Echec n°1 : Le premier chapitre

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Ci-gît, feu le chapitre 1 de la réécriture. Pourquoi ne l'ai-je pas retenu au montage ? Eh bien parce que le ton n'est pas bon. Je l'ai écrit en ayant en tête une Mathilde sûre d'elle et affirmée. Faux. La Mathilde du début d'Équilibristes est timide, triste, fière et un peu plus dans la retenue que le monstre sauvage ci-dessous. Je vous laisse apprécier son langage des plus raffinés.

Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Faux. Patience et longueur de temps font chier, force et rage sont de très bon conseil. Rembarrer Vanessa, baffer Nina et foutre le feu à l'université n'a jamais été aussi tentant. Dans sa grande sagesse, Mathilde se retient. Calme et sérénité ; son mantra depuis une semaine. Mantra qui vole en éclat dès qu'elle lâche ses deux camarades pour s'évader en vitesse de la fac de droit. Vive la liberté !

Aurait-elle dû leur dire qu'elle n'en a rien à foutre de leur vernis à ongle ou de la dernière décision du Conseil d'État ? Peu de chance qu'on la prenne au sérieux; un regard sur son chemisier de grand-mère et sa jupe crayon aurait mis fin à la blague. Son costume d'étudiante parfaite. Un ticket d'entrée pour faire partie de la farce. Ne reste plus qu'à emprunter les traits d'un personnage, polir son jeu d'acteur et en scène, Mathilde ! Sa performance est toujours un succès. Pourquoi en serait-il autrement ? Ses parents l'ont voulue excellente, elle le serait. Et puis, son énorme cerveau doit bien servir à quelque chose.

Hors du théâtre de la connerie, le vent de septembre souffle sur le campus. Il se mêle aux longues boucles blondes de Mathilde qui se précipite chez elle pour changer d'attirail. Vite, vite ! Les murs étroits de son studio ne donnent pas envie de s'y éterniser. Ça tombe bien, elle n'en a pas le temps. Sa tenue de sport enfilée, elle claque la porte de son appartement. Ce soir, ses dissertations et autres devoirs stupides iront se faire cuire un œuf, elle a rendez-vous avec la vie !

Sac de sport sur l'épaule, elle gambade entre les grands immeubles de la ville derrière lesquels le soleil se meurt. Les derniers rayons ricochent sur les fenêtres des résidences étudiantes, les flaques d'eau jusqu'à lui brûler la rétine. Aveuglée par cet horizon brillant, elle n'en perd pas son sourire et trottine tout sourire, les yeux voguant sur les devantures des boutiques qui défilent autour d'elle.

Mauvaise idée.

Son plus grand ennemi, sa némésis est de retour. L'enflure la toise de toute sa hauteur. Les monticules de graisse plaqués par sa brassière, camouflés sous son survêtement, semblent plus gros que dans ses souvenirs. Ses hanches n'ont pas réduit leur largeur et c'est à se demander comment les muscles de ses cuisses n'éclatent pas les coutures de son legging. Dans son regard brille la volonté d'en découdre et le venin de la haine. Si l'idée de taper du ballon pendant deux heures ne la réjouissait pas autant, Mathilde aurait roulé des épaules et sorti les poings. Non. Pas d'affrontement aujourd'hui. Elle détourne la tête. Son reflet disparaît.

Son rival maléfique tente d'attirer son attention par de fugaces apparitions. En vain. Écouteurs enfoncés dans les oreilles, ses lèvres miment les paroles de la chanson et ses doigts pianotent dans l'air. Pas sautillant, sourire radieux. Elle se perd dans le solo de guitare, la voix de son chanteur favori l'emporte loin du champ de bataille.

Le volley-ball universitaire attire bien plus de personnes qu'elle ne l'aurait pensé. Voir la longue file d'étudiants s'étaler sur le parking du gymnase lui fait pousser un soupir de désespoir. C'est pas à ce train-là qu'elle arrivera à s'entraîner ! Tant pis. Ce sera l'occasion de s'essayer à la méditation. Alors qu'elle se glisse dans la queue avec l'entrain d'un chat face au véto, quelques personnes la dépassent en riant et se faufilent à l’intérieur du bâtiment. Pardon ? Et les pauvres hères poireautant sur le parvis, on s'en fiche ?

Sur le point d'attraper un de ces grugeurs par le col, elle remarque qu'une petite brune s'est postée à ses côtés. Froncement de sourcils. Les lèvres de l'inconnue bougent dans une tentative de communication. Qu'est-ce que… quoi ? Mathilde enlève ses écouteurs d'un geste brusque tout en lui jetant un coup d'œil perdu. Cela suffit pour que la nouvelle venue comprenne et se répète :

— Les anciens ont le droit de rentrer avant tout le monde, explique-t-elle en montrant du doigt le devant de la file. Monsieur Venner les connaît, il n’a pas besoin de vérifier leur carte étudiante. C’est ça qui prend autant de temps.

— Ce n’est pas la première fois que tu viens ?

