Chapitre 5

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La montagne surplombant Skullwater avait une particularité. Les résidents de la ville racontaient qu’elle était habitée par une bête immense et sauvage dont les cris nocturnes étaient affreux et éclatants, pénétrant ainsi les murs des maisons. Il n’était pas rare que cela se produise plusieurs fois dans une même année, et que, quand cela arrivait, la plupart des habitants préféraient se réfugier chez eux. Néanmoins, les pirates avaient remarqué que les cris se faisaient de plus en plus rare, comme si la bête perdait en vigueur avec le temps.

Ce soir-là, ce n’était pas la bête qui avait intrigué William, mais une silhouette apparue sur la montagne, à hauteur de la résidence du gouverneur Richmond. Les hommes du Rose’s Revenge repartirent en direction du centre-ville, permettant à l’ombre de passer à l’action. Néanmoins, où William se trompait, c’est que la silhouette n’était pas là pour les observer, mais pour se diriger en direction de la résidence. Arrivée au flanc gauche de cette dernière, après avoir dévaler la montagne furtivement dans la pénombre, l’ombre continua son chemin le long du mur pour accéder au jardin, situé à l’avant.

Devant la porte, deux gardes armés de mousquets protégeaient l’accès à l’enceinte du bâtiment. Les entrées étaient rares, seules deux portes connues du grand public, permettaient de rentrer à l’intérieur. Une porte massive accessible depuis la rue principale, éclairée par des lanternes à huile accrochées à la base du balcon, où le Capitaine et Marcus étaient rentrés plus tôt dans la journée, et une porte à l’arrière, semblable à une porte de secours, étant gardée également par deux gardes armées. L’ombre avait fait son choix, la porte de devant. Caché dans le jardin grâce aux fourrées, elle prit un caillou, et le jeta loin à l’opposé de sa position.

— Tiens, tu as entendu ce bruit ? demanda le garde en se retournant vers son camarade.

— Oui, répondit-il. Je vais aller vérifier, ne bouge pas.

Le second garde partit sur les jardins situés à l’ouest, pendant que l’ombre s’approcha rapidement le long du mur pour prendre par surprise le garde en lui mettant un coup de pommeau d’épée à l’arrière du crâne. Celui-ci tomba directement inconscient au sol, dans les escaliers, avant de se faire traîner par les épaules dans le buisson avoisinant la porte. C’est à ce moment-là que l’autre garde avait fini d’inspecter les jardins, en vain.

— Ce n’était rien, dit le garde en revenant en direction de l’escalier menant à la porte, avant de remarquer l’absence de l’autre garde. Samuel, t’es où ? tu n’es quand même pas parti pisser au moment même où je suis parti ? questionna-t-il en attendant une réponse.

N’entendant aucune réponse de la part de Samuel, le garde commença à s’inquiéter, apposa sa main au niveau de sa taille et vérifia si son arme était chargée. Arrivé à son poste de garde, il fouilla les alentours pour obtenir des réponses justifiant l’absence de son camarade. Il tourna la tête dans toutes les directions, écarta les buissons avec son mousquet, continua d’appeler Samuel, sans réponse. Avant de donner l’alarme et de prendre le risque de réveiller inutilement le gouverneur, il s’approcha des jardins à l’est, avant de se voir glisser par derrière, une lame le long de sa gorge.

— Un mot, et je t’égorge sur place, murmura l’homme menaçant le garde. Lâche ton mousquet.

Le garde s’exécuta, et lâcha son arme à terre. A peine avait-elle touché le sol que l’homme retira la lame de sa gorge, avant de lui donner la même sentence que Samuel. Quand les deux hommes furent camouflés dans un buisson, bâillonnés par un morceau d’habit et attachés entre eux par une corde, l’homme entreprit l’escalade du mur afin d’accéder au balcon grâce aux lierres et pierres dépassant de la façade de la résidence. Le dernier rempart se trouvait être les portes vitrées menant au balcon et les volets préalablement fermés à la demande du gouverneur. Ces derniers ne posaient pas de problème à l’homme voulant entré par effraction, néanmoins, les portes vitrées soulevèrent un dilemme. Prendre le temps de les crocheter ou casser la vitre pour ouvrir depuis l’intérieur ? L’ombre prit la première option, lui faisant perdre de précieuses minutes, risquant ainsi de se faire repérer.

