8. Un dîner somptueux - 2/4
La multitude de paires d’yeux qui les détaillaient, des pieds à la tête, les mettait mal à l’aise. Mais les étudiants assis se voulaient encourageants. Certains esquissaient des sourires apaisants tandis que d’autres échangeaient des poignées de main de bienvenue avec les nouveaux. À mi-parcours, les conversations reprirent.
Au bout de la grande salle se trouvait la table des professeurs. Contrairement à celle des élèves, elle était disposée à l’horizontale et était surélevée d’un demi-mètre, ce qui devait permettre aux enseignants de garder plus facilement un œil sur l’assemblée.
Ils atteignirent finalement l’extrémité des longues tables et le professeur Tarr leur fit signe de rejoindre les bancs vides de leur clan respectif avant de retourner à son siège.
Ethan prit grand soin de s’installer non loin de ses nouveaux amis. L’on pouvait remarquer que les premières années étaient assis proche de la table des professeurs, tandis que plus les étudiants étaient là depuis longtemps, plus ils semblaient s’éloigner de celle-ci. Ils décidèrent de s’installer juste à côté d’élèves de deuxième année qui les accueillirent avec des sourires cordiaux et des poignées de main.
Ethan eut à peine le temps d’échanger quelques formules de politesse avec les deuxièmes années à sa gauche, qu’une grande femme aux longs cheveux blancs se leva de son siège, au centre de la table des professeurs, et posa sur l’assistance un regard de profonde bienveillance.
Elle avait les yeux aussi sombres que la nuit, mais ils dégageaient une chaleur surprenante. Ses pommettes saillantes et sa peau d’une pâleur intrigante lui donnaient l’impression d’être un spectre. Un spectre d’une étonnante beauté.
Elle attendit le silence, qui ne tarda pas à venir de lui-même, puis d’un mouvement de la main, fit surgir devant chaque élève une assiette, des couverts ainsi qu’un gobelet en argent. Ethan posa sur son assiette un regard émerveillé. La vaisselle portait les armoiries de Castel-Lapis. Il pensa qu’il fallait sans nul doute une incroyable puissance pour faire apparaitre autant d’objets d’un seul geste de la main.
— Bonsoir à tous, débuta la femme. C’est un réel bonheur de vous retrouver pour une nouvelle année. Naturellement, j’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à nos nouveaux élèves. J’espère que vous êtes tous prêts à travailler et que vous vous plairez ici, à Castel-Lapis. Bien entendu, je souhaite également un bon retour à nos anciens élèves. J’ose espérer que ces vacances vous ont permis de vous reposer et d’être dans les meilleures conditions possibles pour entamer cette année qui s’annonce très importante pour un certain nombre d’entre vous.
Ethan la reconnu aussitôt. Sa voix, à l’intérieur de la pièce, semblait plus chantante, cependant c’était exactement la même qu’il avait entendu sur le bateau lorsqu’il approchait de Gerva. En croisant le regard de Derek, il comprit que lui aussi l’avait identifié.
— Pour ceux qui ne me connaitraient pas, reprit-elle, je suis Janice Foubadil, la directrice de Castel-Lapis. Je vous demanderai de m’appeler professeur même si je ne vous dispenserai aucun cours. J’ai enseigné durant de nombreuses années et les habitudes ont la vie dure.
Il n’y avait pas un bruit dans la salle. Tous écoutaient le discours du professeur Foubadil avec intérêt. Ethan observait autour de lui. Il lui semblait que chaque élève regardait la directrice avec respect, mais aussi, une pointe de crainte.
— Je suis consciente que vos estomacs grondent, continua-t-elle avec un sourire chaleureux. Pourtant, je sais que vous serez plus attentifs maintenant que plus tard, après le dîner. C’est pourquoi je vais vous énoncer les quelques règles qu’il existe, ici, à Castel-Lapis.
Elle marqua une pause.
— Cette femme est une véritable légende, expliqua Nate à Ethan, c’est une magicienne extrêmement puissante.
— On dirait que ton estomac va devoir encore patienter, lança Leah avec un sourire à l’adresse de Derek.
Celui-ci fit mine de n’avoir rien entendu et Janice reprit :
— Tout d’abord, je tiens à apprendre aux nouveaux arrivants et à rappeler aux anciens élèves qu’il est formellement interdit de se rendre dans les montagnes de Skoli, qui se trouvent derrière l’école. Sauf, bien sûr, si vous souhaitez mourir dans d’atroces souffrances.
Derek et Ethan échangèrent un regard entendu. Sans la mise en garde de Namirion, ils auraient certainement cru que la directrice plaisantait.
— Bien que ce ne soit pas défendu, il est également fortement déconseillé à quiconque d’aller dans la forêt Noire sans encadrement.
Ethan entendit quelques élèves de quatrième année soupirer du côté de la table Pyro.
