8. Un dîner somptueux - 1/4
Ethan reprit ses esprits quelques instants plus tard. Il n’ouvrit pas les yeux tout de suite et tendit plutôt l’oreille. Des voix familières résonnaient autour de lui.
— Vous n’allez pas chercher de l’aide ? s’enquit Derek.
— Laissons-lui un instant, choisit plutôt le professeur Tarr. Il respire, il n’est pas en danger pour le moment.
— Oui, enfin il s’est fait foudroyer tout de même, maugréa Derek avec mauvaise humeur.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Nate. Ça s’est déjà produit auparavant ?
Tarr n’eut pas le temps de répondre, Ethan avait ouvert les yeux. La salle était plongée dans la pénombre. Le halo de lumière avait disparu. Seules trois petites sphères jaunes, qui flottaient près de l’enseignant, permettaient d’y voir quelque chose.
Ce dernier était penché sur le corps d’Ethan, accompagné de Derek et Nate. Tous l’observaient avec inquiétude. Il se frotta machinalement les yeux et tenta aussitôt de se relever.
— Doucement, doucement, le retint le professeur. Comment te sens-tu ?
— J’ai un peu mal à la tête, mais ça pourrait être pire, j’imagine.
— Tu es sûr ? insista Derek. Tu as reçu une sacrée décharge quand même.
— Je vais bien, assura Ethan. Je me sens tout à fait normal. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, voilà tout.
— J’aimerais pouvoir te répondre, déclara le professeur Tarr, mais je l’ignore. Je me renseignerais auprès de la directrice, elle en saura probablement plus que moi.
Une curieuse odeur de brulé régnait dans la pièce. Ethan se redressa en douceur, ses oreilles bourdonnaient encore et sa tête tournait un peu. Il baissa les yeux pour s’examiner et prit soudainement conscience que son bras, touché par le halo lumineux, fumait à travers sa robe de sorcier, qui elle était intacte. Il remonta sa manche et constata que la vapeur n’était pas la chose la plus étrange. Bien qu’il n’eût aucune séquelle, sa marque de sorcier avait bien été activée durant la cérémonie.
Seulement, celle-ci ne ressemblait en rien à celle des autres élèves. Elle s’étendait de son épaule jusqu’au bout de ses doigts et avait pris la forme de spectaculaires éclairs noirs zébrés. Ethan leva les yeux vers ses deux camarades.
— Difficile de passer inaperçu maintenant, leur dit-il ironiquement.
— C’est la marque la plus incroyable que j’ai jamais vue, déclara Derek visiblement très impressionné.
— Je n’ai jamais vu ça, renchérit Nate. Je ne pensais pas qu’elles pouvaient être aussi grandes.
Ethan comprit, en croisant le regard du professeur Tarr, que sa marque était tout ce qu’il y avait de plus anormal. Il gardait le silence et étudiait son bras d’un air abasourdi.
Les élèves, que Leah tentait de rassurer depuis la perte de connaissance d’Ethan, essayaient de se rapprocher pour savoir ce qu’il se passait. Quelques « Ooooh » s’élevèrent du groupe lorsqu’ils observèrent le bras de ce dernier. Avant qu’ils ne commencent à poser des questions, Tarr et Derek aidèrent Ethan à se remettre sur ses pieds.
— Je devrais t’accompagner à l’infirmerie, lui conseilla le professeur. Tu rejoindras les autres pendant le banquet une fois que madame Neda t’aura ausculté.
— Je me sens bien, vraiment, assura Ethan qui s’était suffisamment fait remarquer à son goût. J’ai fait perdre assez de temps à tout le monde.
Tarr fronça les sourcils un instant puis acquiesça. Il se retourna vers le reste des élèves.
— Bien, commença-t-il, le sourire aux lèvres. Il semblerait que nos deux clans soient maintenant au complet. Vous devez savoir que chaque clan est dirigé par un professeur en particulier. Vous pouvez donc aisément deviner que je m’occupe d’Hydro grâce à la couleur de ma robe de sorcier. Pour vous, Pyro, ce sera le professeur Lighton qui gardera un œil sur vous.
Ethan redescendit la manche de sa robe pour cacher sa marque. Cependant, l’on pouvait toujours la distinguer clairement sur sa main. Seth l’observait avec froideur tandis qu’il se replaçait dans son groupe en compagnie de ses nouveaux camarades.
