Quand quelque chose me tracasse, j’écris. J’écris des lettres. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours fait ça. Bien sûr dans la plupart des cas je ne les envoie pas. Elles restent là, Elles viennent grossir la pile de lettres jamais envoyées. Parfois j’imagine que lorsque je disparaîtrais quelqu’un les trouvera et tissera mon portrait au fil de ses lectures épistolaires.
Finalement, toutes ces lettres écrites ne demandent qu’une seule chose. Être lues ! J’essaye alors d’imaginer ce que tu ressentira lorsque un matin ordinaire, tu trouvera dans une vieille boîte cette enveloppe. Une enveloppe qui ne ressemble à aucune autre. Une enveloppe froissée à force d’avoir été trimbalée avant d’être postée.
Pourquoi hésite-t'on si souvent ? Pourquoi les lettres ne partent pas toujours ? Parce que le plus souvent, en tous cas pour ma part, elles sont notre reflet, elles nous décrivent. Ecrire une lettre c’est un peu comme se mettre nu. C’est dire à l’autre, voilà un peu de moi, voilà comment je suis parfois, voilà ce que tu ne vois pas.
J’aimerais que tu prennes une pause avant de continuer ta lecture. Sans doute, es-tu à cet instant en train de fouiller ta mémoire, pour deviner qui peut bien t’écrire tout ça. Tel que je te connais tu ne regarderas le destinataire qu’une fois la lettre entièrement lue.
Maman est morte il y a cinq ans maintenant, pour toi peut -être un peu plus. J’ignore la date à laquelle tu recevras cette lettre. Le souvenir de sa mort toujours tangible ! Incrusté dans ma chair et dans les pores de ma peau. Les mois qui ont précédé son décès, enracinés dans ma mémoire. C’est un peu comme un mauvais film qui tourne en boucle. Parfois, je voudrais mourir moi aussi, puis je me souviens de la douleur que l’on ressent lorsque l’on reste, lorsque l’on voit les autres mourir.
Si tu reçois cette lettre aujourd’hui, c’est qu’il m’a semblait utile de te rappeler la chose la plus importante qui soit lorsque la peur nous tétanise. La peur n’empêche pas le danger et quand elle paralyse, quand elle fait plus de mal que de bien, alors il faut se réveiller. Où en es-tu depuis la dernière fois ? Comment la gère tu cette garce qui te faisait ramper sur le sol parce que trop occupé à cogiter sur ton sort ? Est-ce que tu continues de penser que ce sera mieux après ? J’espère sincèrement que tu n’as pas fait tout foirer.
Je me demande dans quel état tu te trouves, maintenant que tu as lu cette lettre que tu as écrite quelques années plutôt ? Pleure-tu ? Est-ce que cela te fait sourire ? Me maudis-tu comme je maudis parfois l’adolescente que nous étions ? Il est évident que maintenant tu te souviens.
C.
3 septembre 2018