesse de l’Imperator, et c’est pour cette raison que je nous relance dans une expédition, car je n’aurai jamais prévu de naviguer sur ces mers sans réelles solutions après ce que l’on a vécu.
— Vous pensez ? interpella-t-il. L’avantage contre l’Impérator n’est-il donc que spéculation pour vous ? Nous n’avons donc aucune assurance que l’on puisse leur échapper à nouveau si je résume bien, enchaina Simon en se balayant la foule du regard.
Cette nouvelle interpellation de Simon venait d’assainir un nouveau coup négatif à l’effet qu’était censé avoir le discours du Capitaine sur l’équipage. Simon était principalement connu au sein de l’équipage pour être le matelot en opposition lors des élections pour devenir Capitaine, et également pour ses compétences hors normes au combat. Néanmoins, l’expérience pour diriger les matelots lui faisait défaut.
— Tout n’est que spéculation à partir du moment où on n’a pas pu le vérifier à nouveau en effet, rétorqua-t-il. C’est pour cela que j’ai discuté avec Billy, et repensé avec lui les manœuvres que l’on a effectué cette nuit-là. Tout porte à croire que nous détenons leur faiblesse nous permettant de nous tenir à distance de leur puissance de feu. C’est pour cela que je vous demande à tous de vous remémorer pour quelles raisons vous m’avez réélu Capitaine, et de me faire confiance une fois de plus. Ce n’est pas en vivant dans la peur d’être pris pour cible que nous allons pouvoir vivre notre vie pleinement et de mettre fin à l’ascension glorieuse des armées continentales.
La réunion de l’équipage prit fin sur ces dernières phrases, tels les feux de camps qui cessèrent de crépiter peu à peu tant la nuit était avancée. Les matelots repartirent en direction de leurs couchettes, tout en discutant de ce qui venait de se passer. La plupart était content de repartir à l’aventure, de chercher des trésors dignes des plus grandes légendes pirates et ils voulaient en faire partie. La destination étant encore inconnue, une petite minorité ne pouvait s’empêcher de penser qu’ils courraient après des chimères, et que l’Impérator, lui, était bien réel, et bien déterminé à ne pas les laisser s’enfuir une deuxième fois.
Les journées de réparations du navire passèrent, jusqu’à que finisse par venir le matin du départ. Ils avaient profité de ce séjour sur cette île pour faire le plein de provisions en effectuant une battue dans la forêt, afin de rehausser le niveau de stock de nourritures qui avait été bien entamé depuis leur dernière mésaventure. Ils avaient pris soin de laisser quelques gibiers en vie sur ordre de leur Capitaine, dans l’hypothèse où qu’ils soient obligés d’y retourner pour les mêmes raisons. Le Charpentier a également eu l’idée de stocker une petite quantité de bois afin de pouvoir réaliser des réparations de fortune en cas d’extrême urgence, tout en évitant de créer une surcharge en poids sur le bateau.
Tout le monde étant monté sur le pont du bateau, prêt à se positionner à leurs postes, tout en ayant pris soin de ne laisser aucune trace de leur passage sur la plage. Les manœuvres purent commencer afin de sortir le navire de cette crique et mettre le cap sur Skullwater. Le Capitaine regarda d’un œil attentif chaque étape, de la remontée de l’ancre avec le cabestan qui ne montrait plus aucun signe de disfonctionnement, à la mise en route du navire toutes voiles dehors quand les gabiers les auront relâchés de leur cordage.
Tout s’était déroulé sans accrocs, le bateau sortit de la crique en prenant la direction opposée qu’ils avaient prise quelques jours plus tôt en allant chercher leur Capitaine. L’ambiance sur le bâtiment était bonne, les matelots savaient qu’à leur prochain arrêt, ils pourraient profiter de leurs butins durement acquis. Le Capitaine, accompagné de Billy le timonier, avait rejoint sa cabine afin de regarder les cartes maritimes pour constater le cap à garder.
— On peut conserver le cap pour le moment, Billy, dit le Capitaine en traçant une ligne droite imaginaire sur la carte avec son doigt. Il n’y a pas d’îles sur notre route jusqu’à notre destination.
