Chapitre 8.2
— Que faites-vous chez moi ? interpella stupéfier l’individu, la voix étranglée.
— T’es seul ? cria Jack dans ses oreilles. Réponds-moi !
A ces mots percutants, le prisonnier commença à murmurer des paroles inaudibles.
— Qu’est-ce que tu baragouines ? enchaina-t-il plus violement, tout en resserrant l’emprise de son épée autour de son cou.
Le débit de parole du prisonnier, jusqu’alors hésitant, s’apaisa, et il commença à se mettre à genou, en dépit de la menace présente à sa gorge. Il plongea sa main dans sa tunique, et sortit un chapelet qu’il tint entre ses deux mains. L’homme était très amaigri malgré son corps affûté, sa condition avait interpellé Jack, ses habits étaient décousus de toutes parts. La pauvreté de cette personne était flagrante, autant dans sa très modeste demeure, que dans ses accoutrements et sa santé semblant très fragile. Il avait déjà toussé à de multiples reprises depuis l’entrée de ses malfaiteurs, forçant Jack à réajuster continuellement la lame afin de ne pas le blesser davantage.
— Oh l’ancien, je t’ai posé une question. T’es tout seul ?
L’homme âgé acquiesça de la tête entre deux versets d’une prière.
— On cherche notre défunt compagnon, on sait qu’il est ici. Pourquoi tu l’as amené ? s’énerva de nouveau Jack en raffermissant sa prise au col de l’individu.
— Argh, s’étouffa le vieil homme en faisant signe qu’il ne pouvait plus respirer.
Il ouvrit sa main pour le soulager, retira sa lame avant de le propulser aussitôt au sol d’un coup de pied.
— Je… je ne fais qu’accomplir mon devoir auprès de Dieu, répondit-il en se relevant difficilement pour s’asseoir adosser au mur.
— Quoi ?! hurla-t-il. Toi et tes amis vous tuez au nom de Dieu ? et tu prétends être un religieux avec ton costume de bouseux ?
— Vous vous méprenez, étrangers. Je n’ai tué personne moi. Je suis resté ici pour réaliser l’œuvre de Dieu sur cette île sauvage et pleines de dérives.
— Mon Père, enchaina le Capitaine calmement. Nous recherchons un membre mort de notre équipage. Nous souhaiterions le ramener auprès des nôtres.
— Il est ici, répondit-il en montrant la pièce adjacente. J’étais en train de nettoyer ses plaies pour l’enterrer auprès des autres.
Jack se rua directement dans l’autre salle, et aperçut son ami inerte sur une table, des linges ensanglantées à côté de lui. Ses plaies ne saignaient plus, et étaient recouvertes d’une poudre blanche pour les plus profondes d’entre elles. Son corps avait été nettoyé, ses yeux refermés, et ses bras posés sur son torse.
— Il parait si apaisé, si tranquille, se lamenta Jack sur un ton triste, les yeux larmoyants en s’effondrant à genou devant le corps de son ami.
— Pourquoi avez-vous fais ça ? dit Charles épaulé à l’encadrure de la porte.
— Je viens en aide aux gens dans le besoin, et c’est mon rôle de les guider dans leurs derniers moments auprès du Seigneur.
— Vous saviez donc que cet homme allongé dans votre maison se faisait torturer depuis des jours dans votre église ?! dit Charles en haussant le ton. Et vous prétendez leur venir en aide ?
— Vous voyez bien que je n’ai ni l’âme ni le corps d’un guerrier, soupira le prêtre. Que puis-je faire seul contre ces pirates dont le passetemps favori est la torture ? Si je les affronte, qui guidera ces âmes perdues vers l’au-delà ?
— Apporter son aide aux personnes vivantes est plus louable qu’aux mortes. Vous pouvez également aller en ville chercher de l’aide ! Arrêtez de vous cacher derrière vos paroles toutes trouvées et sortez de vos bois !
Le vieil homme peina à soutenir le regard de son détracteur, et entreprit de se relever pour se redonner un peu de contenance. Jack n’avait cessé de se lamenter sur le corps de son ami, que le Capitaine s’approcha de ce dernier pour lui rendre un dernier hommage. Quand cela fut fini, les deux pirates commencèrent à recouvrir Robert d’un drap, et demandèrent au prêtre s’il avait un chariot pour le transporter.
— Non, non, vous ne pouvez pas l’emmener, répondit-il choqué en faisant de grands signes de désapprobation. C’est mon devoir de l’enterrer à côté des autres, vous ne pouvez pas interférer avec la volonté de Dieu.
