12 Savannah
J’aurais dû me douter que je ne pouvais pas lui faire confiance.
Assise au pied d’un arbre, au même endroit que la semaine dernière, je rumine ce qu’il vient de se passer en redessinant encore et encore l’initiale de mon ex au milieu d’un cœur avec un bâton. Je me hais tellement de m’être laissée avoir comme une bleue. Si je racontais cette mésaventure à Liam, il en rirait. Pas moi. J’en pleure. Jamais je n’oserai revenir au ranch, tout le monde doit bien se marrer de la frousse que j’ai eue. J’ai trop honte.
— La première lettre de mon prénom entouré d’un cœur, j’aime bien le concept.
En reconnaissant la voix d’Ashton, je ferme les yeux. S’il est venu pour enfoncer le clou, il peut repartir d’où il vient. Sa connasse de copine doit sûrement l’attendre pour se bidonner avec lui. Ce n’est absolument pas le moment de me faire chier. Je n’ai pas le cœur à entrer dans une joute verbale ni même la force. J’ai juste envie d’être loin d’ici, loin de tout. Et surtout très loin de lui. Quelque part, c’est tout de même sa faute si Harper m’a fait ce sale coup. Elle me l’a clairement dit en me traitant de chienne, prête à lui voler son mec. Comme si j’étais le genre de nana à sauter sur tout ce qui bouge. C’est si mal me connaître.
— Je t’ai connu plus bavarde, princesse.
Ce surnom me gonfle toujours autant. Malgré moi, j’ouvre les yeux pour lui lancer un regard foudroyant. Ses iris semblent ne pas perdre une miette des larmes qui roulent encore sur mes joues. Me montrer si faible devant lui me fout la haine. La moindre taquinerie de sa part et je suis persuadée que je pourrais exploser.
— Tu ferais mieux de dégager, Ashton !
Un sourire terriblement sexy ourle ses lèvres tandis qu’il enfonce ses mains dans les poches arrières de son jeans.
— Tu t’es enfin décidée à m’appeler par mon prénom, rouquine ?
— Ash ou Ashton, c’est du pareil au même. Tout ce que je te demande, c’est de virer ton cul d’ici !
Il jette un coup d’œil aux alentours, avant de reporter ses yeux de cendre sur moi.
— J’aime bien le coin, il y fait frais.
Mais, putain, qu’est-ce qu’il est lourd ! Ne peut-il pas comprendre que je veux seulement être seule ? Puis, Harper continuera à m’emmerder si elle nous trouve ensemble ! Excédée, je gribouille le cœur et la lettre, avant de bondir sur mes pieds.
— Pourquoi ne retournes-tu pas auprès de ta copine ? Vous pourriez vous marrer ensemble de ma trouille ! Ça t’a bien fait rire la fois où je me suis barrée à cause de Star.
Son haussement d’épaules me déstabilise. Pourtant, ma mémoire ne m’a jamais joué de tours. Je me souviens très bien de comment il s’est moqué de moi ce jour-là.
— Fous-toi de ma gueule, Ash ! Je m’en rappelle parfaitement !
— Ouais, c’est vrai. Et alors ?
Il ose me dire « et alors » ! Que croit-il que j’ai ressenti ce jour-là ? Je ne suis pas un être insensible, j’ai un cœur ! Je déteste qu’on se foute de ma gueule et c’est encore plus vrai depuis que Lea m’a menée en bateau en me laissant croire qu’elle serait ma sœur de cœur pour toujours alors qu’elle se tapait mon mec dans mon dos. N’y a-t-il pas pire comme foutage de gueule ?
D’un coup, tout se mélange dans ma tête. Aaron, Lea. Ashton, Harper. La colère grandit de plus en plus, s'infiltre dans chacune de mes terminaisons nerveuses. Tant bien que mal, je lutte pour ne pas la laisser m'envahir totalement. J'arpente l'espace devant moi en shootant dans les brindilles tandis que je sens peser sur mes épaules le regard d'Ashton.
— Et si c'était moi qui t'aidait à surmonter ta phobie ?
