15. La forêt Noire - 1/3
Le mois suivant ne fut pas des plus plaisants pour Ethan. Seth était devenu plus insupportable que jamais. Persuadé qu’Ethan n’aurait pas le courage de se montrer pour le duel, il prenait un plaisir certain à le provoquer, sachant qu’il ne craignait rien tant qu’il était dans l’enceinte de l’école.
Si Ethan parvenait à éviter Seth certains jours, il ne pouvait pas esquiver Nate ou Leah qui ne manquaient pas de lui rappeler que l’affrontement était une très mauvaise idée et qu’il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même s’il lui arrive quelque chose dans la forêt ou bien s’il se faisait renvoyer en se promenant dans les couloirs la nuit.
Même si Ethan ne pouvait se l’avouer, il savait quelque part que ses amis n’avaient pas tort. Si quoi que ce soit se passait mal ce soir-là, il aurait bien plus à perdre que Seth. Il en avait conscience, mais il fallait admettre que la récompense était séduisante.
Il n’arrivait même pas à s’imaginer à quoi pouvaient bien ressembler des jours sans provocation, insultes, moqueries ou regard assassins de Seth. Il n’était pas sûr que ce dernier tiendrait parole, mais comme il l’avait dit, il n’y avait qu’une manière de le savoir.
Ethan n’avait pas tellement de crainte à propos du duel. Seth s’était fait littéralement ridiculiser pendant le tournoi, tandis que lui avait réalisé une très belle performance malgré sa défaite. Il savait que son adversaire lui opposerait peu de résistance et que l’affrontement serait rapide.
Il y avait cependant un élément qui préoccupait Ethan, la forêt Noire. Il était déconseillé à tout étudiant de s’y rendre, d’autant plus à un élève de première année. Plus inquiétant encore, Seth semblait avoir une bonne connaissance de cette forêt. Il avait expliqué avec précision le chemin à suivre pour arriver au lieu où se déroulerait le duel.
Derek tentait de rassurer Ethan dès qu’il évoquait le sujet. Il lui rappelait qu’il ne serait pas tout seul dans cette dernière puisqu’il l’accompagnerait. Ou bien essayait de le convaincre que Seth finirait par se dégonfler. Ethan n’en croyait cependant pas un mot, il semblait plus déterminé que jamais et affichait toujours cet étrange sourire qui ne signifiait rien de bon. Malgré la présence de Derek dans la forêt avec lui, il ne serait juste qu’une victime de plus s’ils se faisaient attaquer par une créature.
Le mois de mars défila malgré tout à vive allure et bientôt Ethan se retrouva assis dans la salle commune, savourant son dernier dîner avant le duel. Derek, lui, continuait à recevoir ses exemplaires quotidiens de Le Magistérium.
Au départ, il se contentait de s’en débarrasser, soit en le donnant à un autre élève ou bien en le jetant simplement dans la cheminée. Il avait quelque peu changé d’avis à présent et le feuilletait tous les jours avant de proposer à ses amis s’ils voulaient le consulter. De nouvelles intrusions avaient eu lieu depuis le début de l’année. Comme toujours, personne n’avait été vu et rien n’avait été dérobé. C’est la raison pour laquelle il lisait le journal. Cette affaire l’intriguait au plus haut point.
— Hé, regardez ça s’exclama-t-il en pointant un article.
Ethan, Nate et Leah s’approchèrent afin de le lire.
« HORREUR À SAINT-PURRIN »
Depuis quelques mois, de nombreuses galeries ont subi une intrusion. Jusqu’à présent, la petite bourgade de Saint-Purrin avait été épargnée. En prévision d’un éventuel cambriolage, la surveillance du musée avait été renforcée. Le directeur de l’établissement avait ainsi embauché deux veilleurs de nuit.
Pourtant, hier aux alentours de vingt-trois heures, un groupe de trois sorciers a infiltré le musée. Encore une fois, rien n’a été volé. Les sécurités magiques ont été abaissées, mais ils ne s’attendaient pas à rencontrer quelqu’un sur les lieux. Surpris par l’un des vigiles, un combat s’est engagé. Son collègue, a prévenu la brigade magique avant d’aller lui prêter main forte.
À l’arrivée des forces de l’ordre, les intrus n’étaient plus sur place et les veilleurs se trouvaient dans un état grave. Malheureusement, l’un d’eux succombera de ses blessures dans la nuit. Le second est actuellement en convalescence et devrait s’en remettre.