Les portes furent débloquées, et l’homme put entrée à l’intérieur du bureau du gouverneur. Il fouilla silencieusement tous les tiroirs, analysa un par un tous les documents sur le bureau, jusqu’à en trouver un en particulier qu’il lut et enroula dans sa poche. Il continua ses recherches partout dans la pièce, en analysant la bibliothèque, et le moindre meuble en capacité de cachés des secrets. Alors que quelques pas se faisaient entendre parfois à l’étage inférieur, l’ombre décida de se faufiler jusqu’à la porte menant au couloir, et apposa son oreille contre cette dernière. Les bruits se faisant de plus en plus distant et étouffés, il ouvrit la porte, et se dirigea prudemment vers la gauche, en direction de ce qu’il pensait être une chambre. Les bougies purent éclairer son opération, en prenant soin de ne renverser aucune babiole trainant sur les meubles ornant le couloir. Des peintures du gouverneur et d’aristocrates regardèrent l’ombre progresser sous leurs yeux impuissants, jusqu’à arriver à l’entrée de la chambre du gouverneur, dont il tourna la poignée, et pris soin de refermer derrière lui avec la même attention.

La chambre était encore plus grande que son bureau, les volets légèrement entrebâillés laissaient circuler l’air frais et permettrait de filtrer quelques amas de lumière. Le lit en acajou et ornée de soie rouge retombant en drapé du baldaquin, était uniquement utilisé par le gouverneur, dont la compagnie semblait lui défaillir. Des lettres légèrement repliées demeuraient sur le chevet, dont une missive étant encore cachetée par un sceau. Pendant le passage d’un nuage devant la lune, l’homme s’approcha du gouverneur, l’épée en main, pour l’apposer sur sa gorge.

— Bonsoir gouverneur, dit l’homme.

Le gouverneur ouvra les yeux doucement, sans bouger, en observant la situation calmement sans faire de gestes brusques. Comprenant qu’ainsi, au milieu de la nuit, un homme s’était infiltré dans sa résidence pour le menacer.

— Bonsoir Capitaine Storm, répondit-il en se tournant légèrement vers son agresseur qu’il avait reconnu grâce à la tonalité de sa voix.

Charles retira sa capuche à l’annonce de la révélation de son identité.

— Vous savez aussi bien que moi que vous ne pouvez pas me tuer, enchaina le gouverneur calmement. Et si je crie, mes gardes vont rappliquer directement pour vous tuer. Je vous laisse cinq secondes pour me convaincre de ne rien faire de tout ça.

Le gouverneur regarda fixement le capitaine en lui indiquant clairement sa détermination à appeler du secours sans craindre la moindre conséquence si le délai venait à s’écouler. Il savait qu’en étant le dernier revendeur officiel dans les marchés parallèles, il était intouchable, car sa mort emmènerait avec lui la fin des pirates. Il commença à compter, et le Capitaine lui jeta sur le torse le morceau de papier qu’il détenait dans la poche. Le regard du gouverneur avait changé, paraissant moins paisible qu’avant, moins arrogant.

— Cela devrait suffire à vous convaincre pour ne pas appeler vos gardes, non ? dit le capitaine avec le même ton calme et condescendant.

— En effet, répondit le gouverneur en peinant à déglutir à cause de l’arme posée sur sa gorge. Veuillez retirer votre lame, la menace ne sert plus à rien maintenant.

Le capitaine s’exécuta et rangea son épée dans le fourreau. Il se retourna, et partit à la recherche d’un siège afin de s’asseoir face au gouverneur qui s’était redressé assis, appuyée contre le dossier de son lit.

— Alors gouverneur, dites-moi ce que je dois savoir, dit le capitaine en s’installant. Comment une missive anglaise peut-elle être cachée dans votre bureau ? questionna-t-il en montrant du doigt la lettre décachetée posée sur les jambes du gouverneur.