— Les surveillants souhaitent aussi que je vous rappelle que l’usage de la magie dans les couloirs du château, ainsi que dans vos chambres, est prohibé. Vos salles communes peuvent être utilisées pour les sorts mineurs. Pour les essais plus ambitieux, je vous demanderai de vous exercer soit dans une salle vide, soit à l’extérieur. À moins que vous ne teniez absolument à vous faire sanctionner.
— Presque toute l’école est équipée d’enchantements de réparation, expliqua Isabella, une élève de deuxième année, à Ethan. Même si tu fais exploser la moitié des murs, ils seront reconstitués en un rien de temps.
— C’est drôlement pratique, fit-il remarquer.
— Oui. Cependant je doute que tu aies besoin de t’entrainer dans une salle qui en dispose. Personnellement, je ne m’en suis pas servi l’année dernière. Je n’étais pas suffisamment puissante. J’espère pouvoir en profiter cette année.
Ethan sourit. Il avait hâte d’apprendre à employer la magie et comptait bien travailler dur pour s’exercer dans l’une de ces salles le plus tôt possible.
— Je m’adresse maintenant seulement aux nouveaux élèves, continua le professeur Foubadil, puisque les autres sont censés déjà connaitre ces informations de base.
Elle avait appuyé sur ces derniers mots pour faire comprendre à l’assemblée que cela était important.
— Je tiens à vous informer qu’une bibliothèque ainsi qu’une infirmerie sont à votre disposition. Je vous demanderais d’être respectueux du personnel qui y travaille ainsi que de vous conformer au niveau sonore imposé, à savoir, le silence. De plus, je vous conseille vivement d’arriver à l’heure en cours et de rendre vos devoirs à la date convenue. J’ai conscience que ça peut paraître évident, mais croyez-moi, ça ne l’est pas forcément pour tout le monde.
Le sourire bienveillant avait maintenant laissé place à une expression sévère.
— Pour finir, il est interdit de se promener dans les couloirs de l’école après le repas du soir. Il n’y a pas de couvre-feu, vous pouvez donc veiller aussi tard que vous le désirez dans vos salles communes respectives. Je vous conseille cependant de vous coucher tôt pour être en forme pour suivre les cours. Si l’on vous prend à déambuler à l’extérieur de vos dortoirs la nuit, vous pouvez compter sur moi pour que la sanction soit sévère et désagréable. J’ajoute que si ces dernières s’accumulent, je n’hésiterais pas à vous expulser définitivement.
Elle marqua une nouvelle pause puis sourit :
— À présent, je n’ai plus qu’à vous souhaiter un bon appétit.
Sur ces mots, elle se rassit, se tourna vers une enseignante sur sa gauche et entama la conversation.
— Ce n’était peut-être pas utile de nous souhaiter bon appétit si on n’a rien à manger, grommela Derek en regardant son assiette vide.
— Ça ne devrait plus être long, lui répondit distraitement Isabella qui observait l’entrée de la salle.
Quelques secondes plus tard, une armée de petits lutins avec des bonnets rouges approchèrent en babillant et en riant. Ils portaient, à plusieurs, différents plats de manière très coordonnée. Une fois arrivés à l’emplacement prévu, ils coopéraient pour faire parvenir les plateaux sur la table sans les échapper sur le sol. Ils montaient les uns sur les autres pour former de véritables échelles.
Certains avaient grimpé sur la table. Ils se promenaient entre les verres, effectuaient des cabrioles et s’interrompaient de temps à autre pour remplir les différents pichets ou bien saluer certains étudiants.
— Bon appétit, scandèrent-ils tous d’une même voix.
Tous les élèves ainsi que les professeurs leur répondirent avec des applaudissements. Ceux-ci ne s’arrêtèrent que lorsque le dernier lutin eut quitté la salle.
Devant eux se trouvaient assez de mets pour nourrir toute une armée. Il y avait le choix, tout le monde pouvait y dénicher son bonheur. Poulet, lapin, canard, cygnes, sanglier, daim, côtelettes de porc et d’agneau, des saucisses en tout genre, steak, légumes divers, purées, pommes de terre sautées, frites, ainsi que de nombreuses sauces qui semblaient succulentes.
Ethan ne savait plus où donner de la tête et décida tout comme Derek et Nate de remplir son assiette d’un peu de tout. Leah de son côté, qui n’avait pas encore choisi ce qu’elle allait gouter, les regardait se goinfrer d’un air amusé.
— Je te sers ? s’enquit Nate qui tenait un pichet dans sa main à l’adresse d’Ethan.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Bah, de l’eau. À quoi tu t’attendais ? Du jus de citrouille ? s’esclaffa-t-il en emplissant le gobelet d’Ethan.
Tous mangèrent avec appétit et très bientôt les plats se vidèrent. Les lutins firent alors une nouvelle fois leur retour dans la salle avec leur démarche sautillante et demandèrent aux élèves s’ils désiraient que les plateaux soient remplis à nouveau. Lorsque tous eurent terminé, la petite armée rapporta tous les plats en cuisine. Savourant ce moment de répit, les premières années en profitèrent pour faire connaissance entre eux.
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