37. Savannah/Ashton
Savannah
Depuis que nous nous sommes retrouvés, Ash ne me quitte plus, même si entre nous, ça se résume à des baisers appuyés ou des nuits à dormir dans ses bras. Notre histoire ressemble à celle de deux adolescents qui apprennent à se découvrir. Je sais qu’il voudrait plus et je dois admettre que ma libido me titille de plus en plus chaque jour. Cependant, j’ai besoin de temps, d’être certaine de ne pas y laisser encore une partie de moi. Ce qu’il a très bien compris. Alors, on avance, à mon rythme, sans brûler les étapes cette fois. Puis, il a aussi ses propres démons à affronter. Je ne veux pas être simplement celle qui comble le manque de sa mère, de son frère et de son père de substitution.
Les gloussements des filles m’informent sur son entrée dans la salle d’entraînement. De toute façon, même sans ça, je l’aurais deviné. Il suffit qu’il pénètre dans la même pièce que moi pour ressentir des milliers de picotements sur tout mon épiderme. Faisant abstraction de sa présence qui me met dans tous mes états, je continue à donner des coups dans le sac de frappe. Son parfum embaume mes narines avant même qu’il ne se colle à moi et remonte ses doigts jusqu'à mes poignets.
— Tes mains étaient encore mal placées, souffle-t-il avant de me voler un baiser dans le cou.
D’un sourire par-dessus mon épaule, je le remercie. J’attends qu’il s’éloigne un peu avant de frapper le sac.
— Bien mieux.
— Eh, Ashton, tu peux me montrer à moi aussi comment placer mes poings.
En entendant cette voix de crécelle, je me stoppe net et porte mon regard sur cette brune aux formes bien plus avantageuses que les miennes. La voir minauder devant lui me fout en rogne, encore plus quand il lui répond qu’il arrive.
— Sois pas jalouse, rouquine. Je vais juste faire mon rôle de coach.
Et comme s’il tenait à me rassurer, il pose un léger baiser sur ma joue, avant de claquer sa main sur mes fesses. Indignée, je laisse échapper un petit cri, tandis que, fier de lui, il part retrouver cette fille, un air canaille qui m’est destiné sur son visage d’ange. Pendant qu’il lui parle, je ne rate aucun de leurs gestes. Si mon mec se montre digne d’un pro, ce n’est pas le cas de cette nana qui cherche à l’allumer sans aucune discrétion. Les dents serrées, j’essaie de faire abstraction de cette jalousie qui tente de s’insinuer dans chacun de mes pores.
— J’espère que tu as conscience que mon pote est dingue de toi.
Surprise par la voix de Jamie, je cesse de mater cette nana qui me débecte pour pivoter vers lui.
— Je déteste juste qu’on le prenne pour un morceau de viande ! répliqué-je bien assez fort pour que le vacarme dans la salle cesse d’un coup.
Jamie éclate de rire. Non, mais, sérieusement, comment peut-il se foutre de ma gueule ?
— Tu vas cesser de te marrer ! J’aimerais bien t’y voir si des gars draguaient…
Je n’ai pas le temps d'achever ma phrase que des bras musclés me retournent d’autorité. Les lèvres d’Ash viennent s’emparer des miennes avec avidité. Je m’enflamme aussi sec, oubliant tout ce qui vient de se produire. J’ai l’impression qu’il me donne l’occasion de marquer mon territoire sur lui, pour que les autres cessent de baver lorsqu’elles le voient. Mon bas-ventre est en feu. Mon sang en ébullition. Je vais finir par me liquéfier s’il continue à m’embrasser de la sorte.
— Je crois que mon pote vient de te prouver que les autres meufs ne l’intéressent pas, me taquine Jamie.
Essoufflée, les joues brûlantes, je mets un terme à ce baiser à contrecœur. Ash me plaque contre son torse comme pour me protéger du regard des autres. Son menton repose un long moment sur le sommet de mon crâne. Notre silence est apaisant. Seul le brouhaha de la salle qui a recommencé à s’agiter me rappelle que nous ne sommes pas que tous les deux*(rep tous les 2).
— Alors, comme ça, les autres me matent comme si j’étais un morceau de viande ?
Je relève la tête, juste assez pour que son regard s’ancre au mien. Son sourire en coin me donne des palpitations. Sait-il à quel point il est beau et irrésistiblement sexy ?
— Hmmm, hmmm. Mais pas le genre de viande avariée, si tu vois ce que je veux dire. Plutôt le meilleur morceau de l’étal du boucher et elles seraient prêtes à se ruiner pour pouvoir, ne serait-ce, qu’en avoir un bout.
À ce souvenir, il explose de rire. Lorsqu’il retrouve son sérieux, il enroule une de mes mèches rebelles autour de son index tandis que ses yeux me couvrent de tendresse et d’amour, je crois.
— En tout cas, t’as pas à être jalouse. Depuis que t’es rentrée dans ma vie, je ne vois que toi. T’es comme un putain de soleil qui m’aveugle en permanence.