— En effet il n’y a pas beaucoup d’îles dans les environs, répondit Billy. Néanmoins, je vais observer les conditions météorologiques et croiser ces informations avec la carte maritime pour prévoir un plan de secours en cas de tempêtes. Je propose qu’on reste toujours à proximité de potentielles côtes, donc on peut opter pour une ligne droite pour le moment en termes de cap, mais il faudra quand même vite naviguer proches d’îles, enchaina-t-il en montrant plusieurs îles potentielles qu’ils pourraient approcher en cas de problèmes.
Les connaissances et le regain de confiance de Billy, suffisaient à convaincre le Capitaine d’appliquer sa stratégie de navigation.
— Cela fait plaisir de te retrouver en forme Billy, répondit le Capitaine. On va appliquer ta stratégie, cela me parait plus sécurisé. Prend aussi en compte une éventuelle rencontre avec l’Imperator. Il faut toujours qu’on est plusieurs coups d’avances. Evitons de naviguer proche des côtes anglaises, privilégions plutôt celles des autres nations tels que les Espagnols ou les Français.
— Bien capitaine, je retournerai vers vous quand j’aurai fini d’établir notre itinéraire.
Billy venait à peine de quitter la cabine du capitaine, que vint simultanément le second.
— Bonjour Marcus, de quoi souhaites-tu me parler ? dit le Capitaine en faisant signe à son second de s’asseoir.
La cabine du Capitaine était tout ce qu’il y avait de plus basique. Elle était de taille moyenne où l’on pouvait trouver une dizaine de personnes converser facilement sans se marcher sur les pieds. Au fond de la pièce, se situait une grosse table en chêne où reposait principalement les cartes maritimes et les lettres vierges que pouvaient écrire le Capitaine. Cette même table étaient bordées de chaises, dont celle du Capitaine qui détenait un dossier plus enveloppant grâce à son rembourrage généreux, avec de meilleures courbes que les autres.
Cette pièce était également la chambre à coucher du Capitaine, dont le lit prenait place sur le côté droit, étant donné que la face opposée était composée de meubles de rangement comportant des livres de navigations, de journaux ou même d’habits.
Il était de coutume que les Capitaines dorment avec leurs équipages, mais le Capitaine ne pouvait pas réaliser tout ce qu’il souhaitait, comme étudier les cartes, lire les livres qu’il souhaitait à toute heure, surtout à cause des problèmes de luminosités. Il était de coutume d’éteindre les lanternes à bord au coucher du soleil pour permettre aux matelots de se reposer. Alors qu’au contraire, le fond de la cabine du Capitaine était constitué sur toute sa longueur de vitres laissant pénétrer les lueurs du soleil, ou de la pleine lune, ce qui lui permettait un intervalle de temps plus élargi pour travailler sur ce qu’il désirait.
La décision de permettre au Capitaine de dormir dans sa cabine avait été proposé et accepté lors d’une réunion démocratique organisé sur le pont du navire. Il n’était pas rare que cela arrive afin de pouvoir régler les problèmes rencontrés par le plus grand nombre, et de résoudre les problèmes individuels dans la cabine du Capitaine avec les différentes parties prenantes. Marcus faisait partie de l’un d’eux ce jour-là.
— Bonjour Capitaine, je souhaiterai vous parler de la suite des évènements, répondit-il. Qu’avez-vous prévu pour la suite ?
— La suite est claire Marcus, j’en ai parlé il y a quelques jours, non ? répondit le Capitaine avec surprise. On va à Skullwater vendre nos butins, et on repartira en direction de l’emplacement du carnet de bord indiqué par le prisonnier. Ce qui se passera après m’est encore inconnu.
— Justement Capitaine, vous ne semblez vraiment pas savoir ce qui se déroulera après, conclut Marcus en reprenant les mots de son Capitaine. Vous n’avez pas l’impression qu’on se lance dans une aventure dont on ne sait rien, et qui n’aboutira certainement à rien car elle provient d’une personne torturée prête à tout afin qu’on arrêtât nos sévices sur lui ? Et c’est sans compter que, considérons son histoire comme vraie, quelles sont nos garanties que les récits passés de son ancêtre n’étaient pas inventés de toutes pièces pour promouvoir sa réputation à l’époque ? enchaina Marcus, dont ses questions souhaitaient des réponses par crainte de mutinerie si cela ne menait à rien.
