6. Le roi des mers - 3/4
Ethan contemplait l’horizon sans aucun signe de terre aux alentours. Il se demandait si le monde des sorciers était aussi vaste que celui qu’il connaissait. Peut-être que l’école possédait des ouvrages de Géographie qui répondraient à son interrogation. Quoi qu’il en soit, il envisageait déjà de découvrir ce nouvel univers une fois ses études terminées.
Il observait le bateau fendre les flots, le regard dans le vide, depuis maintenant plusieurs heures et autour de lui, rien d’autre que de l’eau à perte de vue. Il n’avait pas imaginé que le voyage serait si long. Il devait certainement exister un portail magique qui menait à un village plus proche de l’école.
Ethan n’avait pas vu beaucoup de garçons et de filles de son âge sur le navire. Peut-être que tous les élèves de Castel-Lapis ne s’y rendaient pas forcément de cette manière. Et il ne pouvait pas leur en vouloir. Bien que le voyage fût agréable, le temps commençait à devenir long.
Au moment où il se faisait cette réflexion, un garçon, aux cheveux blonds, coupés courts, plutôt mince et portant des lunettes rondes sur son petit nez pointu, arriva en courant juste à côté d’Ethan et se vida l’estomac par-dessus la barricade. Manquant presque de, lui aussi, passer par-dessus bord. Lorsqu’il eut fini, il releva sa tête et jeta un coup d’œil rapide à Ethan qui l’observait avec préoccupation.
— Tu vas bien ? s’inquiéta ce dernier.
— Excuse-moi, répliqua le jeune garçon très pâle et l’air gêné. C’est la première fois que je prends le bateau. Je crois que j’ai le mal de mer.
— Ah, euh, très bien, répondit Ethan sans trop savoir quoi dire.
— Toute cette eau qui bouge sans arrêt, je ne sais pas comment tu fais pour ne pas avoir la nausée.
— Peut-être que ce serait mieux si tu restais à l’intérieur ? lui proposa Ethan avec un sourire rassurant. Ne pas regarder l’eau remuer te donnera moins le mal de mer.
À cette seule pensée, le garçon se retourna vers la barrière et vomit à nouveau. Ethan détourna les yeux, il avait le cœur bien accroché, cependant voir quelqu’un dégobiller n’était pas une expérience très agréable. Cela ne supprimait pas le bruit pour autant.
— Je suis vraiment désolé, se fondit en excuse le jeune garçon. Je devrais peut-être m’éloigner.
— Ce n’est rien, tu ne peux pas le contrôler.
Le jeune garçon l’observa avec gratitude. Il parut hésiter un instant.
— Je m’appelle Nate, se présenta-t-il finalement en tendant une main tremblante à Ethan.
Ce dernier ne savait pas vraiment s’il devait la serrer en retour. Cependant, il avait l’air mal à l’aise et semblait fournir un effort particulier pour lui adresser la parole. Il n’avait aucune envie de paraitre impoli, alors il la serra.
— Moi, c’est Ethan.
Le silence s’installa à nouveau. Le jeune garçon lui jetait de rapides coups d’œil de temps en temps. Il avait la sensation que Nate voulait discuter avec lui, mais ne paraissait pas oser engager la conversation.
— Tu pars en voyage ? le sonda Ethan avec un sourire encourageant.
— Oui, répliqua simplement Nate. Enfin, non. Pas vraiment.
Ethan leva un sourcil interrogateur.
— Je me rends dans ma nouvelle école.
— C’est vrai ? Moi aussi.
— Tu vas à Castel-Lapis ? s’enquit Nate avec ravissement.
Ethan acquiesça et remarqua que le nouveau venu se détendait peu à peu.
— Je ne pensais pas recevoir ma lettre, mais ça a été un gros soulagement quand elle est arrivée. Je veux dire… je travaille beaucoup, pourtant ça n’a jamais l’air suffisant pour mes grands-parents. Je crois que ma mère et mon père aussi commençaient à s’inquiéter de n’avoir aucune nouvelle des écoles dans lesquelles ils m’avaient inscrit. Ils m’auraient certainement mis à la porte si je n’avais été accepté nulle part.
En apercevant l’expression de stupéfaction sur la figure d’Ethan, un sourire se dessina sur son visage et il ajouta :
— Je rigolais bien sûr, mes parents ne feraient jamais ça. Enfin… je crois.
Nate semblait timide, néanmoins il se révélait être de très bonne compagnie une fois un peu plus à l’aise.
— Quoiqu’il en soit, cela a été une énorme surprise de découvrir que c’était une lettre de Castel-Lapis. Tout le monde était fou de joie, tu aurais dû les voir. Enfin, sauf papi et mamie. Ils passent leur temps à se plaindre de toute façon.
Son teint vira au vert, il serra violemment la barrière et se pencha en avant, cependant il s’agissait d’une fausse alerte. Son mal de mer ne l’empêchait, en tout cas, pas de plaisanter.
— J’ai remarqué qu’il y avait une infirmerie à bord, ils pourront peut-être faire quelque chose pour toi, avança Ethan.
— Oui, je crois que je vais écouter ton conseil et que je vais rentrer. C’était sympa de te parler. J’espère qu’on se recroisera. À plus tard.
Il se détourna de la barrière et se dirigea vers le grand-mât d’un pas peu assuré.
Ethan resta là, à contempler l’eau pendant de longues minutes et se mit à frissonner. Cela faisait maintenant presque quatre heures qu’Ethan avait quitté le port d’Eterna. Le soleil commençait à décliner et la température diminuait rapidement. Par chance, il avait eu la bonne idée de garder un pull avec lui. Il entreprit de l’enfiler et s’arrêta en plein geste lorsqu’une voix lança derrière lui :
— Tu devrais aussi prendre ta robe de sorcier, d’après mon frère nous sommes presque arrivés.
Ethan termina de mettre son pull en vitesse et se retourna. C’était le garçon qu’il avait bousculé plus tôt sur le quai. Et lui revêtait bien une robe de sorcier noire.
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