— Vous n’êtes pas sans savoir que nous construisons actuellement de quoi nous défendre contre l’ennemi, dit le gouverneur en se levant et marchant droit devant lui, en direction de la fenêtre pour observer le ciel. Vous devez également savoir qu’à l’heure actuelle, les Anglais et en particulier les Espagnols, souhaitent voir l’ère de la piraterie périr, surtout ces derniers, étant grandement influencés par le Pape, dont les actes de barbaries sont fermement condamnés à ses yeux.

Le gouverneur se retourna vers le capitaine, et marcha doucement en sa direction.

— Sachez que notre archipel n’est pas conquérable par une seule armée, en particulier du fait de sa forte particularité en termes de reliefs. Mon devoir était donc de réduire notre nombre d’ennemis de deux à un, c’est pour cela que j’ai pris les devants et aie contacter le commandant Newind pour convenir d’un accord afin qu’il ne nous attaque pas.

— Qu’avez-vous donc convenu avec l’ennemi ? répondit le capitaine avec la mâchoire serrée. Vous comptez nous vendre un par un aux anglais pour sauver votre peau ?

— Réfléchissez un peu voyons, capitaine, dit le gouverneur en s’arrêtant à quelques pas de son interlocuteur. A quoi bon rester ici, s’il n’y a plus personne pour me vendre des marchandises rares et précieuses ?

— Avoir le temps de préparer un plan de secours tout en vous faisant bien percevoir par la couronne anglaise ? répondit-il en soufflant d’exaspération.

— Non, non, rien de tout cela, dit le gouverneur. Le commandant Newind acceptait ma proposition qu’à une seule condition, d’orienter les prix du marché noir à leur avantage.

— C’est pour cela que notre butin avait une valeur aussi faible ? Quel est le but de vouloir nous appauvrir ? Je ne comprends pas, rétorqua le capitaine.

— Laissez-moi finir et vous comprendrez, dit le gouverneur avec agacement. Les Anglais ont réfléchi à ma proposition et l’ont accepté pour une simple et bonne raison, si je baissais les prix auxquels j’achetais les marchandises que l’on retrouve le plus souvent dans les bateaux commerçants anglais, les pirates ne trouveraient plus aucun intérêt à aller les piller. En contrepartie, les pirates se rueraient sur les navires transportant des marchandises dont le prix reste attractif, voire ayant augmenté.

— Si je résume bien, dit-il en coupant la parole au gouverneur. Vous avez contacté le commandant Newind afin de lui proposer un accord de non-agression basé sur le fait que vous alliez baisser les prix des marchandises anglaises sur les marchés parallèles ?

— Oui c’est bien cela, confirma le gouverneur. Vous êtes plus érudit que je ne le pensais.

— Arrêtez de me prendre pour un con, gouverneur, répondit le capitaine en se relevant de sa chaise. Etant donné ce que j’ai lu des autres courriers que vous avez reçu, vous n’avez rien proposé du tout, vous êtes contraint ! Votre famille est captive en Angleterre, elle vous envoie des courriers pour prouver leur bonne santé, arrêtez donc vos mensonges.

— Quoi ? bafouilla le gouverneur. De quels courriers parlez-vous donc, misérable crapule ?

— Ceux cachés dans votre bibliothèque entre deux livres par exemple ? Je les ai remis à leur place par respect, la famille est importante à mes yeux, et je n’en souillerai aucun symbole fort provenant de cela.

— Ah, répondit le gouverneur dont le teint livide se fondait dans les rayons lunaires apparaissant sur son visage.

— Maintenant, laissez-moi interpréter ma façon de voir les choses dans cette situation, enchaina le capitaine en reprenant son calme et s’asseyant de nouveau. Installez-vous également, vous semblez en avoir besoin.

Le gouverneur pris la première chaise à portée de main, et vint s’installer brutalement dessus.

