PROLOGUE
« Tout commence par : “Il était une fois…“ »
Un piètre écrivain.
Déjà le jour a laissé place à la nuit. Je n’aurais jamais pensé faire un si long voyage. Le train vient d’entrer en gare, me voilà dans le pays qui m’a vu naître.
***
Dans la matinée, alors que j’attendais ma correspondance, gare de Lyon, au kiosque à journaux, je me suis acheté ce roman dont tout le monde parle. À en croire les médias, il est délicieusement écrit et vous procure une immense joie après l’avoir lu.
Avant l’entame de ma lecture, comme à chaque fois que je me procure un roman, une jouissance non-verbale me transporte. Une exultation intérieure m’occasionne un sourire béat. J’ai là, entre les mains, ma drogue, ma dopamine version papier.
Je suis comme un enfant devant son jouet, une envie irrésistible de lire me pousse à dévorer le roman d’une seule traite. Le titre est un fol excitant, une promesse que je ne peux en rien garder pour moi seul, pourtant je me tais. Il est poétique, onirique et m’invite à la rêverie : « Au cœur de l’océan coule une rivière ».
« J’ai pris rendez-vous avec cette histoire, me dis-je, j’en suis convaincu. Tout m’a conduit vers ce roman. Il n’y a point de hasard. Le destin nous a fait nous rencontré ». Il est venu l’heure de le lire. Et avec lui, l’espoir de faire un bon et agréable voyage.
Seulement ce ne fût pas le cas.
La faute au roman que je lus sans y prendre du plaisir. Il me parut aussi ostentatoire que son titre. Dès lors, je me posais la question de savoir comment naît un titre de roman, celui d’un roman de gare.
Encore un de ces livres écrit par ce piteux dramaturge qui fait la une des magazines littéraires pour ces romans d’amours dont les lecteurs raffolent pour ses effets, un brin fantastiques.
Rien que de le voir en photo sur la quatrième de couverture me donne l’envie de déserter mon pays.
Pour qui se prend-il ce charlatan avec ses cheveux longs ondulés et sa barbe trop bien soignés ? Pour Jésus-Christ version 2.0 ? Si j’en avais le pouvoir je le crucifierais sur le champ des auteurs à exécuter. Certes, sa mort sera pénible mais pas autant que ma lecture de ce jour. Qui sait, avec un peu de chance, demain sonnera l’heure de sa résurrection.
Bref, ce roman m’a tenu compagnie pendant ce trajet tardif.
***
Depuis quelques jours, je suis d’humeur inégale. Un trouble s’est emparé de moi, la solitude me pèse. Je dois être souffrant. Le temps que j’ai passé à voyagé pour entreprendre mon combat à travailler tout au long de ma vie, je le paye désormais en soufflant mon harassement pas après pas.
J’ai demandé à mon chauffeur de m’attendre dans la limousine sur le parking de la gare d’Arras. Ce n’est pas le protocole habituel. Le cérémonial veut que lorsque je voyage seul, je sois accompagné d’un ou deux garde du corps et qu’Ismaël m’attende sur le quai. Seulement, je suis certain qu’aucun de mes fans ne viendra me demander un autographe ou un quelconque selfie. Je suis méconnaissable.
Lorsque je monte dans la voiture, Ismaël me regarde. C’est la première fois qu’il me voit ainsi, le visage et le crâne imberbe. Il doit me prendre pour un fou. Il ne le dit pas mais il n’en pense pas moins.
−Je vous conduis chez vous, Monsieur ?
−Non, pas ce soir. Pas cette nuit. J’aimerais que vous me conduisez à cette adresse.
Je lui tends un papier avec la destination à suivre, celle avec l’adresse de mes parents.
***
Il est venu l’heure de me mettre à l’abri. C’est là, dans la maison mon enfance, loin de la foule agitée, que j’hypnotise ma pensée. Aussi, je dis à ceux qui me liront : « Ce soir, mes amis, bienheureux celui qui saura me faire vaciller de mon piédestal. J’ai la force d’une armée.
−Vraiment ? s’interrogent, lecteurs et lectrices.
−Oui, car une nouvelle écriture va bientôt naître.
−Alors, allez au Diable ! Bientôt vous mourrez ! » scandent, lecteurs et lectrices.
***
J'admets, je ne peux plus reculer devant le devoir de mémoire qui m’incombe. La tâche est à la hauteur de mon ambition et c’est seul, sous la voûte céleste étoilée d’une planète chaleureuse, par de-là la fenêtre de mon bureau, que je scrute au lointain le cimetière militaire d’Ablain-Saint-Nazaire. Si bien que, je vois poindre la nécropole nationale de notre dame de lorette. Là, j’ai pour seul compagnon le silence des défunts, mes valeureux guerriers. Commence alors à jaillir sur le papier, les premiers mots de mes confessions : « Suis-je romancier ? » Un ballet d’émotion me submerge. Vraiment ? Suis-je romancier ? Encore, le doute s’invite dans mes écrits, en rien je ne suis libre d’inventer. Un mal m’ordonne de me taire, d’écrire des sottises. Un élan de bravoure me souffle le contraire.
Aux lecteurs, je suis sur le point d’exaucer votre plus grand souhait : rédiger mes mémoires. Celui d’un écrivain qui croyait, enfant, à l’amour. Voici mon dernier récit.
« Vous serez tout de moi : l’Écrivain de roman de gare ».
Adolphe Valentin.
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