27. Savannah

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Depuis notre week-end, le lien qui m'unit à Ashton n’a fait que se renforcer. Notre complicité s’est encore accrue et ça se ressent dans nos heures de travail. Je suis heureuse. Vraiment. Après le coup que m’a fait Aaron, je ne pensais pas pouvoir l’être à nouveau avec un mec et surtout, je n’en avais aucune envie. Parfois, je suis envahie de doutes quant à ce qui nous attend à la fin de la semaine prochaine, cette relation à distance inéluctable me fout la frousse. Mais Ash me rassure en permanence, me rappelant sans cesse que ce n’est que pour quelques mois et qu’on se verra aussi souvent que possible. Il a raison, L.A. n’est pas si loin que ça après tout. Puis, avec mon entrée à l'université, je ne devrais pas voir le temps passer. Si on m’avait dit à mon arrivée dans ce ranch que j’en repartirais avec le cœur gonflé de sentiments pour le palefrenier, je ne l’aurais jamais cru. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je me remémore nos premiers échanges du début. 

— T’as l’intention de passer ta journée à sourire niaisement ou tu vas finir par remplir ce seau ?

Au son de la voix de Harper, arrogante, je descends de mon petit nuage et me tourne vers elle. Son air machiavélique ne me dit rien qui vaille. Depuis son retour, elle prépare un sale coup, je le sens gros comme une maison. Elle veut me séparer de mon mec, je le sais, ça se voit. Hier, alors qu’ils étaient partis ensemble en ville, elle a tenté de le séduire à nouveau. Ash l’a recalée  méchamment. Quand ils sont revenus, elle est passée à côté de moi et m’a bousculée avec force. J’en suis tombée sur le cul. Elle n’accepte pas qu’entre eux ce soit terminé et que je n’y suis pour rien. 

— Si tu trouves que je ne vais pas assez vite, tu n’as qu’à le faire ! répliqué-je, hargneuse, en collant le seau contre sa poitrine.

Et sans demander mon reste, je retourne dans l’écurie. Ashton est occupé à nettoyer le box de Riper. Au moment où il m’entend pester, il relève le menton et tourne la tête dans ma direction. Sa ride du lion se creuse, certainement inquiet de me voir dans cet état d’énervement. En un claquement de doigt, il est là, devant moi, à observer mes poings s’ouvrir et se fermer.

— T’as perdu le seau ? C’est pour ça que t’es aussi énervée ? 

Il tente de plaisanter, mais sa blague tombe à l'eau. 

— Ton ex m’a soûlée ! grogné-je.

Comme s’il pouvait la voir d’ici, il fixe l’entrée. Ses traits se tendent, lui aussi ne supporte plus l’attitude de Harper. 

— Laisse tomber, souffle-t-il. Viens, suis-moi, j’ai une idée qui devrait t’aider à te détendre.

Il attrape ma main et m’entraîne à sa suite dans la partie supérieure qu’il a emménagé lors de son arrivée ici. À l’endroit même où nous avons fait l’amour pour la première fois. Il s’assoit sur le lit, les jambes écartées. Ses mains se plaquent sur mes fesses afin de me rapprocher au plus près de lui. Son érection se colle à ma cuisse. Son idée, pour me faire oublier ma courte confrontation avec Harper, me plaît beaucoup. Énormément, même. 

— Tu sais que je ne te tromperai jamais, n’est-ce pas, princesse ?

Oui, je le sais, il n’arrête pas de me le répéter depuis qu’elle est revenue et je lui fais confiance, même si quelques fois, je peine à ne pas mélanger ma nouvelle histoire avec l’ancienne. Aaron aussi me promettait monts et merveilles au début de notre relation. Plutôt que de m’aventurer sur ce chemin glissant, je me penche vers Ash. Nos visages ne sont plus qu’à un souffle l’un de l’autre quand il me fait basculer sur lui. Surprise, je lâche un petit cri qui le fait rire. Entendre ce son si mélodieux réveille les papillons dans mon ventre. D’un coup, il cesse et son visage se peint de gravité. Je plonge dans ses yeux qui me promettent tellement de choses à cet instant. Je n’ai pas le temps de le voir venir que ses lèvres sont déjà sur les miennes. Il me goûte avec tendresse avant que nos langues ne viennent se mêler l’une à l’autre. Ses doigts glissent sous mon haut et me font frémir. D’une main, il caresse mon dos tandis que la seconde part à la conquête de ma poitrine. Désireuse de plus, je retire les fringues qui encombrent mon corps sous son regard de plus en plus avide. Ash se redresse pour venir goûter mes seins qu’il aime tant.

