Chapitre 4

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L’accostage sur Skullwater s’était finalement bien déroulé à partir du moment où, les pirates postés en sentinelle sur les îles environnantes, les avaient laissé passer. L’île centrale de l’archipel était beaucoup plus imposante que les autres, elle avait plus de reliefs, alors que les îles voisines possédaient un unique biome de forêts de cocotiers entourées par des bancs de sables.

L’aspect sphérique de cette île, avec une montagne en son nord qui dominait tout le contrebas où se situait la ville, était assez commun pour une île volcanique. Dans ce cas présent, le volcan était endormi depuis plusieurs siècles, ayant ainsi laissé place à la végétation, tel un bouclier naturel.

On pouvait apercevoir deux forts de hauteurs moyennes à chaque extrémité de l’île, à l’est et l’ouest, la rendant ainsi suffisamment fortifiée pour se défendre elle-même contre une flotte d’une dizaine de navires de l’armée anglaise. Au nord, au sommet de la montagne, se situait une église, dernier vestige restant de l’occupation passée des Français, pour les pirates souhaitant se recueillir dans leur foi, dont Charles faisait occasionnellement partie. L’immensité de la ville était telle, que lorsque que le Capitaine et son équipage arrivèrent au port, situé à l’opposé de la montagne, ils ne purent apercevoir la fin de l’allée centrale tant il y avait de monde et de bâtisses en bois, tels que des commerces, des bordels, des tavernes, et des auberges.

L’endroit était surtout connu pour tous les désirs que les matelots pouvaient assouvir, autant pour l’alcool que pour les plaisirs charnels. Néanmoins, tout n’était pas permis, car le gouverneur Richmond, menait d’une main de maître tout ce bas-monde. En effet, Skullwater était gouvernée par un seul homme, dont les connaissances d’exportation de marchandises volées n’avaient aucune limite. Les hautes sphères de l’aristocratie voyaient d’un bon œil tout ce commerce illégal dirigé par Richmond, leur permettant de subvenir à leurs besoins à travers ce genre de marchés, pour avoir de meilleurs prix ou mettre la main sur des produits prohibés dans leurs pays.

— Capitaine, interpella Marcus. On est d’accord que ces fortifications n’étaient pas présentes lors de notre dernier passage ici ?

Les deux hommes étaient descendus du bateau après avoir amarré au niveau du ponton. Ils étaient accompagnés des officiers Thomas et John, qui avaient commencé à donner les directives aux matelots pour décharger leurs butins.

— Non, en effet Marcus, répondit le Capitaine en se dirigeant vers la sortie du ponton pour analyser les tours boisés. Je suppose que le gouverneur Richmond a mis en place ce genre de dispositifs pour dissuader les armées continentales d’agir à son encontre.

— Il s’en est fallu de peu pour que nous opérions un demi-tour. Il aurait pu nous prévenir, dit-il en suivant son capitaine.

— Et comment ? ironisa le Capitaine. Thomas, je te laisse t’occuper des butins, vous les apporterez directement à la résidence du gouverneur quand vous aurez fini. As-tu toujours l’inventaire complet que je puisse le faire chiffrer par le gouverneur ?

— Oui Capitaine, le voici, répondit-il en lui tendant le bout de papier. Il y a un peu de tout, toutes sortes de textiles, quelques bijoux, des objets luxueux tels que des coupes en argent, et des caisses d’épices. On en a pour un sacré butin je pense là, enchaina-t-il.

— Oui, si on arrive à tout revendre au gouverneur, les matelots auront de quoi s’amuser. J’espère juste que son réseau d’exportation ne s’est pas effondré, dit-il sur un ton sérieux, en repensant à tout ce qui avait été anéanti dans l’univers des pirates jusqu’à maintenant. John, enchaina-t-il en se retournant cette fois vers son officier, dresse une liste des postes de matelots qui nous manquent, et prends deux hommes avec toi, vous allez recruter dans les tavernes ce soir !

— Comptez sur moi Capitaine, répondit-il avec le sourire. C’est la partie de mon poste que je maîtrise le mieux, l’art de mener des entrevues comme personne quand je suis saoul.

— Essayez juste de ne pas être bourrés avant d’avoir le compte, c’est tout ce que je demande. Et faites attention à vous, j’ai cru voir le navire de Barbegrise et de son équipage. Il y a également d’autres équipages problématiques mouillant leur navire ici. Ils sont connus pour n’avoir aucune limite et ne respecte pas le code des pirates, ils s’attaquent autant aux pirates qu’aux marchands.