Devant sa déclaration, j’attire son visage vers le mien pour poser un doux baiser sur ses lèvres.
Il m’observe plusieurs secondes, l’air très sérieux. J’ignore ce qui se trame dans son crâne, mais ça a l’air important.
— J’ai un truc à faire et j’ai besoin que tu viennes avec moi maintenant.
— Quoi ? m'étonné-je. Mais le cours vient tout juste de commencer.
— Je te donnerai des cours privés si tu veux. Mais, tout de suite, j’ai juste envie de te prouver que je veux vraiment avancer.
Dans l’incompréhension, je fronce les sourcils
— Tu veux qu’on aille dans ma chambre ?
Son air coquin me laisse croire que j’ai vu juste.
— J’adore l’idée, mais ce n’est pas ça. Va te changer et rejoins-moi devant ma bécane.
Perplexe, je le regarde s’éloigner en direction de Jamie sans effectuer le moindre mouvement. Quand ce-dernier hoche la tête en m’observant, je décide de bouger et de me rendre jusqu’aux vestiaires. Je me douche très vite, sans même prendre le temps de laver mes cheveux. Puis, je renfile en quatrième vitesse mes fringues et rejoins mon copain sur le parking. Appuyé contre le siège de sa moto, un casque à la main, l’autre près de lui, il ne manque aucun de mes pas. Son sourire de prédateur me donne la chair de poule. Ma libido s’enflamme de nouveau. Comment croit-il que je vais pouvoir lui résister s’il continue à me dévorer des yeux ?
Dès que je suis à sa hauteur, il glisse son bras dans mon dos et m’attire contre lui. Le baiser qu’il me donne est d’une telle volupté que je fonds comme un iceberg sous le réchauffement climatique.
— Tu m’as manqué.
— Euh... ça fait à peine dix minutes qu’on s’est quittés.
— Ouais, ben c’est déjà dix minutes de trop. Si je pouvais, je te garderais avec moi en permanence.
Sa déclaration me touche. Mes lèvres se posent au coin des siennes dans une infinie douceur. On reste plusieurs secondes, minutes peut-être même, dans notre bulle à nous transmettre tous nos sentiments à travers nos prunelles. J’ai l’impression d’être dans une brèche spatio-temporelle où plus rien ne peut m’atteindre si ce n’est son amour pour moi. Sa main caresse ma joue. Je lui souris. Non, mieux, je ronronne carrément. Sans même s’en rendre compte, il soigne chacune de mes cicatrices. Peu à peu, il répare ce qui a été brisé à la fois par Aaron, mais par lui aussi.
Même si ça me coûte, je mets fin à ce moment de tendresse.
— On devrait peut-être y aller.
Se reconnecter à la réalité semble lui être difficile. Il secoue la tête, glisse une main dans ses cheveux, puis me tend le deuxième casque que je m’empresse de mettre sur ma tête.
Ashton
Ce que je m’apprête à faire, je le fais pour elle. Je veux me libérer de toutes ces chaînes du passé pour pouvoir l’aimer comme elle le mérite. Je veux lui prouver que je suis prêt à me battre contre chacun de mes démons, contre cette peur de l’abandon qui me fait souvent vriller. Et pour ça, je dois aller me confronter à Liam. Sa trahison est celle qui m’a le plus blessé. Certes, j’en veux encore à ma mère, à Greg, un peu aussi, mais avec eux je ne pourrais rien y changer. Mon entraîneur était malade depuis des années, je ne l’ai appris que dernièrement en tombant sur sa femme. J’aurais préféré qu’il me le dise, mais c’était son choix, son combat. Enfin bref, je m’égare un peu là. Mon objectif, c’est mon frangin. Je dois à tout prix colmater la brèche qu’il a créé dans mes tripes pour pouvoir avancer avec l’amour de ma vie. Je mets peut-être la charrue avant les bœufs, pourtant rien ne me semble plus évident que de me réveiller chaque matin à ses côtés jusqu'à la fin de mes jours.
Il ne nous faut pas longtemps pour rejoindre l’entrepôt dans lequel il crèche. J’ai à peine coupé le moteur que je sens Sav se crisper dans mon dos. Elle sait où on se trouve, ça ne fait aucun doute. Je ne préfère pas songer à ce qu’elle a pu foutre ici avec lui, faute de devenir barge avant même d’avoir franchi la porte.
— Pourquoi tu m’as amenée ici ? me questionne ma jolie rouquine alors que nous descendons de ma bécane.
J’enlève mon casque et l’aide à retirer le sien, avant de lui répondre. Ce moment de silence me permet de chercher les mots que je vais utiliser pour lui expliquer mon idée.
— Seul, je ne parviendrai jamais à lui parler. Je me connais, je vais lui rentrer dans le lard, parce que je le hais. Mais pour avancer, je dois comprendre ses motivations. Peut-être qu’elles n’étaient pas intentionnelles ou alors…
Je hausse les épaules, dans le flou le plus total. Et c’est, malheureusement, ce qui me retient en arrière, dans la douleur de m’être fait trahir par mon propre frère.