— Des autres, vous dites ? Combien d’hommes avez-vous mis sous terre ? interrogea Charles bouche bée.
— Je ne sais pas. J’ai arrêté de compter il y a une dizaine d’année. Suivez-moi, ça sera plus simple.
Ils abandonnèrent le corps de Robert pour lui emboiter le pas dehors. A mesure qu’ils avancèrent, les bois devenaient moins denses, moins sombres, et laissaient place à une vue magnifique du ciel perdant ces étoiles une à une à mesure du soleil levant. Ce splendide décor fusionna progressivement avec la mer à l’horizon, visible uniquement grâce au panorama apporté par la hauteur des falaises. A quelques pas d’eux, des dizaines de croix se situaient en contrebas, fabriqué à base de planches en bois et de ficelles, et avaient été planté au sol, avec le même symbole sculpté dessus, un oiseau prenant son envol.
— Cela fait combien de temps que vous vous occupez d’honorer les morts ? demanda Charles, ébranlé par la multitude de tombes se dévoilant devant ses yeux.
— Aussi loin qu’il met possible de m’en souvenir, boucanier. Mon père m’a légué sa foi à sa mort et c’est un héritage des plus lourds à porter, répondit-il en lâchant un léger soupir.
— Pourquoi n’abandonnez-vous pas ? Vous en avez assez fait, allez finir votre vie de misère dans de meilleurs auspices. Libérez-vous de ces morts.
— Je ne peux pas, mon devoir auprès de Dieu n’est pas encore fini.
Le vieil homme était autant déterminé que résigné, à la surprise de Charles. Etant lui-même croyant, il appréhendait toujours avec difficulté la façon dont un homme pouvait à ce point s’enfermer dans la réalisation d’une telle tâche, et vivre une vie d’assouvissement divine.
— Votre paternel réalisait les mêmes tâches ingrates que vous ? C’est de cet héritage-là dont vous parlez ? interrogea-t-il afin de mieux appréhender ses cheminements de pensées.
— Mon père ? répondit le prêtre en relevant la tête. Il avait la force de plusieurs hommes…, et n’a jamais laissé aucune âme sans asile. Jusqu’à cette nuit-là …, enchaina-t-il en se mettant à trembler de tout son long.
— Que s’est-il passé cette nuit-là, Mon Père ? dit-il d’une voix plus apaisante après l’avoir observé s’effondré à genoux, s’enfonçant ainsi légèrement dans la terre.
— Le…le fracas ! balbutia-t-il. Il y avait du bruit de toutes parts, enchaina-t-il en faisant de grands gestes. Les boulets de canons surgissaient de partout, démolissaient les maisons dans un brasier infernal, enterraient les habitants sur place, et n’arrêtaient pas de pleuvoir sans jamais s’arrêter, telle une pluie de colère divine !
Le prêtre marqua un temps d’arrêt dans son récit, le regard vide, replongeant de nouveau dans les horreurs de ses souvenirs lointains. Charles s’approcha de lui, et posa sa main brusquement sur son épaule, provoquant une crise, le faisant hurler à plein poumons, secouant ses bras dans tous les sens avant de finir par tomber. Le vieil homme commença à se calmer peu à peu, jusqu’à retrouver ses esprits progressivement. La respiration haletante et le regard affolé, le prêtre, les genoux au sol, releva sa tête dans la direction de Charles en quêtes de réponses.
— Que s’est-il passé ? demanda-t-il complétement sonné et épuisé physiquement.
— Vous avez commencé à perdre la tête au milieu de votre histoire…, et vous avez finis par sombrer dans une folie profonde. Ça vous arrive souvent ?
— Non, rarement. Cela fait plusieurs années que je ne me réveille plus au beau milieu de la nuit.
— Je vois, répondit le Capitaine en apposant sa paume refermée sur son menton pour réfléchir. Je pense que vos crises surviennent lorsque vous repensez à ce souvenir. Que s’est-il passé ?
— Une attaque orchestrée par des pirates de la pire espèce, grogna-t-il en laissant sa colère prendre le dessus. Ils nous assiégeaient depuis des jours, les corps des marins français gisaient dans l’eau à force de tenter d’infiltrer les bateaux pirates à la pénombre de la nuit et ils n’arrêtaient pas de s’accumuler. Nos troupes avaient alors décidé de les surprendre dans un ultime assaut, mais cela s’est retourné contre eux, ce fut une hécatombe.