Estomaquée, je me stoppe net. Un rire nerveux quitte mes lèvres, avant que je fasse volte-face vers lui. Son visage marqué par la gravité m'indique qu'il est on ne peut plus sérieux.
— Pourquoi tu ferais ça ? Pour permettre à ta copine de continuer à me traiter de chienne ?
Je l'entends déglutir difficilement.
Sa main sur sa nuque, il baisse la tête. On dirait un petit garçon qui vient de commettre une bourde et ignore comment se racheter.
— Je ne suis pas forcément un mauvais type.
Il relève la tête pour planter son regard dans le mien comme s'il cherchait à me convaincre de sa sincérité. Incapable de détourner la tête, je me noie dans le gris de ses prunelles. À cet instant, je déteste ce qu'il me fait ressentir. Ce cœur qui rate quelques battements avant de se remettre à battre beaucoup trop vite. Ce feu qui se loge au creux de mon ventre. Ces frissons qui remontent le long de mon échine. Ce désir irrépressible de vouloir me jeter sur ses lèvres alors qu'il joue avec son piercing entre ses dents. Je hais tout ça.
Je détourne le regard la première afin de pouvoir me reprendre. J'ai déjà bien trop perdu en l'espace de quelques mois pour me permettre de me brûler les ailes.
— Personne ne peut m'aider !
Je lui tourne le dos et prie de toutes mes forces pour qu'il comprenne mon message. La discussion est terminée, je veux qu'il me foute la paix, qu'il se tienne loin de moi jusqu'à ce que je me casse d'ici.
Quand j'entends le craquement des feuilles sèches dans mon dos, je pense une fraction de seconde qu'il a compris qu'il est inutile d'insister. Manque de bol, et j'aurais dû m'en douter, il n'existe aucune entité au-delà du ciel. La main d'Ashton se pose sur mon coude et me retourne avec force dans sa direction. Je me retrouve collée à lui, le nez contre ses pectoraux, son bras dans mon dos. Sa délicieuse odeur qui me rappelle la force de l'océan, mélangée à celle du tabac, chatouille agréablement mes narines. De deux doigts sous mon menton, il me force à relever la tête dans sa direction. Ses iris alpaguent les miennes. Un long silence nous enveloppe alors qu’il semble livrer une bataille interne intense.
— Je ne sais pas qui tu es ni ce que tu me fais, princesse, mais je te promets de percer chacun de tes secrets avant ton départ, déclare-t-il en caressant mes lèvres de son pouce.
Sous sa délicate torture, j'entrouvre la bouche, comme un appel à venir y goûter. Et c'est ce qu'il fait avant même que je n’ai le temps de dire ouf. Son baiser lui ressemble, il est aussi brut que lui. Nos dents s'entrechoquent sous la force qu'il y met. J'empoigne son t-shirt sans savoir si je dois l'attirer un peu plus près ou le repousser. Il plante ses dents dans ma lèvre inférieure. Une délicieuse brûlure se répercute dans tout mon corps et un gémissement quitte ma gorge. Sans me laisser le temps de respirer, il lèche ma langue, en suçote le bout, avant que nos piercings entrent en contact. Métal contre métal, je me liquéfie. Jamais un mec ne m’a embrassée comme lui. C’est intense, euphorisant, grisant. Tout à la fois.
Essoufflés, nous nous détachons légèrement afin de remplir à nouveau nos poumons d’air. Son front se pose contre le mien. Un léger sourire ourle ses lèvres et le rend terriblement craquant. Une bulle nous enveloppe. L’espace-temps semble s’être figé. Plus rien ne compte si ce n’est ce mec terriblement sexy, même les piaillements des oiseaux et le murmure du vent ne parviennent plus jusqu’à moi. Il n’y a plus que lui. Lui. Et encore lui. Je voudrais qu’il m’embrasse une nouvelle fois et qu’il me fasse plein de choses avec sa langue, ses doigts et cette partie de son anatomie que je sens encore tendue contre mon ventre. L’eau me vient à la bouche quand j’imagine le goût de sa peau sur ma langue.
— Jamais je n’ai bandé aussi fort, m’avoue-t-il sans me lâcher du regard.