— C’est ce que tu penses, Marcus ? Hum, c’est ennuyeux, j’espère que d’autres n’auront pas les mêmes idées empoisonnants leurs esprits. Peut-être est-ce mon discours qui n’était pas bien ? s’interrogea le Capitaine en faisant des allers et retours derrière son bureau pour réfléchir à la situation. Pour être totalement transparent, rien n’est jamais acquis dans la vie, Marcus. Le trésor peut très bien ne pas exister, ne plus se situer à l’endroit même où le carnet de bord l’indiquera, où même avoir déjà été dérobé par quelqu’un d’autre. Néanmoins, se raccrocher à l’histoire qu’un trésor inestimable réside quelque part sur ces mers et qu’il n’attend que nous pour aller le chercher, est quelque chose dont on a besoin actuellement. Prend le problème à l’inverse Marcus, dit-il en s’arrêtant dans ses quatre-cents pas, afin de se diriger vers lui pour s’asseoir sur le bureau lui faisant face. Imagine que nous n’ayons aucune piste pour amasser des trésors, quelles motivations avons-nous pour refaire prendre la mer à nos matelots en considérant que l’Imperator peut nous tomber dessus à tout moment sur les flots ? interrogea-t-il en le fixant des yeux.
— Je ne sais pas Capitaine, peut-être qu’une fois arrivé à Skullwater, on aura des pistes de trésors par d’autres équipages ? proposa Marcus en peinant à soutenir le regard de son Capitaine. La situation n’est peut-être pas aussi désespérée que vous ne le pensez, et si telle est vraiment le cas, peut-être devrions nous voguer sur d’autres mers ?
— Le problème sera toujours le même sur d’autres mers, comment revendrons-nous nos butins ? Sans argent, comment entretenir le bateau, motiver les matelots ? dit-il en haussant les épaules. Il n’y a pas de bonnes solutions, il faut prendre le pari que ce trésor existe et le joaillier qui m’a confirmé cette légende m’a réconforté dans ma décision de poursuivre ces émeraudes. Mais pour cela, j’ai besoin de ton soutien inconditionnel, sinon on court droit à la catastrophe et à la mutinerie, et je ne suis pas convaincu qu’on s’en sorte mieux avec un autre Capitaine élu.
— Je ne suis pas convaincu non plus par cette idée, Capitaine. Vous pouvez avoir confiance en moi, j’avais juste besoin d’entendre votre vision des choses sur cette histoire, de me dire que l’on ne se jetait pas tête baissée à la recherche de chimères.
— Je comprends, Marcus. Tout cela est encore un peu trouble pour moi aussi, mais on devrait en savoir plus avec le carnet de bord, et si ce dernier n’existe pas, cela m’aura permis de me donner du temps pour trouver un plan alternatif pour nous enrichir, répondit le Capitaine en refaisant le tour de son bureau pour s’asseoir sur sa chaise.
C’était sur ces mots que Marcus quitta la cabine du Capitaine avec satisfaction, il venait de prendre conscience que son Capitaine avait réfléchis à toutes sortes d’éventualités, et qu’il ne s’était pas enfermé dans une folie à la conquête de trésors inexistants. Avec du recul, cela lui paraissait logique que le Capitaine ait réfléchis à toutes ces problématiques et cela le fit se sentir bête.
Les semaines qui suivirent étaient étrangement calme, ils n’avaient fait aucune mauvaise rencontre sur les mers, ce qui chagrina un peu Billy qui avait préparé des plans minutieux de fuite en cas d’attaque sérieuses.
Les journées estivales laissaient peu à peu place à l’automne, dont les nuits devenaient plus fraiches sur le bateau si les matelots n’étaient pas équipés de longues vestes et de collants par-dessous leurs pantalons. Le vent frais gonflait les voiles et permettait au bâtiment d’avoir une bonne allure. Ils naviguaient au maximum le long des côtes sous les recommandations de Billy, et tout l’équipage était à fond dans leurs tâches en sachant que le moment tant attendu arriverait. Les officiers faisaient des tours dans le bateau pour détailler au mieux les inventaires, et le Capitaine en avait profité pour rattraper ses lectures en retard.
— Terre en vue, hurla la vigie utilisant sa longue vue en étant partiellement aveuglé par les rayons du soleil qui scintillait juste au-dessus de son objectif.