Le prêtre continua son récit en disant qu’autrefois, son père, Honoré, était le plus grand dévot de l’île, sous la tutelle du gouverneur d’antan, et qu’il avait à cœur d’animer la vie religieuse de chacun. Ce fameux soir suivant l’importante défaite des Français, il avait décidé de partir en quête de ramener les corps des noyés pour les enterrer. Telle était sa façon de penser, car pour lui, toute âme était égarée si elle n’avait pas de foyer, de refuge où se reposer en paix, même après la mort.
En quittant sa demeure sous une nuit sombre, il avait entrepris le périple d’aller jusqu’à la plage située en contrebas de la ville, juste à côté du port. La plupart des corps à proximité avait déjà été repêché, mais ce n’était pas le cas des plus éloignés. De multiples lumières apparaissaient au loin, tout autour de l’archipel, rappelant ainsi continuellement la supériorité numérique des envahisseurs. Le spectacle lui aurait paru splendide si cela avait été dans d’autres circonstances, et c’était avec cette image en tête qu’il plongea aussitôt après avoir laissé ses affaires sur le sable, à la recherche de corps continuant de flotter, aidé par la réverbération des reflets des lanternes dans l’eau.
Devant les yeux impuissants de son fils l’ayant suivi discrètement, le prêtre peinait à nager dans l’eau troublée par le sang des marins et les déplacements répétés des bancs de poissons attirés par les corps en décomposition. La plupart des morts Français restant dans la mer avaient coulé au fond, dont une couche de sable avait commencé à les recouvrir, rendant ainsi difficile leur sauvetage. Honoré se faisait la promesse de revenir les repêcher aux premières lueurs du jour, pour mieux se concentrer sur ceux étant plus accessible à la surface.
Le courant marin à l’intérieur de l’archipel n’était pas aussi fort qu’à la bordure maritime, et la température de l’eau était plus agréable. Sans ses conditions, cela aurait été une peine perdue pour Honoré d’aller ramasser les corps. Il était également bon nageur, et ne souffrait nullement de problèmes d’orientation, ce qui lui avait permis de trouver un corps assez rapidement. Son faible état dégradé indiquait une mort récente, surement dans la nuit se disait-il en l’attrapant par le bras afin de le manœuvrer pour le poser contre son torse et ainsi exécuter une nage sur le dos. Ce genre de sauvetage était chose aisée pour lui, étant un grand habitué à nager depuis l’enfance, il lui avait fallu très peu de temps avant d’atteindre la plage. A peine arrivé, il déposa le mort sur le sable, murmura quelques paroles et se releva pour s’apprêter à replonger.
— Papa ! hurla quelqu’un dans le noir, plus haut sur la plage.
— Mon fils ? se retourna-t-il, les yeux écarquillés. Rentre tout de suite à la maison, ne reste pas ici ! enchaina-t-il en haussant le ton, tout en se précipitant vers lui.
— Je suis venu te ramener à la maison, répondit-il en levant la tête pour répondre à son père étant arrivé face à lui. Rentre avec moi, c’est dangereux de rester ici.
— Tu ne comprends pas Baptiste, tu es encore trop jeune. Pars, je te rejoindrai bientôt. Il faut que j’y retourne.
— Non, commença à balbutier le garçon. Les pirates sont partout autour de nous, c’est dangereux de rester dehors. Je resterai tant que tu continueras de plonger.
— Il en est hors de questions, je te veux en sécurité là-haut ! s’emporta le père en pointant du doigt la montagne. Ils n’iront jamais jusque là-bas, tu seras en sécurité, le gouverneur veillera sur toi.
Le garçon regagna le chemin de sa maison, tandis qu’Honoré repartit en direction de la mer. Quelques éclaircissements opportuns dans le ciel lui permettaient de repérer quelques corps au loin, se faisant déporter vers une autre île de l’archipel. Les lanternes des bâtiments pirates paraissaient plus grosses aux yeux d’Honoré, se demandant si cela n’était pas une illusion créée par la peur, l’envahissant progressivement à mesure que la nuit avançait. Les mouvements dans l’eau se faisaient moins pertinent, plus lourd qu’au premier passage. La traction d’un homme avait commencé à l’affecter et l’empêchait de garder ses mouvements amples et rapides. Les étoiles se révélaient être une véritable bénédiction, comme si elles lui montraient la voie à suivre jusqu’à sa prochaine tâche.
A l’approche d’un nouveau corps, ce dernier commença à couler dans l’eau, à quelques mètres de la surface. Il prit une grande respiration, s’engouffra la tête en avant dans les profondeurs en quelques mouvements, avant de se retrouver entourer par un banc de poissons à la recherche de nourriture.