J’ignore ce qui se passe à ce moment précis, mais mon cerveau reprend le contrôle sur mon corps. Comment ai-je pu le laisser m’embrasser ? Lui et moi, c’est impossible. Je ne suis pas une briseuse de couple, je ne le serai jamais. Sans qu’il ne s’y attende, je le repousse avec force. Ses yeux s’arrondissent, sûrement surpris de ma réaction.
— Ce qu’il vient de se passer – je nous désigne tour à tour de l’index – n’aurait jamais dû se produire ! Jamais je ne volerai le mec d’une autre ! Va retrouver Harper et ne t’approche plus jamais de moi.
— T’en avais envie autant que moi ! Je suis peut-être un connard, mais pas un salopard ! Jamais je n’embrasserai une fille de force. Alors, tu peux croire ce que tu veux, me demander de me tenir loin de toi, cependant, tu sais aussi bien que moi que tôt ou tard, on finira par baiser ensemble. Notre désir est trop fort.
Je ferme les yeux pour qu’il ne puisse pas lire dans mon regard que je lui donne raison sur toute la ligne. Quand je les rouvre, je suis déterminée à lui faire capter le genre de filles que je suis. Et pour ça, je suis prête à me servir de ce à quoi il semble tenir comme à la prunelle de ses yeux, sa bécane.
— Quand, j’étais dans le rond de longe, tu m’as demandé ce que je foutais là-bas.
Je laisse passer un blanc pour l’observer. Il hoche la tête et m’invite à poursuivre d’un signe du menton.
— Ta bécane était en jeu.
À sa grimace, je vois qu’il est paumé, mais que déjà l’idée qu’on puisse y toucher lui déplaît au plus haut point.
— Si j’acceptais que Harper m’aide, elle devait te convaincre de me laisser faire un tour dessus.
— Suffisait de me demander.
Je pouffe, il est si loin de la vérité.
— T’as pas compris. Ta bécane, ma liberté, tu piges ?
L’information semble mettre quelques secondes à s’ancrer dans son cerveau.
— Tu voulais me la voler ?
L’air hagard, il secoue la tête.
— Ouais. Pour rentrer à L.A. et retrouver Liam.
J’ignore ce qu’il se passe dans sa tête, mais en deux temps, trois mouvements, je me retrouve plaquée contre le tronc d’un arbre, son corps tendu contre le mien, un regard noir plongé au fond du mien. D’un coup de genou, il écarte mes cuisses. Mon pouls s’affole. Complètement à sa merci, il peut faire de moi tout ce qu’il désirera.
Sa bouche s’abat avec fureur sur mes lèvres, comme s’il cherchait à me punir d’avoir eu l’idée de lui piquer sa moto. J’ai à peine le temps de réaliser ce qu’il se passe que sa langue s’enfonce dans ma bouche. Je fonds totalement sous son baiser torride.
— Toi et moi, on n’en a pas fini. Quant à ma moto, oublie de suite ton idée, sauf si tu veux que je te punisse.
Pourquoi ce mot envoie une telle décharge électrique entre mes cuisses ?
Et comme si mon imagination n’était pas assez fertile, il déboutonne mon jeans sans que je ne lui oppose la moindre résistance, glisse sa main sous la barrière de tissus qui recouvre mon intimité, pince mon clitoris et laisse ses doigts descendre le long de ma fente.
— Sens à quel point tu mouilles pour moi !
Mon Dieu, il va me tuer ! Un gémissement franchit mes lèvres avant qu’il ne s’arrache à la douce torture qu’il me prodigue.
Foutues hormones !
Sans me quitter de son regard lubrique, il porte ses doigts à sa bouche et les lèche avec une telle sensualité que j’en perds le fil de mes pensées.
— T’es délicieuse, rouquine. J’ai hâte de te goûter, me souffle-t-il de sa voix rauque.
Et sur ce, il me laisse en plan, totalement pantelante.
— Je te hais, Ash ! grogné-je.
Sans même s’arrêter, il passe la tête par-dessus son épaule pour me lancer un sourire triomphant.
Va en enfer, Ashton !
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