— Je pense, dit le capitaine, que vous avez été contacté par les Anglais, vous proposant de fixer les prix du marché noir à leur avantage, et en échange, ils n’attaquaient pas, ni ne faisaient de siège maritime autour de l’île. Pour couronner le tout, et s’assurer de votre accord, ils ont pris en otage votre famille restée en Angleterre. Leurs intérêts principaux sont bien évidemment de protéger les marchands commerçant avec l’Angleterre, et en plus de cela, ils peuvent orienter les pirates à attaquer d’autres commerçants transportant d’autres type de marchandises. Ils s’attaquent aux autres nations en faisant cela, et s’attaque directement à leur système économique. Je m’étais posé la même question en boucle toute l’après-midi, je ne comprenais pas pourquoi certains prix avaient drastiquement baissés, alors que d’autres avaient augmenté. Grâce à mes recherches dans votre bureau et votre version des faits, j’ai pu compléter l’entièreté de l’histoire, vous ne pensez pas ?

Le gouverneur ne trouva pas les mots. Lui qui pensait parler à un vulgaire pirate ne réfléchissant que très peu, il fut très surpris. Sa volonté de garder bonne figure face à toute cette histoire venait d’éclater en morceau. Néanmoins, il essaya tant bien que mal de garder son sang-froid pour ne rien laisser paraitre.

— Je suis venu en parti afin d’avoir des réponses, dit le capitaine. Cependant, je ne m’attendais pas à ça. La situation ne va pas évoluer de sitôt c’est bien ça ?

— En effet, capitaine, répondit Richmond. Les Anglais m’ont menacé qu’au moindre geste de retour en arrière, qu’à la moindre remise à la normal du marché, ils se mettraient en marche pour venir nous assiéger. Nous sommes tous dans le même merdier, mais nous devons être les seuls à le savoir pour continuer à vivre comme nous l’entendons.

— Tout cela me pose des problèmes, gouverneur, répondit le capitaine, mon équipage et moi-même, sommes à la recherche de deux incroyables bijoux au prix inestimable. Je compte partir dans quelques jours en direction de Massali, donc je dois clore cette histoire avec vous, et cela risque de poser un énorme souci si les prix des émeraudes restent aussi bas. Autrement dit, si la situation ne change pas, je vais devoir me passer de vous en tant qu’intermédiaire, et aller directement voir des clients potentiels.

— Vous m’en voyez navré, capitaine, dit le gouverneur dont la raison avait repris le dessus sur les sentiments. Vous connaissez désormais ma position délicate dans tout cet environnement, je suis enchainé à ce contrat tacite avec les Anglais tant que ma famille sera retenue en otage.

— Et si demain ils étaient libres ? questionna le capitaine avec une dernière lueur d’espoir.

— Cela changerait bien des choses, mais cela dépend également de beaucoup de paramètres, répondit le gouverneur. Néanmoins, si je savais ma famille saine et sauve, loin de tout cela, je pense que nous devrions compter que sur nous même, avec les fortifications que nous avons. L’équilibre est trop dur à maintenir, car si la moindre personne mal intentionnée est au courant de ce pacte de non-agression, cela pourrait mener cette île à sa perte.

— D’accord, tout n’est pas peine perdue alors, souffla le Capitaine pensant que cette situation ne bougerait pas.

Le capitaine commença à se relever en ayant eu les réponses à ses questions, pensant avec raison que quelque chose ne tournait pas rond sur cette île.

— Et les fortifications ? reprit le capitaine. Ils vous laissent construire sans incidence ?

— Pour le moment oui, répondit Richmond. Je suppose que cela consolide le fait que les Espagnols ont besoin des Anglais pour en finir avec nous, ce qui ne serait pas pour leur déplaire.

Un éclat dans le couloir interpella le Capitaine, qui se rua sur la porte afin de l’ouvrir vaillamment pour comprendre la cause de ce bruit. Personne. Les bibelots étaient tous à leurs places respectives, rien n’avait bougé. Le capitaine se figea quelques secondes pour écouter attentivement ce qui se passe dans la résidence, mais même les pas des serviteurs faisaient défaut. Il referma la porte et se retourna vers le gouverneur.

