Chapitre 14.2

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En dépit de la supériorité technique et physiques des officiers du Rose’s Revenge, leur nombre était un désavantage de taille. Pour un matelot du Capitaine Storm, il y en avait deux qui le tenaient en respect. Petit à petit, Charles et John purent sécuriser l’avant du vaisseau, créant un espace de repli pour les marins assiégés de toutes parts, mais ils perdaient du terrain sous le poids des lames adverses.

— Encerclez-les ! cria Barbegrise donnant toujours les consignes depuis le poste de pilotage, arborant un large sourire. Ils ne vont pas tenir longtemps !

— Barbegrise, hurla Charles en bloquant une attaque. Descends !

Il riait à gorge déployé en signe de réponse, prenant son pistolet à silex avant de le pointer dans leur direction. D’un seul plomb, il abattit l’un des matelots du Rose’s Revenge d’une balle chirurgicale dans la tête.

— Pourquoi descendre, quand je peux contempler la mort à petits feux de tes hommes ? répondit-il d’un air malsain, rangeant son arme dans son étui.

La tempête gagnant en intensité, le pont devenait de plus en plus glissant à cause de l’accumulation de la pluie s’abattant dessus. Le corps inerte du matelot fut éjecté hors du pont après le passage d’une vague importante, contraignant les autres pirates à s’accrocher à une partie du bateau. En effet, les conditions devenaient de plus en plus problématiques à mesure qu’ils s’approchaient de leur direction. Le peu de voiles restantes donnait très peu de mobilité aux deux navires pirates, subissant de plein fouets les éléments se déchainant sur eux. En plus de tenir dans un combat inégal, il fallait un très bon sens de l’équilibre pour suivre le rythme du roulis. La moindre manœuvre en avant pour se défaire d’un ennemi pouvait leur faire perdre l’équilibre avant que la mer ne les engloutisse s’ils n’avaient pas le temps de s’accrocher à un obstacle.

— Capitaine, restez derrière moi, cria John. Je m’occupe d’eux. Gardez vos forces pour leur capitaine.

John se débâta comme un animal féroce. Habitué depuis sa plus tendre enfance à naviguer sur les mers, il avait développé un bassin robuste pour s’accommoder de ses exigences extrêmes. Il s’entrainait tous les jours sur le pont pour devenir le bretteur le plus réputé et surtout montrer l’exemple aux autres matelots. Pour lui, devenir officier revenait à être et rester meilleur que les autres, tout en leur inspirant de la confiance à travers sa force physique et mental. Il se défit de plusieurs opposants en exploitant les mouvements réguliers de la houle, créant des brèches dans leur formation.

La tendance s’inversa sous le regard contrarié de Barbegrise. Les matelots du Rose’s Revenge arrivaient à garder leurs positions malgré quelques pertes, mais les exploits fournis par John et Simon maintinrent les troupes dans un bon mental. Le Capitaine interpella Jack, tardivement arrivé sur le pont.

— Jack, regarde là-bas, au fond, dit-il en montrant du doigt le bas des escaliers menant à la poupe du bateau. Je n’en serai sûr qu’en m’approchant, mais je crois que c’est l’assassin de Robert.

En bas de la barre, un homme à la jambe en bois observait le combat de loin. Visiblement handicapée par sa condition physique, il n’avait pas encore pris part au combat et se contentait de tirer des plombs quand l’occasion se présentait.

— Suis-moi, on y va.

Emboitant le pas au Capitaine, ils se dirigèrent vers leur cible. Occupé dans leurs combats respectifs, ils ne leur étaient pas aisé de s’immiscer jusqu’à lui, esquivant de part et autres les mouvements des autres pirates, y compris leurs alliés trop occupé à sauver leurs vies, lorsque deux marins ennemis leur bloquèrent le passage.

— Tiens, tiens, dit l’un deux. Comme une impression de déjà-vu, enchaina-t-il en donnant un coup d’épaule à son allié.

Instantanément, les deux hommes foncèrent sur Charles avec une attaque simultanée, large et puissante, qu’il parvint à éviter de justesse, pris de surprise. Ils enchainèrent leurs coups sans donner lui donner le moindre répit, le faisant inlassablement reculer sous la puissance des chocs.