— Oh non ! J’étais inscrite au badminton l’année dernière mais ça ne m’a pas trop plu. Trop de cardio… Je dois te faire une confession : je n’aime pas beaucoup suer. Alors, j’ai pris ce créneau de volley et une session de hand le jeudi. Comme ça, l’autre folle ne me collera plus aux basques ! Elle était absolument insupportable, j’ai cru que j’allais…

— Du hand ? Je me suis aussi inscrite à l'entraînement du jeudi. Peut-être qu’on s’y verra ! Je m’appelle Mathilde.

— Andréa, enchantée !

Pas besoin de poser des questions particulières ou de tenter un autre sujet, sa nouvelle connaissance alimente la conversation toute seule. Après s'être étendue sur le choc que représente l’université à la fin du lycée, elle lui raconte ses déboires au baccalauréat, la galère pour trouver un logement et celle de ne rien comprendre à ses cours de mandarin. Mathilde lui répond par des exclamations polies tout en surveillant discrètement sa montre. 18 h 10. À ce rythme, mourir d'ennui semble plus réalisable que toucher un ballon.

Arrive enfin le moment où elles franchissent les saintes portes du hall du gymnase. Mathilde laisse Andréa passer devant, espérant ainsi être débarrassée, pendant un temps, de ses jacasseries bruyantes.

La pipelette réussit haut la main le contrôle d'entrée puis disparaît dans les vestiaires. Soupir de soulagement. Espérons que les autres étudiants soient plus motivés à se dépasser qu'Andréa !

Attablé en plein milieu du couloir, M. Venner, le coach, a l'air aussi agacé qu'épuisé. Mathilde se risque jusqu'à lui. Qu'il arrête sa carrière ou explose en larmes restent des options valables considérant le regard désespéré avec lequel il surveille la file. Pourvu qu'il reste fort encore un instant, elle touche presque au but. Un coup d'œil à sa carte étudiante, une case cochée, il la gratifie d'un bref hochement de tête avant de crier « Suivant ». Hallelujah.

Sur les terrains, les filets sont déjà montés et les balles bleues et jaunes fusent à toute allure. L’envie de jouer rugit dans ses veines, son excitation la précite vers un banc où elle déchausse ses baskets d'un coup de pied. Elle va enfin jouer ! Depuis le temps qu'elle veut se défouler ! Ses chaussures de salle tout juste enfilées, un ballon heurte son tibia.

— Oups ! Pardon !

Un jeune homme se presse vers elle, la main en l’air. Quelques mèches azur se sont libérées de son chignon et collent sur son front luisant de transpiration. Il agite son bras couvert de divers tatouages, un sourire éclatant sur le visage. Mathilde fait rouler le ballon sous son pied avant de le prendre en main.

— Alors comme ça, on s’attaque aux pauvres nouveaux ? sourit-elle d'un air espiègle. Tu n’as pas honte ?

L’inconnu éclate de rire et elle ne peut que se joindre à lui. Elle lui rend volontiers son arme pendant qu’elle resserre ses lacets. Lorsqu’elle relève la tête, il est toujours là, ses yeux verts pétillants de malice. Elle arque un sourcil interrogateur.

— Je t’assure que je peux marcher.

Il acquiesce pensivement puis inspire d’un air dramatique :

— Tu es sûre de ne pas vouloir aller aux urgences ? tente-t-il avec une fausse moue inquiète.

— C’est vrai que j’ai au moins… deux fractures.

— Je paierai tes frais de santé.

— Trois fractures et une maladie incurable.

— Ton cercueil sera serti de diamants.

— J’aimerais me faire incinérer.

— Je m’occuperai des offrandes à jeter dans les flammes.

Mathilde se mord la joue pour contenir le rire qui monte dans son torse pendant que les fossettes du nouveau venu se creusent. Soudain, une exclamation déchire l’air tout près de son oreille :

— MATHILDE !

Andréa, le retour. Mathilde aurait pu se taper la tête contre un mur. Son partenaire de vannes absurdes recule d’un pas tandis que la boîte à paroles s’accroche à elle, des annecdotes d'innombrables mésaventures plein la bouche. Au secours. Le volleyeur devine qu'il vaut mieux s'enfuir et lui lance un clin d’œil :

— Bon voyage au paradis, chuchote-t-il d’un ton complice. Et merci !

Mathilde se fend d’un sourire crispé mais lui rend son œillade. Avec un gloussement discret, il se retourne s’échauffer à l’autre bout du gymnase. L'accompagner n'est pas une option avec une Andréa cramponnée à son avant-bras. Preuve de son immense patience, elle se libère sans violence de l'étreinte du poulpe volubile.

— C’était quiii ? demande la commère en zyeutant l’inconnu. Un gars de ta fac ? Il est vraiment pas maaal ! Tu as des vues sur lui ou je…

— Que dirais-tu d’aller prendre une balle ?

— J’aime pas transpirer…

Devant les yeux de chien battu de cette sportive en carton, Mathilde s'exhorte de ne pas s'énerver. Calme et sérénité. Foutre des balayettes aux chieuses ne leur donnera pas la volonté de se dépenser. Quand même, l'expérience reste séduisante. Soupir. Ballon sous le bras, prière pour les rotules d'Andréa, l'échauffement promet d'être fort en péripéties.

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