— Vous avez entendu aussi, non ? dit le capitaine à Richmond.

— Non, répondit-il. Mes oreilles déclinent avec les années, mais sachez quelque chose, les murs ont des oreilles. Et cela en va de même pour toute l’île, donc si je puis vous prodiguer un seul conseil, soyez vigilant.

Le Capitaine quitta la résidence de la même manière qu’il était venu pour ne pas attirer sur lui de potentiels yeux l’observant la nuit. Il partit en direction d’une auberge pour trouver un gîte pour la nuit, afin d’éviter de dormir à la belle étoile comme le faisait encore les deux gardes.

Le lendemain commença sous le chant du coq réveillant les pirates n’ayant pas suffisamment bu pour ne pas l’entendre. Les recherches de John et de ses deux acolytes n’avaient mené qu’à deux seuls candidats réellement capables de faire partie de leur équipage, ce qui n’était pas suffisant étant donné le nombre de désertion ayant été recensé. Tout cela ne les avait quand même pas empêchés de profiter de la folle ambiance de la nuit dernière, et d’avoir eu de la compagnie pendant toute la nuit.

Alors que le soleil commençait à atteindre son zénith, les trois hommes se réveillèrent et décidèrent de chercher une autre taverne dont le nombre de gens encore bourré à l’intérieur serait plus raisonnable. Ce n’était qu’à quelques bâtisses plus loin qu’ils trouvèrent l’endroit idéal. En rentrant dedans, ils constatèrent une tout autre atmosphère, c’était une taverne respectable, dont les chaises n’avaient pas été renversé de toute part dans la pièce. Il y avait peu de gens, dont un musicien en recherche de composition de contes pirates à jouer avec son accordéon, et au fond se trouvait quelques amateurs de jeux de dés dont la pratique était autorisée qu’une fois sur la terre ferme. Et parmi ces gens se trouvaient le Capitaine et Thomas profitant des mets qui leur avaient été servis.

— Bonjour Capitaine, salut Thomas, dit John en s’asseyant face à eux accompagné de Jack et Robert. Comment allez-vous ?

— Bien, répondit le Capitaine. On semble apparemment mieux aller que vous, vous auriez mieux fait de vous rafraichir le visage, messieurs. Je suppose que vous avez réussis à recruter le nombre de matelots qu’il nous faut ?

— Non, Capitaine, répondit John soufflant d’exaspération. On a pu en trouver que deux, tous les autres étaient trop allumés pour tenir sur leur chaise.

Deux hommes rentrèrent au même moment, à l’allure négligée et pâle, avec des cheveux ébouriffés, et les habits dépenaillés, accueillant quelques feuilles par ci et là. Ils regardèrent de fond en comble toute la taverne, et arrêtèrent leur regard en direction des hommes du Rose’s Revenge avant d’aller les approcher.

— C’est vous l’équipage en recherche de matelots pour votre prochaine expédition? demanda l’un d’eux en éternuant et ayant les yeux boursouflés.

Le Capitaine fusilla du regard John à la simple allusion de l’inconnu fiévreux qui semblait être au courant qu’ils préparaient une aventure, dont le secret était primordial pour sa réussite.

— Vous vous méprenez, on n’a jamais parlé d’aventures, répondit John en toussant. Néanmoins, nous sommes bel et bien à la recherche de quelques matelots.

— Cela serait étonnant que vous n’en ayez pas parlé, tout le monde en discute en ville, tellement c’est devenu rare de voir des pirates repartir dans une grosse aventure, répondit l’autre bonhomme. On est intéressé avec mon camarade Samuel pour des expéditions loin d’ici, on se dirige où pour les entretiens ? questionna-t-il en cherchant du regard un endroit pour s’asseoir.

— On va le faire plus loin, suivez-moi, dit John en faisant signe aux deux acolytes. Jack, Robert, on est reparti.

Les cinq hommes partirent s’installer un peu plus loin, et une impression de déjà-vu vint percuter l’esprit du capitaine en regardant ces deux hommes. Il devait se méprendre, les seules personnes avec lesquels il avait discuté depuis hier, devait se compter sur les doigts d’une main.