— Bien, Capitaine ! Je garderai l’œil ouvert.

Les deux officiers partirent réaliser leurs tâches quand un homme vint interpeler le Capitaine.

— Bonjour Capitaine Storm, j’espère que vous avez fait bon voyage. Veuillez me suivre, je vais vous accompagner jusqu’au gouverneur Richmond. Si vous voulez bien me suivre.

L’homme devant eux portait des vêtements plus chics que les servants appartenant aux aristocrates anglais. Sa chemise blanche retroussé au niveau des manches allait très bien de pair avec sa peau mat. Sa chausse allongée jusqu’aux genoux et son collant blanc permettait également à cet homme de ne pas avoir froid durant ces journées automnales. Ses armes se limitaient simplement à une lamelle en bois semblable à fourreau, servant à poser ses appuis plus facilement contre la boue séchée, et dont une fente vers le sommet trahissait la présence d’une lame à l’intérieur pour les regards les plus affûtés.

Le capitaine et Marcus se regardèrent un court instant avant d’emboiter le pas derrière le secrétaire. Les rues qui survinrent après le port étaient dans un état semblable à ce que le Capitaine avait vu sur Amula, l’île où il avait rencontré le joaillier. Un fracas permanent les suivait depuis leur arrivée car la ville débordait de gens festoyant à chaque coin de rue, il n’était pas possible pour les trois hommes de continuer leur chemin sans esquiver des gens qui courent, voire d’enjamber des personnes gisantes saoules sur le sol.

— Dites-moi Theodore, je prends conscience que cela fait longtemps que nous ne sommes pas venus sur cette île, mais que s’est-il passé depuis ? interrogea le Capitaine en essayant d’interpeller l’homme lui tournant le dos.

Le secrétaire s’arrêta de marcher et se retourna face au Capitaine.

— Je ne saisis pas très bien la question, répondit Théodore dont le visage ne pouvait contenir sa consternation. De quoi voulez-vous parler ? De la marine anglaise conquérant toutes les autres îles pirates ? De la baisse du nombre de navires pirates voguant sur les mers ? De la fin de l’âge d’or de la piraterie qui nous permettait de vivre libre ? Je maintiens ma question, de quels changements parlez-vous, Capitaine ?

— Des tours fortifiées sur les îles adjacentes, répondit le Capitaine gêné.

— Oh, vous parlez de ça ? Je pense que ces tours répondent à toutes les questions que je vous aie posé, Capitaine. Le gouverneur Richmond a anticipé le changement de rapport de force dans le domaine maritime quand il a appris l’existence de la nouvelle arme Anglaise, l’Imperator. De ce fait, la fortification des îles voisines était une nécessité de premier ordre pour les rendre efficientes en tant qu’avant-postes.

— En effet, cela semble plutôt dissuasif si quelques navires de la marine anglaise osaient tenter une percée, et c’est sans compter le relief de l’archipel créant un véritable goulot d’étranglement grâce à ces bas-fonds. Le positionnement de tous les postes d’avant-garde a été étudiés pour, qu’en cas d’attaque, ceux-ci soient constamment au minimum quatre canons à pouvoir attaquer les navires pénétrant l’archipel. C’est du grand art militaire qui met à profit le terrain, je comprends mieux maintenant pourquoi cet endroit existe toujours, enchaina le Capitaine, le visage admiratif devant autant de réflexions et de stratégies militaires.

— Je vois que vous vous y connaissez également dans l’art de faire la guerre, et vous avez la manière de l’apprécier, Capitaine. C’est au gouverneur Richmond que l’on doit cette brillante idée, vous aurez le loisir d’en discuter avec lui quand nous serons arrivés. Reprenons notre route maintenant.

Les trois hommes continuèrent le chemin montant dans une atmosphère complétement contraire à ce qui se passait autour d’eux. Ils n’avaient toujours pas quitté la route principale de la ville, rencontrant ainsi tous types de commerces sur leur passage, en allant de l’auberge dont le personnel était occupé à préparer les chambres pour le soir en secouant les draps par—dessus la fenêtre, aux tavernes dont la fréquentation ne semblait pas se dissiper, tant l’odeur des festivités se faisaient sentir depuis l’extérieur.

