l'approche - 4
À leur retour, les quatre audacieux sont entourés, tous leurs compagnons se montrant avides des résultats de leurs observations. Qu’ils soient vivants en étonne plus d’un ! Seule une poignée se désintéresse de leur visite. Takalo fait signe de s’asseoir en demi-cercle, indiquant à Mananjara, et Bakoly de les rejoindre en son centre. Le silence se fait. Mihanta, la tête basse, semble absent. Devant le vide, Takalo se sent obligé de raconter leur visite, oblitérant l’atmosphère troublante qui les avait accueillis. Mihanta est étonné de la précision de ses observations, qui restent factuelles. Lui a ressenti beaucoup plus. Justement, il a besoin de se recueillir, de mettre de l’ordre dans ses pensées, car il devine une chose importante, encore inatteignable. Le récit de Takalo s’étire, car des traductions sont nécessaires, entrainant des questions. Ravo et Nahary sont originaires des terres basses, celles au bord de l’eau. Ils connaissent la navigation et les bateaux, employant des noms inconnus de Mihanta. Ils parlent de cette embarcation en construction, si différente des pirogues à balancier.
Takalo tourne son regard vers Bakoly, l’invitant à donner son point de vue. Elle approuve les propos entendus. Elle les complète par la description de ces individus en haillons, paraissant peiner à la tache, hirsutes et barbus. Elle ajoute leur respect absolu pour leur chef, un homme ascétique, incapable d’un sourire. Ces hommes partagent la même misère qu’eux. Elle se tait, cherchant ses mots pour conclure :
— C’est bien qu’ils partent.
Mihanta comprend immédiatement le sens de ses paroles, ce que lui a aussi perçu, sans parvenir à l’exprimer : tous ces hommes la fixaient, attirés par sa nubilité éclatante, au-delà de son amaigrissement. Parmi toutes les femmes présentes, seules deux ne sont pas dans ce cas. Ils avaient repoussé les assauts, mais bientôt, la pression serait incontrôlable. S’ils se trouvent tous serrés sur le même bateau, il ne se passera pas une demi-journée avant un charivari incontrôlable, entrainant la perte de tous. Est-ce pour cela que le chef blanc les a exclus ? Il hésite, car ne connaissant pas ces tribus, il n’est pas certain de ce qu’il a décelé dans ses yeux : regrets, excuses, tristesse ? Même pour un des siens, il aurait eu un doute. L’homme au regard sévère avait alors été pris d’un flot de paroles, montrant le dessin, la construction, comme pour se justifier de les laisser sur l’ile.
Mananjara, comme à son habitude, ne dit que deux mots. Tous attendent la suite. Quand Mihanta entend le silence, il relève la tête. Il n’est pas prêt, il n’a pas fini ses pensées, mais complète brièvement :
— Les Fotsy vont partir. Ils construisent un immense waka, reprenant le mot de Nahary. Nous resterons sur cette ile. C’est bien ainsi ! Nous savons que lorsqu’ils nous emmènent sur leur sambo, rien de bon ne nous arrive.
Les rumeurs et les réactions mélangent soulagement et inquiétude. Aucun ne trouvant de réponse, l’assemblée se disloque.
— Mihanta…
L’interpellé se retourne vers Takalo
— Tu avais raison, il fallait aller les voir. Tu es plein de sagesse et de courage.
Mihanta sent que Takalo veut aller plus loin, tout en cherchant à le respecter. Il prend les devants :
— Takalo, je ne sais pas quoi en penser, ce qu’il faut faire. Si je trouve, nous en parlerons tous les deux, puis avec les autres.
Takalo hoche la tête. Il ne peut deviner que Mihanta vient de lui parler comme il parlait avec Fenosoa. Personne ne le remplacera jamais, mais trouver de la compréhension chez un garçon comme Takalo lui apporte un peu de paix.
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