Il n’y voyait plus rien, agitant inlassablement les bras dans tous les sens pour se frayer un chemin. La lenteur de ses mouvements n’était pas une menace crédible aux yeux de la faune maritime, continuant ainsi de rôder autour du pauvre marin. Honoré, reconsidérant la situation, s’efforça de retrouver le corps à l’aveugle, en pensant pouvoir arrêter ce carnage en le sortant de l’eau. Après quelques dizaines de secondes, l’air commençait à se rarifier dans ses poumons, le forçant à remonter à la surface. En plus des pirates, même les poissons se mettaient au travers de son chemin, l’énervant suffisamment pour l’inciter à retourner plonger plus que jamais déterminé à préserver l’état physique du défunt. Les yeux brulants par l’eau salé, Il lui fallut quelques secondes d’adaptation pour repérer de nouveau le banc de poissons s’étant déporté plus loin dans les profondeurs, à la poursuite de l’homme. Quelques manœuvres suffirent à atteindre son niveau, à le prendre par le col de sa chemise, et le ramener à la surface.
Des cris se faisaient entendre depuis la plage, mais ne permettait pas de comprendre ce qui était dit.
— P… PAPA, hurla quelqu’un sur la plage.
« Quoi ?» se demanda-t-il dans sa tête. Il ne comprenait pas pourquoi il entendait la voix de son fils, censé être parti se réfugier dans leur demeure.
— Attention, les lanternes !
Par réflexe, Honoré se retourna rapidement, à la recherche des lanternes au loin. Elles avaient disparu. Comment ont-elles pu disparaitre ? s’étonna-t-il. Il pensait alors que les pirates les avaient éteintes pour éviter des contre-attaques nocturnes de la part des canons du fort. L’idée que le vent pouvait les avoir éteintes l’effleura également, mais paraissait déraisonnable qu’elles se soient toutes estompées en même temps, et cela ne correspondait pas à l’avertissement lui étant parvenu plus tôt.
— Au-dessus de toi ! emporta un courant d’air jusqu’à ses oreilles.
Les yeux impuissants, il remonta son regard, et constata un bateau voguant silencieusement juste au-dessus de lui. La coque du navire était à quelques centimètres de lui, et cela releva du miracle qu’il ne fût pas écrasé par ce dernier.
— Il y a du bruit dans l’eau, Capitaine.
— Encore des Français qui tentent de s’infiltrer ! s’exclama la deuxième personne avec une voix autoritaire.
Un coup de feu brisa le silence, se déplaçant sur la mer telle une brise, atteignant les oreilles de l’enfant tétanisé par l’effroi, les yeux écarquillés, le sang se glaçant peu à peu. Son cœur battait très fort, lui laissant l’impression de n’entendre plus que ses impulsions dans cette scène dont le calme régnait de nouveau en maitre.
— Débarquez tous, bande de vauriens ! hurla la même voix. Prenez tout ce que vous voulez, et pas de quartier !
Toutes les lanternes éclairaient à quelques mètres de l’enfant, et des dizaines de remous dans l’eau se faisaient entendre devant lui. Les pirates avaient débarqué et commencèrent leurs assauts. Ses membres étant toujours figés par la peur, c’était par instinct de survie, qu’il put bouger de quelques pas, jusqu’à atteindre un tonneau renversé, dont le couvercle était détruit en plusieurs morceaux. Il se jeta à genou, forçant de toutes ses forces pour enlever la plus grosse partie, afin de s’engouffrer dedans. Les pirates ne cessèrent de se rapprocher à mesure qu’il continuait ses efforts pour se frayer un passage.
— Tu sais pourquoi on voulait absolument attaquer cette île toi ? demanda une première voix dans l’obscurité, à quelques pas.
— On m’a juste dit qu’il y aurait beaucoup de trésors, répondit le deuxième homme. Pourquoi tu demandes ça maintenant ?
— Je trouve juste ça étrange qu’on ait perdu autant de temps à assiéger cette ville, alors que j’ai entendu que pleins de navires en provenance des colonies espagnoles transportent actuellement de l’argent. Quand on voit la flotte de notre coalition, c’est du gâchis de perdre notre temps ici.
— Pose pas de questions si tu ne veux pas énerver le Capitaine. Il n’aime pas trop les petits malins. Contente toi d’obéir aux ordres, et tu seras riche, répondit le deuxième dont le ton était craintif. Eh ! regarde ça, enchaina-t-il en tapant sur l’épaule de son compagnon d’arme. Un tonneau ! Ça commence bien, il reste peut-être un peu de rhum.