— Sav, t’es là ? Y a un mec qui veut te voir ?

Ash me repousse légèrement en entendant parler Kyle. Il me regarde avec suspicion, comme si j’y étais pour quelque chose. Pourtant, je ne vois absolument pas qui pourrait être mon visiteur. 

— Sérieux, ne dites pas que vous êtes encore en train de baiser tous les deux !

Comme à son habitude, Kyle nous chambre. Pourtant, depuis le week-end dernier, il sort avec Sarah. D’ailleurs, mon mec ne se gêne pas pour lui rendre ses railleries chaque fois qu’il le peut.

— On se rejoint en bas ! 

Le ton de mon copain n’admet aucune répartie, alors je me contente de hocher la tête. Il déteste que d’autres gars me tournent autour et je suis certaine que c’est pour ça qu’il a tenu à descendre le premier, il veut voir qui me rend visite. Espérons que ce ne soit pas Sam, mais si ça avait été lui, Kyle nous l’aurait certainement dit. Je m’empresse de remettre mon soutif et mon t-shirt, puis descends tout aussi vite. Quand je sors de l’écurie, je bugue une très longue seconde. Les frères Davis se tournent autour, comme des animaux près à défendre leur territoire. Que fout Liam ici, putain ? Pourquoi tient-il à me voir ? N’a-t-il pas compris qu’il n’y aurait plus rien entre nous ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête alors que mes neurones tentent de se reconnecter les uns aux autres. Le poing de mon mec s’abat sur le nez de son cadet au moment où je prends réellement conscience de ce qui se trame ici. 

— Comment as-tu pu me faire un tel coup, salopard ? Je suis ton frère, putain de merde ! beugle Ash sur le point de donner un nouveau coup. 

Liam lève les bras devant lui en signe de protection. Il ne protestera pas. Dans son regard, je peux lire, même à cette légère distance d’eux, combien le plus jeune s’en veut. Moi, par contre, je ne comprends rien à rien.

— J’avais pas le choix. J’te jure que si j’avais pu, je l’aurais dénoncé, mais ses potes m’attendaient au tournant.

— Dégage de ma vie, avant que je te tue !

— Je ne suis pas là pour toi, mais pour elle, fait Liam en donnant un coup de menton dans ma direction. Elle m’a demandé de venir la chercher.

— Quoi ? s’étonne Ash qui fait écho à mon propre étonnement.

Les deux portent leur regard sur moi tandis que je secoue la tête, totalement ahurie par ce que je viens d’entendre. 

— Dis-lui, Sav, que tu m’as supplié de venir te chercher, parce que tu n’en peux plus d’être ici.

— Ne l’écoute pas, Ashton ! Il ment. Je ne lui ai pas parlé depuis le jour où tu m’as dit de le bloquer. 

Il se tourne vers moi, puise ce dont il a besoin dans mon regard avant de se confronter à nouveau à son frère.

— Va pas me faire gober n’importe quoi, connard ! J’ai confiance en Sav.

— Ce n’est pas n’importe quoi ! J’te jure. Tiens, regarde. Elle me l’a envoyé hier.

Et pour prouver de quoi il parle, Liam sort son téléphone dernier cri de sa poche. Pendant qu’il fait défiler je ne sais quoi sur son écran, Ash regarde par-dessus son épaule. Il blêmit à vue d’œil. Quand il relève la tête, mon cœur se brise. Ce qu’il a lu vient de mettre un terme à notre relation.

