15. La forêt Noire - 3/3
Face à eux se tenait un grand cercle. En revanche, ce n’étaient pas des pierres disposées sur le sol comme avait pu se l’imaginer Ethan. Il s’agissait de véritables piliers qui se dressaient devant eux. Sur chacun reposait un brasero qui flambait avec énergie.
— Nous avons réussi ! se réjouit Derek.
— C’est vrai, mais où est Seth ?
En effet, à part les deux garçons, il n’y avait personne d’autre.
— Il a peut-être du retard ? s’enquit Derek.
— Ou alors, il s’est dégonflé, ajouta Ethan avec un sourire.
Ils attendirent quelques minutes, mais toujours aucun signe de Seth. Ethan, qui commençait à perdre patience, jeta un œil à sa montre.
— Il a plus de trente minutes de retard. Tant pis pour lui, il n’avait qu’à être à l’heure. Il a perdu, annonça Ethan. On rentre ?
Derek s’apprêtait à ouvrir la bouche pour répondre lorsque du mouvement dans les branches d’un arbre voisin le fit sursauter. Les deux garçons se retournèrent d’un même geste. Le phénomène recommença à nouveau. Puis une nouvelle fois, encore. Chaque fois plus proche d’eux, jusqu’au hêtre contre lequel ils étaient adossés.
Ils levèrent la tête. Dans les branchages, plusieurs paires d’yeux les observaient. Pas des yeux humains, de cela, ils en étaient certains. Ils étaient verts et avaient l’air en pleine combustion. Les deux garçons échangèrent un regard horrifié et s’écartèrent aussitôt de l’arbre pour se retrouver au centre du cercle de pilier.
— Des humains ? siffla une voix effrayante dans les branches. Ici ?
— Voilà longtemps que nous n’en avons pas côtoyé, lui répondit une nouvelle créature.
— Oui, depuis que le maître est parti, ajouta tristement une autre.
— Que venez-vous faire ici, humains ? Connaissez-vous le maître ?
Ethan et Derek s’observèrent avec stupéfaction. Ils ne s’étaient pas attendus à croiser des monstres. Mais surtout, ils n’imaginaient pas que ces derniers pouvaient parler leur langue. Ethan prit la parole.
— Nous devions retrouver quelqu’un à cet endroit.
— Le maître ?
— Désolé, je ne crois pas savoir qui est votre maître.
Il y eut à nouveau du mouvement dans les branchages et trois grandes silhouettes atterrirent en silence sur le sol.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’exclama Ethan avec horreur.
— Des démons de la forêt, glapit Derek.
Les monstres qui se tenaient devant eux avaient presque une morphologie humaine. À l’exception près qu’ils étaient presque entièrement faits de bois. Ils devaient faire la taille d’un homme adulte. Leur tête était entourée de grands ramages, à la manière de cerfs. Comme leurs yeux, l’intérieur de leur corps semblait illuminé par un feu verdâtre qui crépitait avec force. Leurs mains et pieds étaient griffus. Un seul coup de ces pieux devait vraisemblablement être fatal.
— Spriggans, siffla l’une des créatures d’un ton menaçant en s’approchant vers les deux garçons. Nous sommes des Spriggans.
— Oh, désolé, s’excusa aussitôt Derek.
— Vous ne connaissez pas le maître, vous n’avez rien à faire ici.
— Nous allions justement nous en aller, assura Ethan.
— Non, je ne crois pas, répondit un autre Spriggan en s’avançant. Vous n’irez nulle part. Notre maître ne voulait pas que l’on mange des humains.
Les trois créatures ouvrirent leurs mains pour exposer leurs griffes et continuèrent d’approcher vers les deux garçons.
— Voilà bien longtemps que le maître est parti, à présent. Nous pouvons faire une exception.
Au moment où les Spriggans allaient se jeter sur eux, Ethan et Derek levèrent leur baguette d’un même mouvement.