Les deux hommes s’en approchèrent et commencèrent à le remettre droit, à la recherche de la moindre substance pouvant assouvir leur soif.
— Tiens ? On dirait qu’il y a quelque chose à l’intérieur, se questionna-t-il en secouant le tonneau.
— Qu’est-ce que vous faites les deux ? interpella la voix glaçante, faisant de nouveau trembler de peur l’enfant. Dépêchez-vous d’aller à l’assaut ! Vous pourrez boire après, bande de vauriens.
Ils relâchèrent aussitôt le tonneau, surprenant le garçon qui ne put s’empêcher de sortir un bruit étouffé. Ils s’enfuirent en courant vers la bataille qui avait débuté en ville.
— Encore désolé, Capitaine, dit un autre homme en s’approchant. J’aurais dû attendre avant de tirer, mais je pensais vraiment qu’il allait replonger.
— On en reparlera après, tu veux ? s’énerva le Capitaine. Tu as failli foutre en l’air notre effet de surprise avec ton coup de feu. Si on a des pertes ce soir, tu en seras responsable.
Les voix disparaissaient progressivement dans un fracas ambiant insupportable aux oreilles de l’enfant. Après des semaines entières à écouter les martellement des boulets de canons s’écrasant sur les demeures des habitants, il devait désormais entendre les cris éclatants de ces derniers. Une bouffée de chaleur montait en lui, commençant à le faire transpirer de tout son corps et lui procurant des vertiges violents. Il s’empressa de sortir aveuglément de sa cachette, ne pouvant faire confiance qu’à ses membres pour se repérer. Ses bras retrouvèrent péniblement la sortie et le propulsa instinctivement en dehors, avant de vomir toutes ses tripes dans le sable.
— Papa ? balbutia-t-il en relevant la tête brusquement pour observer l’horizon. PAPA ! hurla-t-il.
Il essayait en vain de se remettre debout, perdant l’équilibre à chaque tentative. Ce n’était qu’après quelques essais fastidieux qu’il avait fini par perdre conscience.
— Voilà, vous connaissez mon histoire, reprit le prêtre, après avoir complétement retrouvé ses esprits. Je n’ai plus jamais revu mon père depuis ce jour.
— Mes condoléances mon Père, répondit Charles. Je me souviens avoir lu toutes les violences réalisées par cette coalition. On racontait que ce jour avait signé leur premier bain de sang et que ce n’était que bien des années après cela, que les armées continentales ont pu freiner leurs attaques.
— Certains de ces pirates agissent encore sur les mers, Capitaine, dit Jack en se brossant la barbe avec la main. Ils se font même très discrets, ils restent des cibles prioritaires pour toutes les armées naviguant dans le nouveau monde. On raconte qu’ils ont pu établir une liste noire de tous les membres grâce aux informations arrachées aux prisonniers.
— Oui, tu as raison, Jack. Il n’est pas rare de trouver encore des affiches sur certaines îles, indiquant les noms des pirates les plus connus et les récompenses qui leur sont associées. Je pense que justice a été faite depuis longtemps, mon Père. Désormais, il n’en reste plus qu’une poignée.
— Je ne cherche nullement justice, vous savez. Je prie chaque jour pour que tous ces crimes cessent, et voilà que cela repart de nouveau depuis quelques années. Vous ne m’apparaissez pas comme eux, Capitaine. Je prierai également pour vous et vos hommes.
— On s’en fout…
— Jack ! l’interrompt-il rapidement. Merci, mon Père, nous garderons le silence sur votre présence ici.
— Je vous remercie. Vous pouvez m’appeler Baptiste, Baptiste Desroches, dit-il en s’inclinant en guise de salutation.
Les premiers rayons solaires avaient commencé à réchauffer la ville de Skullwater depuis quelques heures quand le Capitaine et Jack avaient fini par rejoindre le Rose’s Revenge. La mauvaise nouvelle fut annoncée lors d’un rassemblement exceptionnel, où la majorité des membres de l’équipage furent complétement abasourdi par l’annonce de la mort de Robert. Tous les hommes présents sur le pont avaient pu le côtoyer au moins une fois pendant leurs initiations, et aucun n’avait jamais eu de mauvaises impressions à son égard.
Ce jour-là, l’équipage au complet avait gravit la montagne pour rendre hommage à leur compagnon.
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