— Dégage de ma vie, Cortes ! Tu m’écœures. 

Ses mots ne font que confirmer ce que j’ai aperçu dans ses sombres prunelles. 

— Je te jure que je ne lui ai pas parlé.

Ses mâchoires se crispent.

— T’as la mémoire courte, princesse, crache-t-il avec dégoût. C’est écrit texto que tu ne pouvais plus supporter d’être ici et que ton petit jeu avec moi commençait à t’ennuyer ! Et pour couronner le tout, tu lui as dit que tu l’aimais ! 

— Non, non, non. Je ne sais pas d’où ça vient, mais je te jure que ce n’est pas moi.

Je réfléchis à vive allure. Qui a bien pu écrire ça ? 

— Harper ! Je suis sûre que c’est elle.

Il se met à rire, mais cette fois ça n’a plus rien de mélodieux, c’est un rire glacial qui me tétanise sur place.

— Vous ne valez pas mieux l’un que l’autre. Allez crever, tous les deux ! 

La boule qu’il fait naître dans ma trachée m'empêche de respirer. Je refuse qu’entre nous ce soit terminé. Je dois me bouger, il le faut si je ne veux pas le perdre. Pourtant, mes pieds sont scellés au sol tellement la douleur me broie de l’intérieur. Je le regarde s’éloigner en direction de l’écurie où son ex l’attend avec un grand sourire angélique. Cette image me donne la claque mentale dont j’ai besoin et la force de me bouger jusqu’à lui. Ma main se pose sur son bras. D’un geste brusque, il se dégage de mon emprise. Il ne voudra rien entendre, je le lis clairement sur ses traits.

— Ne me touche pas, princesse. Tu me files la gerbe.

Encore une fois, il vomit mon surnom comme il le faisait au début de notre rencontre. 

— C’est toi que j’aime, Ash. Je te jure, crois-moi.

— Menteuse ! éructe-t-il. J’en ai la preuve, alors fous-moi la paix ! De toute façon, toi et moi, ce n’était qu’un jeu, n’est-ce pas ? Tu t’es bien éclatée, maintenant c’est terminé !

— Non, Ash… S'il te plaît… Tu dois m’écouter.

Il me dévisage avec froideur. 

Où est passé son regard qui me couvait de son amour il y a à peine cinq minutes ? J’ai tellement mal de le voir si distant. Si seulement, je savais comment lui faire entendre raison.

— Un dernier deal, rouquine ?

Devant son regard rempli de haine, je ferme les yeux. Je sais que j’ai déjà perdu, comme toujours, et que si j’accepte d’entrer dans son jeu, il va me blesser comme personne avant lui. Même pas Aaron. Tout simplement, parce que je l’aime encore plus que mon ex. Quand je rouvre mes paupières, mes larmes glissent lentement sur mes joues. Je secoue la tête pour refuser son foutu deal. 

Le temps d’un soupir, son expression change devant ma détresse. Cependant, il se reprend tout aussi vite et part rejoindre Harper. Elle lui sourit, lui parle et moi je reste là, bouillonnante de rage devant les gestes tendres qu’elle se permet envers lui. Il ne la repousse même pas. 

Une main se pose sur mon épaule et je m’efforce à quitter la scène d’horreur pour porter mes iris sur celui qui se permet ce geste envers moi. Kyle.

— Je suis parti pisser. Tu peux m’expliquer ce qui se passe, là ? C’est qui lui et pourquoi Ash se laisse toucher par Harper devant toi ?

— C’est fini.

— Quoi ? s'étonne-t-il.

— Ash et moi, c’est terminé, sangloté-je.

J’ai à peine le temps de finir ma phrase que Kyle rejoint son pote. Il lui donne un coup de coude dans le bras pour attirer son attention. D’ici, je n’entends pas ce qui se dit, mais aux expressions du moniteur, je sais que ça ne lui plaît pas du tout.

— Fous-moi la paix, putain ! tonne Ash. Elle n’est plus rien pour moi !