Quelques minutes s’écoulèrent, et la vue de la résidence du gouverneur se profila, dont l’emplacement, au pied de la montagne, semblait pouvoir donner une vue imprenable sur toute la ville en contrebas. C’était une grande résidence en pierre comportant trois étages, semblant appartenir précédemment à un gouverneur français. La façade était magnifiquement composée de multitudes de fenêtres, toutes alignées, et de lierres qui montaient à hauteur du deuxième étage, au pied du balcon centrale abritée par une toiture avancée.

Les hommes montèrent les marches le long des jardins, avant de faire face à une énorme et robuste porte en bois pouvant servir de porte d’entrée pour un géant de trois mètres. L’entrée, étant gardée par deux hommes armés, s’ouvrit à la demande du secrétaire, laissant ainsi libre l’accès au hall d’entrée. En son centre, un escalier à double entrée permettait de donner accès aux étages supérieurs, les couloirs adjacents menaient à d’autres pièces telles qu’une bibliothèque, des cuisines et les chambres des domestiques. Le nombre de toiles peintes sur les murs, représentant autant des portraits que des paysages côtiers, et de fantaisies posées sur les meubles en guise de décoration, ne pouvaient se compter tant ils étaient nombreux.

La destination du Capitaine et de Marcus se situait dans la pièce donnant accès au balcon, au deuxième étage.

— Gouverneur Richmond, dit Theodore après avoir frappée et entrouverte la porte menant au bureau de son supérieur pour y laisser dépasser sa tête. Je suis avec le Capitaine Storm et son second qui souhaitent vous rencontrer pour vendre leurs marchandises.

— Faites-les entrez, répondit sèchement Richmond.

Les deux hommes purent pénétrer à l’intérieur de la pièce. Le gouverneur Richmond leur faisait face, assis sur son fauteuil, confortablement installé derrière son bureau en acajou. Le soleil provenant des fenêtres du balcon les aveuglait, rendant difficile d’avancer sans trébucher sur un tapis pour accéder à leur siège. Répondant à leurs problèmes, le gouverneur claqua des doigts ses serviteurs pour aller replier les volets à l’extérieur, permettant de nouveaux aux deux pirates de voir correctement.

Richmond était comme tout bourgeois qui se respectait, sa longue chevelure gris argentée trahissait la présence d’une perruque à fenêtre, en adéquation avec la mode actuelle des hauts gradés et riches. Sa redingote rouge fermée par trois boutons, et sa chausse serrée émeraude accompagnée de ses collants blancs, lui donnait une prestance digne des personnes financièrement aisée. Dans cette pièce, le Capitaine se sentait plus en Angleterre que sur une île pirate.

— Asseyez-vous Messieurs, dit Richmond en montrant les deux sièges à ses invités. Dites-moi tout, je vous écoute.

— Gouverneur Richmond, répondit le Capitaine. Nous sommes venus jusqu’à vous afin de pouvoir vous vendre nos dernières marchandises volées en mer, en voici la liste, dit-il en se penchant sur son siège afin de tendre le morceau de papier.

— Hum, voyons voir, murmura Richmond. Nous avons là tous types de marchandises, des dizaines de caisses de soie et de coton, très bien. Quelques bijoux ornés de pierres précieuses, et des bibelots religieux en or et en argent, dont des coupes, croix et statues. Il y a également quelques caisses d’épices, conclut-il. Je vais donner cette liste à mon comptable, il va nous indiquer le prix total de tout votre butin.

Le comptable, placé jusqu’alors silencieusement derrière le gouverneur, s’approcha pour lire la liste en détails. L’ombre créée par les volets fermés camouflait les traits de son visage. Il avait un autre papier dans les mains, et semblait faire les calculs de tête avant d’annoncer discrètement le résultat à l’oreille du gouverneur.

— Je peux vous racheter la totalité pour 500 pièces de huit, répondit finalement Richmond.

— Quoi ? c’est tout ?! avec tous les butins qu’on a, on peut facilement atteindre un butin équivalent 1000 à 1100 pièces de huit, répondit consterner le Capitaine. Pourquoi une telle baisse ?

— Il y a une nouvelle taxe que j’applique à tous butins confondus. Je prends 20% du montant total pour aider à la fortification de l’île, c’est un effort commun que l’on se doit de subir tous ensemble, Capitaine. C’est donc la moindre des choses que vous payez la taxe de défense.

— Je comprends bien, je me doutais bien que de telles fortifications n’étaient pas née que d’une seule fortune. Pourtant, je vous assure que le montant que vous m’indiquez est en-deçà de la réalité, enchaina le Capitaine en repoussant sa chaise en arrière pour se lever. Vous ne profitez quand même pas de votre monopole en tant que dernier revendeur en activité ? s’offusqua le Capitaine. Donnez-moi le détail complet de votre offre.