— Ignis !
Ils n’attendirent pas de voir si leurs boules de feu avaient fait mouche et prirent leurs jambes à leur coup. Des sifflements de rage retentissaient derrière eux tandis qu’ils filaient aussi vite qu’ils le pouvaient à travers la forêt en direction du quai. Ils n’arrêtèrent leur course que lorsqu’ils atteignirent les portes de chêne de l’école, transpirant et pantelant.
— On est encore en vie, s’exclama Derek stupéfait par sa propre chance. On a rencontré des Spriggans et on est vivant.
— Je crois que la magie leur a fait peur, répondit Ethan le souffle court.
— On ferait bien de retourner à la salle commune. J’ai eu assez d’émotions pour toute une année.
Ils poussèrent doucement les lourdes portes et s’engagèrent dans le hall. Comme à l’aller, la pièce était plongée dans la pénombre, mais cette fois-ci aucune trace de Sullen ou Lighton. Ils s’empressèrent de la traverser et grimpèrent les marches de marbre quatre à quatre.
Le trajet du retour ne se passait pas si mal. Enfin, si on omet les Spriggans, pensa Ethan. Au détour du second étage, Derek le tira violemment derrière une statue et lui fit comprendre de ne faire aucun bruit. Ethan acquiesça et tendit l’oreille. Il reconnut la voix de Justin.
— On fouille le château de long en large depuis plus d’une demi-heure, se plaignait-il. Il faut se rendre à l’évidence qu’il n’y a personne.
— Il nous a pourtant assuré qu’ils seraient là, répondit une femme.
Ethan l’avait peu entendu, mais il lui semblait qu’il s’agissait de la voix de Cindy, la seconde surveillante de Pyro. Les deux garçons se penchèrent de part et d’autre de la statue pour observer ce qu’il se passait.
— Ce n’est pas bientôt fini ce baroufle ? tonna le vieil homme trapu qui se trouvait dans le tableau devant lequel les deux adultes venaient de passer. Il y en a qui aimerait dormir !
— Désolé, maugréa Cindy.
— Je suis bien d’accord, renchérit Justin. Moi aussi j’aimerais bien aller me coucher. Tu vois bien qu’il n’y a personne. Pour quelle raison deux garçons se promèneraient dans les couloirs à une heure pareille ?
Ethan et Derek échangèrent un regard et froncèrent les sourcils. Les surveillants n’étaient pas là par hasard. Seth avait certainement vendu la mèche.
— Jetons au moins un dernier coup d’œil dans le hall d’entrée, veux-tu ? répliqua Cindy
Justin soupira, mais acquiesça, malgré tout, d’un hochement de tête. Ils tournèrent les talons et s’en allèrent en direction des escaliers. Les deux garçons en profitèrent pour continuer leur route.
— Je vais le tuer, rageait Ethan une fois dans la salle commune. Il a prévenu les surveillants, tu as bien vu ? Il voulait nous faire renvoyer !
— Et encore on a eu de la chance, ils abandonnaient les recherches au moment où on arrivait, fit remarquer Derek.
— De la chance ? Si on est arrivés si tard, c’est parce qu’on a bien failli finir déchiquetés dans la forêt !
— Je te garantis qu’il ne perd rien pour attendre. Ce n’est pas juste de la méchanceté là, il est allé beaucoup trop loin.
— Il ferait mieux de prier pour ne pas croiser mon chemin avant longtemps parce que sinon, je vais lui faire regretter d’être né, s’exclama Ethan rouge de colère et les poings serrés.
Derek soupira.
— On est sain et sauf, c’est le principal. Allons-nous coucher.
Ethan acquiesça, mais cette nuit-là, il eut toutes les peines du monde à trouver le sommeil. L’esprit trop occupé par ce qu’il venait de leur arriver. Il ne pensait qu’à une chose, dénicher le meilleur moyen de se venger.
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