— On a été mis aux fers plusieurs jours par ta faute, enfoiré ! dit l’un d’eux en mettant toute sa force sur son attaque, mettant à genou le Capitaine n’ayant pas tenu le contrecoup de sa parade.

— Vous méritez bien pire, grimaça Charles en se cramponnant la clavicule de douleurs. Je vais tous vous massacrer ! enchaina-t-il en se relevant, les lèvres pincées, la mâchoire crispée, bloquant de toutes ses forces l’attaque de son adversaire avant de la rediriger sur son allié, le forçant à désengager son épée.

Jack profita de l’occasion pour se glisser derrière Charles, et se rua sur l’ennemi l’arme brandit au niveau de son torse pour lui assainir un coup d’estoc dans l’estomac, l’accompagnant dans sa chute. A genou sur l’ennemi allongé au sol, Jack brandit à bras tendu son épée fermement au-dessus la tête, puis fendit l’air sans aucune hésitation. Les traits du visage déformés, son corps tremblait de maintenir la pression sur l’arme logé dans le cœur du marin.

— Et d’un ! pesta-t-il en crachant de tous ses poumons, les yeux noircis et le souffle coupé. Vous mourrez tous pour avoir assassiner Robert !

Dans une rage sans équivoque, l’autre ennemi se retrouva assiéger par la rafale de coups puissants et précis du Capitaine. Les claquements des lames s’intensifièrent sous un fracas détonnant d’éclairs s’échouant à la surface de l’eau. La gêne de la blessure de Charles l’empêchait de manipuler son arme comme il le souhaitait, en plus de réveiller la douleur jusqu’alors apaisée. Habituellement équipé de son pistolet à silex pour profiter des ouvertures, il avait dû se résigner à le laisser dans sa cabine dû à sa condition.

Même sous la pression, l’homme de Barbegrise arrivait à tenir le rythme dans le combat, il pouvait sentir toute son expérience. Si les autres étaient du même calibre, Charles eut le sentiment que les événements pouvaient mal tournés.

— Alors, Capitaine ? interrogea un matelot à la voix familière derrière lui, accroché à un cordage. On a dû mal ?

D’un rapide coup d’œil, il aperçut Simon assénant un énième coup fatal au malheureux ayant croisé son chemin.

— Ne m’en voulez pas, mais je passe devant, enchaina-t-il d’un regard joueur en courant sur la rambarde tel un équilibriste. J’ai une proie plus intéressante à chasser.

En un instant, Simon venait de les contourner et engagea une autre escarmouche. Peut-être était-ce par fierté, mais une flamme s’éveilla en Charles. Une flamme cicatrisant sa douleur, décuplant ses sens, raffermissant sa haine. Une attaque courte bloqué à temps par son opposant, avant qu’il ne bondisse d’un pas pour le frapper de son poing. La tête désarçonnée et les yeux plissés de douleurs, il fut incapable de voir la mort venir le faucher. Ils venaient de se défaire de deux des agresseurs l’ayant attaqué dans l’église de Skullwater.

— Jack, haleta le Capitaine en s’approchant de lui.

Jack était toujours immobile, surplombant le corps de son adversaire défait, le cou tendu, la tête vers le bas. Quand Charles vint lui saisir l’épaule, il tressaillit sur place, braquant son arme vers son Capitaine, le visage méconnaissable.

— Oh, c’est moi ! interpella Charles en reculant. Ressaisis-toi, il en reste encore un qui a participé au meurtre de Robert. Il reste l’estropié, dit-il en tirant sur sa chemise pour le relever.

Il pesait aussi lourd qu’un âne mort, impassible, à regarder le visage de sa victime.

— Je…je n’y arrive pas, balbutia Jack. Il ne reviendra pas, c’est ça ? demanda-t-il en relevant la tête vers Charles, les larmes coulant le long de ses joues.

— Je suis désolé Jack, répondit-il en s’agenouillant à ses côtés. La seule chose qu’il nous reste à faire est de le venger. Quoique l’on fasse, il nous regarde de là-haut. Relevons la tête, c’est ce qu’il aurait voulu.