Tous les regards se tournèrent directement en direction de la proue du bateau, et l’on pouvait apercevoir dans un brouillard au loin, des reliefs indiquant une île. La plupart des matelots avaient suivi le Capitaine à hauteur de la proue pour savoir s’ils étaient finalement arrivés ou si c’était une des fameuses îles dont ils allaient longer les côtes. Le Capitaine sortit sa longue-vue, et regarda attentivement le brouillard se dissiper au fur et à mesure que le navire se rapprochait de l’île. D’après les cartes maritimes, il n’y avait aucun doute, mais pour ne pas créer de faux espoirs, le Capitaine voulait être sûr avant d’annoncer la potentielle bonne nouvelle.
Ce qu’il cherchait dans sa longue-vue était un archipel composé de cinq îles, dont l’île pirate était au centre, tandis que les quatre autres îles plus petites formaient un carré autour, avec une distance entre chacune d’elles à peu près équivalente. La vision d’une seule île ne pouvait donc pas lui permettre pour le moment de confirmer l’identité de celle qu’il voyait. Ce n’est que quelques minutes après que commençait à se dessiner le contour des îles avoisinantes, le constat était sans appel, ils étaient arrivés à destination.
— Nous sommes bientôt arrivés, matelots, cria le Capitaine. Tous à vos postes, tenez-vous prêt pour un amarrage !
Tout l’équipage partait dans tous les sens pour rejoindre leurs postes respectifs, ce qu’ils n’avaient plus fait depuis quelques mois maintenant, lors de leur dernière bataille.
— Capitaine, cria la vigie, on a un problème. Il y a deux fortifications en bois équipées de canons sur l’île vers laquelle on se dirige !
Le Capitaine se précipita à nouveau à l’avant du bateau pour constater ce que la vigie venait de lui dire. En effet, deux fortifications reliées l’une à l’autre par une muraille en bois, étaient bien présentes au milieu de l’île, et toutes deux équipées de quatre canons chacun au sommet de leurs tours. Les canons là représentaient une menace directe sur le bateau car elles détenaient une meilleure portée que leurs canons. Les îles étant de petites tailles, on ne pouvait voir que ces deux grosses tours au milieu d’une forêt de cocotiers, la surplombant grâce à la taille des fortifications s’élevant à une trentaine de mètres.
La distance entre deux îles bordant Skullwater représentait également une menace à cause de la profondeur de leurs parties submergées où qu’un seul navire pouvait s’y aventurer s’il naviguait exactement au milieu des deux îles, ne laissant pas beaucoup de marges de navigation pour combattre ces tours armées.
— Capitaine, dit Marcus en arrivant essoufflé à côté de son Capitaine. Vous pensez que le pire est arrivé ? Les Anglais auraient pris d’assaut la dernière île pirate et l’auraient fortifié pour anéantir les derniers pirates en quêtes d’exil ?
— Je ne sais pas Marcus, répondit le Capitaine, je ne peux pas en avoir le cœur net avant d’avoir aperçu les uniformes des hommes derrières ces canons. Soyons quand même prêt à toutes éventualités, mais gardons le cap. Que tout le monde soit sur le pont, immédiatement ! ordonna-t-il à son second.
Le capitaine continua d’observer avec sa longue-vue, et plus ils s’approchaient, plus d’autres tours se dessinaient dans les îles voisines. Ils en comptaient six au total sur les trois îles visibles. S’ils devaient s’aventurer dans l’archipel, ils n’auraient aucune chance d’opérer un demi-tour avant d’avoir fini de traverser en entier ce rassemblement îles, tout en se faisant canonner de bâbord et de tribord tout le long du trajet.
— Capitaine, on garde toujours le cap ? questionna Billy occupé à tenir la barre, prêt à effectuer un demi-tour dès que le Capitaine l’ordonnera.
— Attendez, répondit le Capitaine à tout son équipage. Restez vigilants, mais je ne crois pas que ce soit la Marine Anglaise ou Espagnol. Ils n’en n’ont pas l’allure en tout cas.
Le navire pirate continua son chemin jusqu’à que le Capitaine finisse par apercevoir l’île des pirates au milieu de toutes les autres. Elles semblaient accueillir plusieurs dizaines de navires pirates dont leurs coques semblaient intactes. Il tourna à nouveau la longue vue sur les grandes tours en bois, et finit par apercevoir des tenues légères derrière les canons, ne ressemblant nullement aux tenues des armées continentales. Ils n’avaient même pas pris la peine d’armer leurs canons.
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