Une bonne nouvelle puisqu’il a assisté à toute la scène. Il raconte à la brigade la chose suivante : « Ils étaient trois. Ils portaient des tenues de cuir rouge et étaient entièrement masqués. Impossible de voir leur visage. Ils étaient très bien organisés et n’avaient pas besoin de communiquer entre eux. Nous n’avons rien pu faire, je crois qu’ils utilisaient de la magie noire. Leurs tenues ne font aucun doute pour moi, c’étaient des membres de la secte de la dame rouge ».
Actuellement, les forces de l’ordre sont toujours activement à la recherche des assaillants.
— J’en étais sûr, s’écria Derek. C’était évident que c’était eux depuis le début.
— Pourquoi tu n’as pas prévenu ton père si c’était si évident, gros malin ? rétorqua Leah.
Contrarié par la remarque, il croisa les bras sans répondre.
— C’est vraiment grave, dit Nate avec inquiétude. Ils ont tué quelqu’un. Et ils utilisent de la magie noire. Il y a un groupe de sorciers qui se balade et qui fait de la magie noire.
— Je ne comprends pas…, murmura Ethan presque pour lui-même.
— Il n’y a rien à comprendre, ils sont complètement tarés, s’emporta Derek.
— Je sais bien, mais pourquoi entrer dans tous ces établissements sans jamais rien prendre ? C’est quand même étrange, non ?
— Les forces de l’ordre finiront bien par les attraper, ils ne peuvent pas continuer à se promener dans la nature comme ça, fit remarquer Nate.
— Ce qui est certain, c’est que les musées vont grandement accroître leur sécurité. Je doute que la secte réessaye dans un futur proche. Ou alors, ils sont vraiment stupides, conclut Derek. Ethan, c’est bientôt l’heure.
Ce dernier leva la tête pour jeter un œil à l’horloge qui trônait dans la salle commune. Trois heures. Il ne restait que trois heures avant de retrouver son rival dans la forêt.
— Tu as toujours l’intention d’affronter Seth, je suppose ? l’interrogea Leah en fronçant les sourcils.
— Tu me poses la question depuis un mois Leah, tu connais ma réponse, déclara-t-il durement.
— Tu aurais pu changer d’avis au dernier moment.
— Tu me connais si mal que ça ?
— Quelle tête de mule !
— Je t’adore Ethan, intervint Nate, mais je pense que tu commets une erreur.
Ethan soupira.
— Je sais que vous désapprouvez, vous me l’avez assez répété. Ma décision est prise, arrêtez de vouloir me faire culpabiliser.
— On ne serait pas autant sur ton dos si on ne tenait pas à toi, sombre idiot, railla Leah. On essaie simplement de t’empêcher de te faire renvoyer, ou pire déchiqueter par une créature qui vit dans la forêt Noire.
— Écoutez, je sais que ça vous inquiète et que vous me dites ça pour mon bien et je vous en remercie. Vraiment.
Il toisa tour à tour ses amis avec un regard de profonde gratitude.
— Mais la discussion est close, continua-t-il. Derek et moi irons dans la forêt à minuit pour mettre une bonne raclée à Seth. Et demain, on en parlera en rigolant.
Leah voulut protester à nouveau, mais Nate lui fit signe de se taire. Ethan ne changerait pas d’avis, il ne servait plus à rien de persister sur ce débat stérile.
Le sujet ne fut plus abordé de toute la soirée, ce qui n’était pas pour déplaire à Ethan qui sentait le stress monter à mesure que l’heure de quitter la salle commune approchait. Lorsque vint vingt-deux heures, Nate et Leah se levèrent pour se coucher.
— Ce n’est pas qu’on ne veut pas rester, mais il y a quand même cours demain, expliqua Nate.
— On comprend, ne vous inquiétez pas, assura Derek.
— Oui, dormez bien, répondit Ethan.
— Soyez prudents les garçons, je n’ai pas envie de me réveiller demain et apprendre une mauvaise nouvelle, dit Leah l’air très préoccupé.
— Tout se passera bien, à demain.
Ils regardèrent leurs amis disparaitre dans leurs couloirs respectifs puis allèrent s’installer devant le sofa qui se trouvait en face de la cheminée. Il était, la plupart de temps, toujours occupé, mais l’heure avancée leur permettait de prendre toute la place qu’ils souhaitaient.
Ils prirent soin de ne pas discuter du duel ou de la forêt en attendant. Tous deux n’étaient pas rassurés, mais ils entendaient paraître sûr d’eux. Ils n’avaient pas l’habitude de veiller aussi tard, mais l’heure de quitter la salle commune arriva finalement.
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