— Quoi qu’il ait à te dire, je serai là, mon cœur. Tu n’es plus seul.
Elle pose sa main sur ma joue et je viens m’y lover, profitant de cet instant de répit avant d’aller affronter la tornade qui m’attend derrière la porte.
— Tu sais, chaque fois qu’il me parlait de son frère, je voyais bien que ça le faisait souffrir. Même s’il m’a toujours dit que tu avais disparu, je voyais bien que c’était plus profond que ça.
Un léger rictus déforme mes lèvres. J’ai confiance en elle, mais j’ai du mal à croire que Liam ait pu souffrir de ce qui m’est arrivé. Raison de plus pour en découdre le plus vite possible.
Je toque à la porte et nous attendons patiemment qu’on vienne nous ouvrir. Comme rien ne se produit, après deux très longues minutes, je réitère mon geste. Toujours personne pour nous ouvrir. Comme un con, je finis par me rappeler que ma clé est toujours accroché à mon trousseau.
— T’es sérieux, Ash ? T’avais la clé !
Comme un gosse pris la main dans le sac, j’affiche un air contrit. Incrédule, Savannah secoue la tête, avant d’exploser de rire. Je la regarde se marrer, complètement et irrémédiablement sous son charme. Quand elle finit par s’en rendre compte, elle me désigne la porte d’un signe du menton.
— Ben, alors, ouvre-la !
— Oui, chef ! Bien chef !
Cet instant de décompression m’aide à aller jusqu’au bout de ma démarche.
En passant l’entrée, je réalise très vite que Liam n’est pas là. Fais chier ! Je grogne dans mon coin de frustration tandis que Sav part à la recherche de je ne sais quoi.
— Ash !
À mon nom, je me calme aussitôt et pivote vers elle. Elle tient une feuille dans sa main qu’elle tend dans ma direction.
— C’est pour toi. Il y a ton nom dessus.
Je m’active aussitôt pour aller récupérer ce papier. Quand je le déplie, il ne me faut pas trois plombes pour reconnaître l’écriture dégueulasse de mon cadet.
« Hey mec !
J’espère qu’un jour, tu tomberas sur cette lettre. Tu sais que ce n’est pas mon fort d’écrire, alors je vais aller à l’essentiel. Faut que tu saches que si tu tiens cette feuille, c’est que j’ai fait ce que j’aurais dû faire le jour où tu t’es fait arrêter. Si tu savais comme je m’en veux. Putain, je n’arrive même pas à t’expliquer pourquoi j’ai fait ça. J’ai trop honte. J’avais trop la trouille qu’on me tombe dessus.
Je sais que tu me hais, mais que tu arriveras quand même à me pardonner quand tu seras blanchi, même si j’ai mis deux putains d’années à franchir le pas. Je crois que de perdre Sav m’a remis les pendules à l’heure. Putain, t’imagines, on crachait tous les deux sur l’amour et ces conneries et pourtant on est tous les deux tombés amoureux de la même meuf.
J'espère que tu la retrouveras. Moi, je laisse tomber le combat. Elle mérite un mec comme toi, pas un looser comme moi.
Un jour, je te retrouverai grand frère et je souhaite de tout mon cœur que ce jour-là, tu auras réussi à me pardonner.
À bientôt Ashton »
Médusé, je porte un regard rempli d’incompréhension sur Sav. Lorsqu’elle réalise que je perds pieds, elle se précipite vers moi, m’arrache la feuille des mains et lis les quelques lignes écrites par Liam.
— Ton frère ne t’a pas abandonné, il a juste mis longtemps à réaliser son erreur. Tu crois qu’il est en prison ?
Je hoche la tête tandis qu’une larme roule sur ma joue, bouleversé par le geste de mon frère. Sans plus un mot, elle me prend dans ses bras et me serre contre son cœur. Sa présence me fait du bien, me rassure même. J’ai besoin des effluves de son parfum, tout comme de son souffle sur ma peau. Elle est l’élément essentiel à ma vie.
Il me faut encore plusieurs minutes pour réaliser amplement ce que cette lettre a comme signification pour moi. Je vais être enfin lavé de toute cette histoire. Je vais pouvoir souffler pour de bon et vivre ma vie comme je l’entends. Cette fois, je suis vraiment libre !
— Viens avec moi ! m’exclamé-je en l’entraînant dans mon sillage vers ma bécane.
Devant ma très bonne humeur, Sav sourit, même si elle semble me prendre pour un débile profond. Mais, je m’en fous, je suis libre ! Putain, ouais, je suis libre ! Libre de tous mes démons. De mon putain de passé. Libre d’aimer la femme que je me suis choisi. Libre. Libre. Libre.
— Mais, on va où ? me questionne-t-elle en posant son casque sur son adorable petite tête.
— Faire la fête avec des potes que je n’ai pas vus depuis un bail !
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