Et l’autre garce se colle un peu plus à lui en affichant un air de triomphe. Puis, elle se tourne vers lui, sans me quitter du regard, se hisse sur la pointe des pieds et pose un baiser à la commissure de ses lèvres. Le manque de réaction d’Ashton me soulève l’estomac. Pourquoi ne la repousse-t-il pas ? Pourquoi me fait-il ça ? La bile remonte mon œsophage, brûlant tout sur son passage. Je vais mourir si je ne pars pas rapidement d’ici. Impossible,pour moi d’attendre que ma tante se libère ou que ma mère vienne me chercher. De toute façon, tel que je la connais, elle refusera direct, en me rappelant que je suis là jusqu’à la fin des vacances. J’aurais beau la supplier, elle ne reviendra pas sur sa décision. J’ai trop déconné, j’en ai conscience.

— Ramène-moi à L.A.,ordonné-je à Liam sans aucun scrupule à son égard.

— Je suis là pour ça, ma belle, me répond-il en m’invitant à prendre place derrière lui sur sa moto.

Durant les deux heures que durent le trajet jusqu’à la Cité des Anges, je ne fais que pleurer sur mon amour perdu. Il est là dans ma tête, dans mon cœur. Je sens encore son odeur tout autour de moi alors que mes mains sont accrochées au cuir de son cadet. Pourquoi la vie est-elle aussi injuste envers moi ? Qu’ai-je fait de mal pour avoir un si mauvais karma ? Pourquoi n’ai-je plus le droit de sourire depuis que papa s’est éteint ? Mes larmes redoublent d’intensité au moment où Liam se parque devant l’entrepôt qui lui sert de refuge. Il me tend une main pour m’aider à descendre, mais d'un signe de la tête je refuse qu’il me touche.

— Je te l’avais dit qu’il te pourrirait la vie.

— Tout va, c’est de ta faute ! explosé-je en claquant son casque contre son torse.

— Je n’y suis pour rien. Ce n’est pas moi qui…

Je ne l’écoute pas, préférant m'éloigner de lui le plus vite possible. Je ne peux pas rester, le voir me rappellerait forcément son aîné. Ils se ressemblent tellement. 

— Sav, tu vas où comme ça ?

Je continue à avancer sans un regard en arrière.

— Savannah ! Putain, qu’est-ce que tu fous ?

Non, je ne peux pas. Même me retourner sur lui est au-dessus de mes forces. Je dois m’enfuir, loin, très loin, afin de retrouver un peu de souffle.

Je déambule à travers les rues de ma ville, le cœur en vrac, sans vraiment savoir où mes pas me mènent. Sans même le vouloir, j’atterris devant chez Leah. Elle me manque. J’hésite un instant à frapper à la porte, avant de me décider à tracer mon chemin plus loin. Même si mon cœur n’est plus à Aaron, je ne suis pas encore prête à leur pardonner cette trahison. 

Quelques minutes plus tard, je débarque chez Callie et, cette fois, je toque. Sa mère, une jolie femme d’une quarantaine d’années, m’accueille sourire aux lèvres. Son visage se referme à l’instant où elle voit mon désespoir.

— Callie est dans sa chambre, m’indique-t-elle en me désignant les escaliers sur sa gauche.

Elle se décale légèrement pour me laisser passer. Je grimpe les escaliers dans une lenteur exagérée. La raison ? J’ai l’impression d’étouffer à chaque pas que je fais. Arrivée à l’étage, je pousse la porte de la chambre de ma meilleure amie. Allongée sur son lit, un casque sur les oreilles, son ordi sur ses genoux, elle ne me voit pas immédiatement. Lorsque ses yeux se posent sur moi, elle se lève d’un bond et se précipite vers moi.

— Oh, mon Dieu, Sav. Qu’est-ce qu’il y a ?

— C’est fini, sangloté-je

— Je ne sais pas ce que tu racontes, mais viens là.

Elle m’ouvre ses bras dans lesquels je me réfugie immédiatement et je pleure encore et encore tout contre elle avant de m’endormir, sur son lit, épuisée par toutes ses émotions.

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