— Pas de problème ! Comptable, donnez-lui, claqua-t-il des doigts.

Le capitaine se rassit et se pencha sur le côté pour permettre au second de lire également. Les prix ne correspondaient à aucune notion qu’il avait connu précédemment. Certains prix étaient plus élevés que la norme, tandis que d’autres avaient drastiquement chutés.

— Je ne comprends pas, d’où vient tous ces nouveaux prix, Gouverneur ? interpella le Capitaine en agitant le bout de papier. Les prix des caisses de textiles et les bijoux ornées de pierres précieuses ont terriblement chuté, pourquoi ?

— Capitaine, soyons clair dès le début ! Sachez que je n’ai pas la main sur les lois du marché, ce n’est que l’offre et la demande qui les régit. Si les prix chutent, c’est que l’offre est supérieure à la demande, autrement dit, vous êtes trop nombreux à proposer ce genre de butins, répondit calmement le gouverneur.

— Trop nombreux ? interpella à son tour Marcus avec ironie. Vous avez l’impression que l’on est en surnombre, vendant des multitudes de butins ? Vous allez nous faire croire ça ?

— Je ne vous demande pas de le croire. Si vous le désirez, vous pouvez repartir avec votre butin et le vendre ailleurs, répondit le gouverneur en gardant un calme imperturbable. Libre à vous de me le vendre ou non, vous connaissez les prix, le choix est votre.

— Oui Marcus, laisse tomber, il a raison, interpella le Capitaine en se retournant et en posant la main sur l’épaule de Marcus. Il a les pleins pouvoirs, il en profite, c’est normal.

— Vous avez raison, mais c’est honteux, répondit Marcus en réfléchissant aux propos du Capitaine.

— On vous vend le tout, Gouverneur, enchaina le Capitaine en se remettant à la position initiale qu’il avait sur sa chaise pour faire face à Richmond. Les prix vont-ils encore variés par la suite ? Afin que nous puissions savoir sur quels butins nous allons devoir plutôt nous concentrer afin d’amasser plus de pièces.

— D’après les signes que je perçois et traduis du marché actuel, je peux vous dire que les prix ne sont pas près de changer, sauf en cas d’évènement exceptionnel, mais dans ce cas-là, les variations de prix seront le cadet de nos soucis, répondit le Gouverneur sur le même ton calme. Maintenant, si vous voulez bien partir, j’ai une autre entrevue qui m’attends. Vous recevrez le paiement dans les plus brefs délais, quand la marchandise sera livrée, termina-t-il en se levant de sa chaise et en indiquant aux serviteurs d’ouvrir la porte pour laisser partir le Capitaine et Marcus.

Les deux hommes avaient un sentiment amer en eux, ils n’avaient pas amassé autant de pièces qu’ils ne l’auraient dû, et leurs impuissances les énervaient tout particulièrement. Ils ne savaient pas également si cela était réellement dû aux lois du marché noir qui avaient changé, ou si le gouverneur les avait tout simplement arnaqués.

— Capitaine, comment on va faire si les prix de vente des émeraudes ont complétement chuté ? questionna Marcus en ayant pris soin d’attendre d’avoir quitté la résidence pour que personne ne puisse surprendre leur conversation.

— J’avais un plan de secours de base, mais pas pour ces raisons-là, répondit le Capitaine énervé de ce qu’il venait d’apprendre. Néanmoins, il y a quelque chose que je ne comprends pas, pourquoi tous les prix n’ont pas baissé ? Pourquoi certains ont même plutôt subit une forte hausse ? Je ne pense pas que le gouverneur souhaite nous dépouiller, loin de là, sinon il n’aurait pas créé la taxe de défense pour construire des fortifications, il aurait juste investi dans une résidence sur une autre île en cas d’attaque des armées continentales. Je pense qu’il se trame quelque chose d’étrange sur cette île.

— Comment ça ? répondit Marcus en levant les sourcils.

— Je ne sais pas trop…, répondit le Capitaine en réfléchissant en même temps. Je trouve étrange tous ces changements de prix sur certains butins. On va devoir amasser plus de caisse d’épices que de bijoux à ce rythme-là. Néanmoins, va t’assurer de la bonne finalité de la transaction, je vais monter là-haut, enchaina-t-il en pointant du doigt le sommet de la montagne.