— Si je résume bien, Capitaine, reprit Thomas. On doit garder toute cette histoire sous silence pour éviter des émeutes qui risqueraient d’affecter la position délicate du gouverneur ?

— Oui c’est bien ça Thomas, répondit le Capitaine Storm. J’ai déjà prévenu Marcus et je ne le dirai évidemment qu’aux officiers, pour ne pas perturber l’équipage avec un tracas supplémentaire. J’attendrai pour le dire à John, afin d’éviter qu’il ne révèle tout en ayant encore trop bu.

— Je ne dirais rien à l’équipage, Capitaine ! répondit fièrement le maitre d’arme. Vous pouvez compter sur moi.

Thomas quitta la table pour réaliser la mission qui l’incombait sur l’île pirate, compléter l’arsenal d’arme du navire, alors que John, lui, semblait épris dans une longue conversation avec les deux hommes.

Le commerce de l’artisan se situait dans une de ces rues réputées calmes et désertées la nuit, à quelques rues du nerf central de la ville. C’était un commerce où l’on retrouvait à l’intérieur tous types d’armes, du mousquet jusqu’au couteau de cuisine en passant par les épées dont la qualité et la légèreté étaient de très bonne facture. Son propriétaire était un grand homme robuste dont les années de labeur avaient marqué la peau. Il était en conversation avec un gigantesque colosse peinant à rester droit tant il était à l’étroit sous le plafond. La voix forte et caverneuse de ce client permettait à Thomas, venant tout juste de rentrer à l’intérieur, de pouvoir suivre quelques fragments de la conversation.

— Ma commande sera prête pour demain ? demanda le colosse à l’artisan en étant légèrement recourbé et se maintenant en accrochant sa main contre le plafond.

— Oui, ne t’en fais pas, répondit l’artisan. Est-ce que j’ai déjà été en retard dans une seule commande que tu m’as passé ? interrogera-t-il en levant les deux bras tout en soufflant d’exaspération.

— Non, grogna-il. Et je ne veux surtout pas que la première fois soit demain, tu as compris ? dit-il en haussant le ton. Je suis sur une grosse affaire là, je compte sur toi, ne me déçois, enchaina-t-il en se retournant péniblement et se dirigeant vers la sortie.

— Pas de problème, Edouard, dit l’artisan en lui faisant un signe de la main. Demain, sans faute.

Le colosse de deux mètres était parti quand Thomas demanda à l’artisan si tout allait bien. Ce dernier ne comprenait pas sa requête, il expliquait qu’il avait l’habitude étant donné que ce capitaine était un client passant régulièrement des commandes d’armes et de boulet de canons.

— Cela tombe bien, répondit Thomas. Je viens également passer la même variété de commande. Nous souhaiterions quelques mousquets, ainsi que des boulets de canons.

— Malheureusement, répondit l’artisan, la personne que tu viens de croiser vient de tout prendre. Je peux m’arranger pour demander à des confrères le montant nécessaire que tu souhaites en termes de mousquet et de poudre, mais pour les boulets, je ne saurai te conseiller mieux que d’aller au fort à l’ouest, à quelques rues d’ici, sur le littoral. Cherche un dénommé Bill, et dis-lui que tu viens de ma part, il devrait t’en donner une quantité nécessaire, et j’en referai une fournée dès que j’aurai du fer pour en faire de la fonte. Mais surtout, fais en sorte qu’il t’aime bien, sinon il va te mettre des bâtons dans les roues car il a un caractère de cochon depuis qu’il a été enrôlé.

— Merci beaucoup, répondit Thomas avec gentillesse devant l’artisan montrant beaucoup de conciliation. Je repasserai te payer si les gardes du fort acceptent ta proposition et je prends bonne note de l’avertissement.

Thomas poussa la porte du petit commerce, et commença à se diriger vers le fort, situé à l’ouest, dont l’importante architecturale le rendait visible depuis n’importe où sur l’île.

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