— Vous avez raison, renifla-t-il en se redressant. Finissons-en une bonne fois pour toute.

— Il était temps ! s’insurgea Simon qui les couvrait depuis tout à l’heure. Ils se défendent plutôt bien ces capons. Mais leur Capitaine n’a pas l’air de vouloir lever le petit doigt.

En effet, Barbegrise était resté au même endroit depuis le début du combat, à regarder ses matelots se battre sans donner de consignes ni leur apporter son soutien. Il se contentait d’observer, le sourire en coin.

— Oui, restons sur nos gardes. Barbegrise est le capitaine d’une flotte de plusieurs navires. Ils peuvent recevoir du soutien à tout moment, répliqua Charles en jetant quelques coups d’œil à l’horizon brumeux.

La situation sur le pont du Hell’s Keeper n’avait pas fortement évolué. La plupart des matelots combattaient à force égale, ne donnant l’avantage à aucune des deux parties. Seuls quelques pirates ont pu se débarrasser de leurs ennemis, dont John et Simon. En face, une poignée de personnes posaient problèmes à l’équipage du Rose’s Revenge, mais ils furent contenus par les tirs de soutien de Thomas et de ses hommes. Jack et Charles continuèrent de progresser jusqu’à la cabine de Barbegrise. L’estropié attendait devant.

— Avant toutes choses, je me dois de te remercier, intervint ce dernier. Grâce à toi, et à cette jambe de bois, enchaina-t-il en tapant sur le plat de sa lame dessus. J’ai des avantages que tout autres pirates rêveraient d’avoir, et sans parler des basses besognes que je ne fais plus. Je n’irai pas jusqu’à dire que je vis une belle deuxième vie, mais elle m’est plus douce, finit-il en arborant un sourire provocateur.

— Compte sur moi pour réduire drastiquement ton espérance de vie cette fois, répondit Charles en braquant son arme dans sa direction. Je vais finir le boulot que j’ai commencé. Mais avant tout, pourquoi Robert ? Tu ne pouvais pas assouvir tes besoins sadiques ignobles sur un autre équipage, enfoiré ?

— Ah, soupira l’estropié. Je ne fais que suivre les ordres tu sais ? Et puis, entre nous, enchaina-t-il en baissant la tonalité de sa voix. Il parlait un peu trop, tu vois le genre ? grimaça-t-il. Je t’ai rendu service sur ce coup-là, ça aurait pu être quelqu’un d’autre qui aurait su pour votre petite chasse au trésor.

Furieux, Jack se précipita sur lui avant de se voir bloquer par Charles.

— Qu’a-t ’il dit ? interrogea calmement Charles. Robert était un vétéran, il n’aurait jamais trahi ma confiance. Que lui as-tu dit ?

— Les liens de l’amitié, enfin tu connais. Que s’il ne parlait pas, d’autres le feraient à sa place, à commencer par ses deux amis dans la taverne. Vous étiez tellement jovial que ça aurait été trop simple pour nous de tous vous cueillir un par un sans soupçonner un seul instant la menace reposant au-dessus de vos têtes.

— Robert, pauvre idiot… murmura Jack en cachant son visage derrière sa main.

— Je vois, réfléchit Charles. Tu auras eu un moment de franchise au seuil de ta mort. Je t’en remercie.

Charles s’approcha de lui en brandissant son épée. L’heure de la vengeance avait sonné et il pourrait enfin vivre l’esprit plus tranquille d’avoir condamner les assassins d’un de ses proches. « Le premier à être vengé » se dit-il.

Le courroux s’abattait sur l’estropié n’ayant pas pris le temps de relever son arme, alors qu’une large et grand lame d’épée vint s’immiscer entre eux. Sa taille était telle qu’elle ne devrait même pas être possible de pouvoir être brandir par un être humain.

— Je ne vais pas pouvoir te laisser faire ça, Capitaine de pacotille. Mes matelots ont encore beaucoup de choses à apprendre donc je vous laisse les combattre, mais mes officiers, c’est différent, dit une voix caverneuse dont l’ombre projetée sur Charles ne relevait pas du mauvais temps.

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