Le soleil avait décliné à l’horizon pour disparaitre partiellement derrière la mer, quand le Capitaine quitta Marcus pour monter en haut de la montagne, en direction de l’église. Le second lui, redescendit l’allée centrale pour rejoindre son équipage sur le port.

Pendant ce temps-là, John avait pris soin de choisir deux matelots pour l’accompagner, Jack et Robert, deux vétérans détenant une forte expérience dans tous les postes que l’on pouvait pratiquer dans un navire pirate. C’était les deux personnes les plus qualifiés pour accompagner John afin de recruter, aucun détail ne pouvait leur échapper, ils pouvaient même déterminer les aptitudes physiques de n’importe quel homme, rien qu’en le regardant, et ainsi trouver le poste idéal pour eux.

Par exemple, une personne souple et agile était un candidat idéal pour devenir gabier, afin de monter dans les cordages entre les mâts et déployer ou ranger les voiles. Les gabiers étaient souvent séparés du reste de l’équipage car ils devaient ajuster la hauteur des voiles en fonction des directives de Billy. Les plus téméraires dormaient sur les hunes, des plateformes que l’on retrouvait à mi-hauteur des mâts servant de fixation pour les haubans de mâts, les câbles étant utilisés à garder l’angle donnée aux voiles pour optimiser la prise au vent.

Les trois hommes se dirigèrent en direction de la première taverne qu’ils verraient, ce qu’ils trouvèrent rapidement, en considérant le nombre de tavernes présentes en ville. L’ambiance battait son plein à l’intérieur, la plupart des pirates présents chantaient, hurlaient, en accumulant les chopes d’hydromels comme s’il n’y avait pas de lendemain. On pouvait voir les filles de joies en profiter pour choisir et approcher leur partenaire d’un soir, qui ne pouvait pas être l’un des trois acolytes tant qu’ils n’avaient pas trouver des matelots pour remplacer les déserteurs.

— Excusez-moi messieurs, hurla John dans la taverne en montant sur une chaise pour se faire entendre au milieu de la musique assourdissante des musiciens et des chants. Votre attention, s’il vous plaît ! Je m’appelle John, et je suis le maître d’équipage du Rose’s Revenge, et nous cherchons actuellement des matelots pour voguer en mer avec nous. Si vous êtes intéressés, veuillez faire la queue ! conclut John en reposant le pied au sol. Jack, Robert, dit-il en se retournant vers ses deux acolytes, installez une table avec des sièges au fond de la salle, on va commencer.

— Bien chef, dirent-ils ensemble.

Les deux s’exécutèrent, et tout fut rapidement mis en place, au moment même de l’arrivée des premiers intéressés.

— Bonsoir, balbutia le premier en s’installant face à eux. C’est bien ici que vous recrutez ?

— Oui, en effet. Quel est votre nom ? demanda Jack.

— Je m’appelle Jo, mais mes amis m’appellent aussi Jo, répondit-t-il avec les yeux légèrement fermés et le corps chavirant légèrement dans tous les sens.

— Bien Jo, que souhaitez-vous faire au sein de notre navire ? questionna Robert à son tour.

— J’aime bien l’eau moi, vous savez. J’aimerai naviguer dans l’eau, comme un poisson, enchaina-t-il. Vous savez, ils font comme ça, enchaina-t-il en bousculant la chaise pour se lever et mimer un poisson nageant dans l’eau, avant de finir la tête la première par terre.

— Hum je vois, il est complétement rond John, on passe au suivant, soupira Robert en essayant de relever l’homme continuant à mimer le poisson par terre.

Une fois le pirate à terre évacué, le deuxième releva la chaise et vint s’installer difficilement à son tour.

— Bonsoir, votre nom ? demanda Jack de nouveau.

— Bon…soir, je suis…, dit-il avant de s’écrouler de sommeil contre la table.

— Bon, soupira Robert tristement en se retournant vers les deux autres. Je crois qu’on ne pourra pas aller côtoyer ces jolies demoiselles ce soir…, enchaina-t-il avec désespoir.

A quelques lieux de ces entrevues pour le moment infructueuses, Marcus avait rejoint le port où l’équipage avait fini de décharger toute la cargaison dans des chariots. Il retrouvait Thomas, ainsi que William qui avait les aidé dans cette besogne.

— Alors Marcus, ça y est ? on est riche ? questionna Thomas avec un grand sourire.

