14. Une proposition alléchante - 2/2
— Thobois, je me disais bien que je reconnaissais ta voix déplaisante. Je dois dire que ce n’est pas une surprise de te voir ici, dit-il d’un ton moqueur. Je savais que tu n’avais aucune chance.
— C’est vrai, concéda Ethan. Malgré tout, il était impossible de faire pire que toi. C’était ridicule.
Derek et Nate pouffèrent de rire.
— Je crois que c’était le duel le plus court, fit innocemment Leah.
Le teint de Seth commençait à virer à l’écarlate, ce qui n’était pas pour déplaire à Ethan.
— Tu n’as pas dû t’en sortir bien mieux si tu es dans cet état.
— Détrompe-toi. Il en a étonné plus d’un. Personne ne pensait qu’il tiendrait aussi longtemps face à une élève de cinquième année, lui apprit Derek.
— Mais bien sûr, répliqua Seth en levant les yeux au ciel. Je suis persuadé que tu aurais terminé dans le même état si l’on s’était retrouvé face à face.
— Si ça peut te faire plaisir de le croire, répondit Ethan en haussant les épaules.
Seth sembla réfléchir un instant puis un rictus, qui ne signifiait rien de bon, apparut sur son visage.
— Je te propose quelque chose, Thobois. Un duel pour nous départager. Il est temps que je te prouve que quelqu’un, tel que toi, qui ne fais pas partie des nôtres et qui ne mérites pas sa place ici, n’a aucune chance face à un véritable sorcier.
Ethan réprima un sourire.
— Très bien. Je sais que tu t’es déjà fait un plaisir de dire à certaines personnes d’où je venais. Alors, si tu l’emportes, tu pourras le dire à tout le monde. Tu pourras même faire les choses en grand. Flyers, t-shirts, manifestations, tout ce que tu veux, annonça Ethan.
L’enjeu avait l’air de plaire à Seth qui sourit davantage.
— Parfait. Si tu gagnes, ce qui a vraiment peu de chance d’arriver, je m’engage à te respecter et te laisser tranquille.
— Tu penses pouvoir tenir ta parole ? demanda Ethan en haussant les sourcils.
— Il n’y a qu’une façon de le savoir, fit-il avec un regard mauvais.
— Vous allez tous les deux avoir de gros problèmes si l’on vous trouve à vous battre, les prévint Leah.
— Occupe-toi de tes oignons, répliqua Seth. De toute façon, il n’y a aucune chance pour qu’on nous surprenne pendant le duel.
— Et comment tu comptes t’y prendre ? s’enquit Nate.
— C’est simple, le combat n’aura pas lieu dans l’école.
— Où alors ? demanda Ethan avec étonnement.
— Au niveau du quai de Castel-Lapis, il y a un petit chemin qui s’enfonce dans la forêt Noire. En suivant le sentier sur environ un kilomètre, tu tomberas sur un grand cercle de pierre. C’est là que l’on s’affrontera.
— La forêt Noire, s’exclama Leah. Tu es devenu fou ?
— Tu peux choisir quelqu’un pour t’accompagner, évidemment il ne sera que spectateur dans le duel. Mais… on n’est jamais trop prudent dans cet endroit, ajouta-t-il lentement.
— Comment ça se fait que tu connaisses ce cercle de pierre et ce chemin dans la forêt ? l’interrogea Derek. Tu as très bien pu tout inventer.
Il ignora la question et demanda plutôt avec arrogance :
— Tu as peur Thobois ? Tu te défiles ?
Ethan fronça les sourcils, la situation promettait d’être effrayante, mais il n’avait pas l’intention d’abdiquer.
— Certainement pas, répondit-il sur un ton de défi.
— Je n’en attendais pas moins de toi Thobois. Le duel aura lieu dans exactement un mois, à minuit.
Ethan tendit la main pour conclure l’accord et Seth la serra en tentant de lui écraser les doigts, néanmoins celui-ci ne broncha pas.
— Ah, vous êtes réveillé, monsieur Haddon, dit Mme Neda en avançant avec un verre rempli d’un liquide jaunâtre.
Elle s’approcha de Seth, scruta brièvement son crâne puis annonça :
— Tout me semble en ordre, vous pouvez retourner dans votre salle commune. Si jamais vous avez des maux de tête, des vertiges ou encore des nausées, revenez immédiatement me voir.
Il remercia Mme Neda puis quitta l’infirmerie sans un regard pour Ethan et son petit groupe.
— Comment vous sentez-vous, monsieur Thobois ? demanda-t-elle en haussant un sourcil.
— J’ai un peu moins mal, merci, répondit-il avec un signe de tête.
— Très bien, tenez, buvez ça, lui dit-elle en lui donnant le verre qui contenait l’étrange mixture.
Il approcha le gobelet de son nez pour sentir, mais le retira aussitôt. Il s’en dégageait un effluve très désagréable de soufre et d’essence.
— Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? demanda-t-il écœuré.