— Bah voyons ! Faisons comme s’il ne s’était rien passé, grommela un des garçons de Pyro.
Le professeur Tarr toisa les élèves de Pyro.
— L’un de vous souhaite-t-il se manifester à nouveau et décrocher le record de la retenue obtenue la plus rapidement ? s’enquit-il d’une voix glaciale.
Les élèves d’Hydro regardèrent leurs camarades de Pyro avec amusement, mais aucun d’eux n’osa ouvrir la bouche.
— Bien, maintenant que la répartition des classes est terminée, nous allons nous rendre au banquet de rentrée, reprit-il. Suivez-moi.
Tous lui emboitèrent le pas et quittèrent, un à un, la salle de cérémonie. Lorsque le dernier étudiant fut sorti, les portes en or massif se refermèrent et disparurent aussi rapidement qu’elles étaient apparues.
Aussitôt furent-ils dehors qu’un brouhaha de conversation et d’éclat de rire parvint jusqu’à leurs oreilles. Le vacarme provenait de la grande salle qui se tenait derrière l’arche de pierre vers laquelle Namirion était parti, plus tôt, prévenir la directrice de leur arrivée. Ethan se tourna vers Derek :
— Comment cela se fait-il que nous n’ayons pas entendu ce raffut depuis la salle de cérémonie ? demanda-t-il stupéfié.
Derek réfléchit un instant, mais Leah le devança :
— C’est pourtant évident, non ? Nous sommes dans une école de magie, je vous rappelle. Il va falloir s’habituer aux choses étranges.
Ethan s’interrogea quelques secondes puis hocha la tête, satisfait de la réponse. Après tout, elle n’avait pas tort.
Ils continuèrent de suivre Tarr jusqu’à l’ouverture. À mesure qu’ils approchaient, Ethan pouvait distinguer deux tables interminables dressées en forme de « U » qui s’étendaient sur toute la longueur de la vaste pièce où se déroulait sûrement le banquet de rentrée.
D’un côté de la salle, des élèves, assis face à face, arboraient des robes de sorcier rouges, de l’autre les étudiants étaient vêtus de bleu. Ethan devina alors que les clans avaient été séparés pour le repas.
Ils arrivèrent aux abords de l’immense salle et le vacarme assourdissant des discussions des élèves fit soudainement place à un silence de plomb. Un mutisme inattendu qui se révélait intimidant pour les nouveaux venus. Tous les yeux se tournèrent vers eux.
Ethan put mieux apprécier la grandeur de la pièce qui s’offrait à lui. L’ambiance qui y régnait était radicalement différente de celle du hall d’entrée. Aux quatre coins des murs se trouvaient d’énormes chênes qui avaient percé le sol dallé pour s’élever le long de l’architecture. Un autre chêne, encore plus imposant que ses congénères, trônait majestueusement au centre de la salle. Les arbres se rencontraient par le biais d’un entremêlement de branches qui rendaient le plafond impossible à distinguer.
De larges globes jaunes étaient placés dans celles-ci, en hauteur, ce qui permettait un éclairage doux et harmonieux. Du lierre grimpant avec d’impressionnantes feuilles avait pris possession des murs, prenant cependant soin de ne pas occulter les grandes fenêtres et de rester loin des huit cheminées disposées de chaque côté de la pièce. Plus époustouflant que toute cette végétation, la salle était emplie de vie.
Mésanges, rougegorge, grives ou encore roitelets demeuraient sur les branches. Ils piaillaient ou observaient les jeunes sorciers avec des yeux curieux. Des écureuils roux et gris sautaient joyeusement de branche en branche tandis qu’un couple de chouettes hulottes somnolaient, bercées par les balancements de la branche sur laquelle ils se tenaient.
D’étranges boules de poils de différentes couleurs avec d’énormes globes oculaires d’un noir d’encre se déplaçaient également en petits groupes le long des branchages. Enfin, une brise tiède et légère donnait du mouvement à la végétation. Il était difficile de croire qu’ils se trouvaient bien dans une salle et non à l’extérieur.
Le professeur Tarr s’arrêta un instant afin de s’assurer que tous l’avaient bien suivi puis pénétra dans la pièce et avança d’un pas décidé le long des tables. Ethan et les autres élèves s’y engagèrent bien moins sereinement.
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