— J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, Thomas, répondit Marcus en se pinçant les lèvres. La bonne, c’est qu’on a vendu toute la cargaison. La mauvaise, c’est qu’on l’a vendu à la moitié de son prix.

Thomas et William constatèrent facilement que Marcus était énervé à la suite de sa rencontre avec le gouverneur.

— Il nous a laissé aucun choix, reprit-il. Il nous a fait son offre misérable avec un ton si calme et froid que cela en était déconcertant. Il n’est pas au courant que ce n’est pas le moment de profiter des pirates ? Que sans nous, il n’a aucun moyen de garder son mode de vie de bourgeois anglais à la con ? pestiféra Marcus en évacuant toute la colère qu’il avait accumulé lors de leur discussion avec Richmond.

— Merde, il nous l’a mis à l’envers alors, conclut Thomas. On n’a pas d’autres solutions ? Comme revendre tout ça ailleurs ? Il doit forcément exister d’autres points de revente pour les marchés illégaux, interrogea-t-il Marcus afin de trouver désespérément une solution. Comment on va faire avec nos prochains butins ?

— Non il n’y a aucune solution, laisse tomber. Tous les points de revente connus ont été détruit par la marine anglaise et espagnole. On va réfléchir à nos futurs butins avec le Capitaine quand il reviendra, répondit Marcus dont l’appréhension prenait peu à peu le dessus.

— Le Capitaine est resté là-bas ? interrogea le jeune mousse.

— Non, non, William, répondit Marcus. Au moment de nous séparer, il m’a dit vouloir monter dans la montagne pour atteindre l’église.

— Le Capitaine est croyant ? demanda William en étant surpris.

— Oui, il est catholique.

— D’accord, je ne savais pas, répondit-il avec encore plus d’étonnement. Vous pensez qu’il va prier pour nous ? enchaina William avec un regard d’admiration.

— Je pense que oui, répondit Marcus. Néanmoins, je ne suis pas sûr qu’il n’y aille que pour prier, c’est aussi un havre de paix où il aime se réfugier afin de repenser à sa vie d’avant, avant que sa femme ne décède. Une époque simple et heureuse à ses yeux.

Les deux autres hommes qui écoutaient parler Marcus, n’osèrent pas en demander plus en le voyant triste, car l’histoire de son Capitaine l’avait fortement ému depuis le jour où il l’avait appris. Cette journée correspondait au moment où le Capitaine l’avait recruté dans son équipage, dont l’effectif était encore nul à ce moment-là. La détermination et les motivations pour la piraterie dont le Capitaine avait fait preuve, avait touché et séduit Marcus à devenir son second.

L’ambiance était devenue morose dans la pénombre s’étant répandue sur la ville, alors que les trois hommes montèrent l’allée centrale, pour amener les butins au gouverneur afin de clore la transaction. Les rues avoisinantes étaient devenues silencieuses dû à la fermeture des commerces et surtout parce qu’on y retrouvait des demeures en bois appartenant aux résidents de l’île, ainsi qu’aux pirates ayant préféré faire une pause dans leur vie de pirate tout en profitant des bons côtés que proposaient la rue d’à côté. Ces raisons créaient donc une disparité entre le calme régnant dans les quartiers habités et l’atmosphère fougueuse de la rue principale.

Ils recommencèrent de nouveau à esquisser quelques sourires après être passé devant la fenêtre de la première taverne où ils avaient aperçu John, essayant de recruter péniblement des matelots.

Arrivée à hauteur de la résidence de Richmond, le comptable sortit par la porte afin de faire l’état des lieux des chariots pour confirmer les quantités annoncées au préalable par le Capitaine. Il fallait quelques minutes pour vérifier la nature de chaque butin, et quand cela fut terminé, le comptable demanda aux serviteurs d’aller chercher le coffre derrière la porte. Les trois hommes furent déçus d’apercevoir que le contenant n’était rempli qu’à moitié, au lieu d’être rempli à ras le bord. La transaction se conclu par une poignée de main, avant que les matelots ne repartent en direction du centre de la ville.

— William, tu viens ? demanda Thomas en se retournant après avoir observé l’absence du jeune mousse.

— Oui, pardon, répond William dont le regard paraissait livide. J’ai cru apercevoir quelque chose là-haut, enchaina-t-il en montrant du doigt la forêt surplombant la résidence du gouverneur.

— Qu’as-tu donc cru voir, William ? interrogea-t-il.

— Une ombre, Thomas. J’ai cru apercevoir une silhouette se tenant debout qui nous observait.

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