— Vous n’avez pas envie de le savoir, répondit très sérieusement Mme Neda. Buvez, vos os ne vont pas se ressouder tout seuls.
Ethan prit une grande inspiration puis vida d’un trait le contenu du verre. Finalement, le goût était bien moins repoussant que l’odeur.
— Parfait, dit Mme Neda visiblement satisfaite.
— J’espère que je n’aurais jamais à avaler une telle chose, marmonna Nate le teint très pâle.
— Monsieur Thobois a besoin de se reposer maintenant, les prévint Mme Neda. Je vous laisse encore cinq minutes puis je ne veux plus vous voir ici. Cela fait longtemps que vous auriez déjà dû retourner dans votre salle commune.
Elle reprit le verre des mains d’Ethan et s’éloigna en direction de son bureau. Leah s’approcha aussitôt de ce dernier.
— Tu es tombé sur la tête ? le réprimanda-t-elle. Tu vas vraiment aller dans la forêt Noire pour affronter Seth ?
— J’en ai bien l’impression, répondit-il nonchalamment en haussant les épaules.
— Leah à raison, intervint Nate, ce n’est pas une bonne idée.
— Un duel à minuit est déjà un mauvais plan. Mais en plus dans la forêt Noire ?
— Comment tu vas faire si tu te fais attaquer par un gobelin ou je ne sais quelle créature dans la forêt ? renchérit Nate.
— J’irais avec lui, annonça Derek d’un ton ferme.
— Tu n’y penses pas sérieusement ? répliqua Leah en fronçant les sourcils.
— Tu préfères que je l’abandonne et qu’il y aille seul ?
Le silence vint répondre à sa question.
— On devrait laisser Ethan dormir, proposa Nate.
Tous acquiescèrent.
— Repose-toi bien vieux, dit Derek avec un clin d’œil.
— On passera te voir demain matin, lui dit Leah avec un regard concerné.
— Allez, dépêchez-vous de retourner dans vos chambres, déclara Ethan avec un sourire. Bonne nuit.
Ils le saluèrent d’un signe de la main puis sortirent un à un. Les lumières de l’infirmerie baissèrent aussitôt d’intensité, c’était apparemment l’heure de dormir. Mais à peine avait-elle été fermée que l’on toqua à nouveau à la porte et que Namirion entra dans la salle en compagnie de Sarah.
Mme Neda quitta son bureau, les sourcils froncés et traversa la pièce pour venir à leur rencontre.
— Encore une blessée ? demanda-t-elle à Namirion, les mains sur les hanches
— Non, répondit-il. J’accompagne Sarah, elle vient voir Ethan.
— Bon sang, s’exclama-t-elle, le garçon a besoin de repos, laissez-le tranquille.
— Je ne serais pas longue, promit Sarah.
— Bon… Allez-y, se résigna finalement Mme Neda.
Sarah la remercia puis s’approcha du lit d’Ethan. Elle prit une chaise et s’assit juste à côté de ce dernier qui s’était légèrement redressé sur son matelas.
— Alors, commença-t-elle, quel est le diagnostic ?
— Trois côtes cassées, au minimum, répondit Ethan.
Elle posa sa main sur le bras d’Ethan.
— Comment tu te sens ? demanda-t-elle.
— Madame Neda a fait disparaitre la douleur donc ça ne va pas si mal.
— Je suis vraiment désolé, se fondit Sarah en excuse. Tu m’as tellement surprise en déviant ma liane. J’ai vu rouge et je n’ai pas pu me contrôler.
— Ne t’en fais pas, la rassura Ethan. Je connaissais les risques. Enfin, maintenant je les connais.
— Tu es sûr ? insista-t-elle avec appréhension.
— Ne t’inquiète pas, je ne t’en veux pas du tout. J’ai tout donné en me mesurant à toi. J’en suis plutôt content même si c’est un peu douloureux.
Les mots d’Ethan semblèrent la soulager. Elle paraissait presque reconnaissante.
— Je… je suis heureuse de voir que tu vas bien.
— Bien sûr, déclara-t-il avec un sourire. Avec la potion de madame Neda, je serais comme neuf demain.
— Quoi qu’il en soit, tu as beaucoup progressé depuis nos derniers entrainements ensemble.
— Pas suffisamment pour te tenir tête, on dirait, répliqua-t-il avec un rire. Tu as intérêt de gagner. Au moins, je pourrais dire que j’ai été éliminé par la championne.
— Je ferais de mon mieux, s’esclaffa-t-elle.
Un silence gêné s’installa entre les deux, ne sachant pas exactement quoi dire. Finalement, Sarah décida qu’il était temps pour elle de partir.
— Bien. Je vais te laisser te reposer maintenant. Bonne nuit.
Elle retira sa main du bras d’Ethan et quitta l’infirmerie, Namirion sur ses talons. Mme Neda ferma la porte de la salle à clé puis se rendit dans son bureau. Cette fois-ci, les lumières s’éteignirent pour de bon.
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