Chapitre 17 - Rapprochement

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’heure du rendez-vous approchait, nous nous sommes séparés pour se préparer de notre côté. Cela ne me prit que quelques minutes. Célestin nous attendait déjà au bout du couloir, les cheveux encore humides.

— Alors, ton cours ? lui demandai-je.

— Trop bien ! On entre enfin dans le vif du sujet. On commence à maîtriser notre don avec notre prof. Et l’année prochaine, on aura des ateliers avec les Empathes pour s’entraîner sur des humains.

— T’as hâte ?

— Clairement.

— Moi aussi, surtout pour bosser sur les cas critiques. C’est fascinant.

Célestin me lança un sourire.

— Content que ça te plaise.

Mirabella arriva à son tour et nous fit un signe de la main. Sans attendre, nous prîmes la direction de la bibliothèque. Pour y avoir déjà été à maintes reprises, je guidais mes amis à travers les couloirs. Durant le trajet, nous bavardions, et Célestin nous en dévoila un peu plus sur sa spécialité tant apprécié. Sa voix, claire et enjoué, nous décrivait tous les sentiments qu’il avait pu ressentir. Au fond, je sentais la nostalgie continuelle qui l’habitait.

En arrivant à la fête, l’ambiance était déjà bien installée : rires, verres à la main, discussions animées. À peine avions-nous posé un pied en bas des marches que Sophie et Antoine alpaguèrent Célestin pour qu’il vienne s’asseoir avec eux. De mon côté, j’aperçus Alice, qui croisa mon regard. Je lui fis un signe de tête, elle me répondit avec un grand sourire.

Un peu plus loin, je fus surpris de répérer Melvin, qui discutait avec une grande brune. Quand je passais à son niveau, il me lança un coup d’œil en biais avant de reporter son attention sur la jeune femme.

Alors que je m’approchais de la buvette pour poser les boissons que nous avions apportées avec Mirabella, une odeur familière me chatouilla les narines : du soufre. Mon regard balaya la pièce. J’eus l’impression que toutes les personnes de ma liste étaient réunies ici. Une douleur fulgurante me traversa le crâne. L’odeur était trop concentrée. Mauvais signe.

Mirabella, qui sortait ses cocktails, croisa mon regard. Elle aussi avait senti quelque chose. Mais elle ne dit rien, se concentrant sur ses préparations.

— Pourquoi Melvin est là ? Me murmura Mirabella entre ses dents, en continuant d’installer la table.

— Aucune idée, répondis-je en haussant les épaules.

— On vous a préparé des cocktails maison ! annonça-t-elle en se tournant vers les invités.

— Tu gères ! s’exclama une fille aux cheveux rouges.

Melvin lui lança un regard, mais ne fit aucune remarque.

— Tu veux goûter ? me proposa Mirabella en attrapant un verre.

— Qu’est-ce que tu me recommandes ?

— Tiens, essaie ça.

Elle me tendit un verre rempli d’un liquide orangé.

— Je l’appelle “La Mira”.

— “La Mira” ? répétai-je en riant.

— Parce qu’il est aussi piquant que moi, répondit-elle en rigolant.

Je pris une gorgée et manquai de m’étouffer. Elle avait raison : c’était piquant, mais l’arrière-goût était étonnamment doux. Un peu comme elle… enfin, façon de parler.

— Ah, et une fois la bouteille finie, je vous rappelle que le verre se trie dans le bac prévu à cet effet, ajouta Mirabella avec sérieux.

Je ne pus m’empêcher de rire.

— Quoi ? fit-elle en chuchotant.

— T’as l’air d’une vraie Naturelle.

— Eh, le verre, ça peut tuer les animaux s’il est jeté n’importe comment !

Les cocktails de Mirabella étaient excellents. J’eus à peine fini mon verre que je m’en servis un autre. En balayant la pièce du regard, je repérai Célestin. Il avait l’air mal à l’aise, coincé entre Sophie et Antoine, qui ne semblaient pas lui laisser un centimètre d’espace.

Sans hésiter, je m’approchai et l’attrapai par la main pour l’éloigner de là.

— Ça va ? lui demandai-je, tandis que Sophie et Antoine me lançaient des regards noirs.

— Ouais… Ils sont adorables, je les aime bien. Mais savoir qu’ils vont mourir… ça me pèse. Je pensais que je pourrais faire abstraction… Même si je peux pas tomber amoureux, j’ai quand même des émotions. C’est dur d’être avec eux, de profiter, en sachant… la vérité.

Je le regardai et vis à quel point cette pensée le rongeait. Gêné, il détourna les yeux et attrapa un livre sur une étagère, feignant de le feuilleter.

— Je suis désolé, Cyl. Mais tu sais qu’on est là pour toi.

— Je sais… Je crois que je devrais arrêter de trop traîner avec eux. Je veux pas m’attacher et souffrir quand ils partiront.

— De toute façon, tu les perdras.

Célestin releva la tête.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— À la fin de notre apprentissage, on devra tout laisser derrière nous. On disparaîtra du monde des humains. On ne pourra plus jamais les revoir. Alors… qu’ils partent maintenant ou plus tard, qu’est-ce que ça change au final ? Autant en profiter, non ? C’est toi qui me l’as conseillé, d’ailleurs.

Il esquissa un léger sourire.

— C’est vrai que je donne de bons conseils… ironisa-t-il. C’est juste dur de penser à… l’après.

— Les choses sont comme elles sont. Soit tu gardes tes distances, soit tu fais avec. À toi de choisir ce qui te convient.

Il hocha la tête, l’air pensif.

— Écoute, ce soir, oublie tout ça. Profite. Si après coup, tu vois que c’est trop difficile, alors tu prendras ta décision. Mais ce soir… on met tout ça sur pause, d’accord ? Prenons ce qu’on peut, comme dirait Mira, et ne pensons pas au futur.

Célestin inspira profondément avant d’acquiescer.

— Ok. Je vais essayer.

Célestin s’avança et me serra dans ses bras. Sa chaleur m’envahit instantanément. Je refermai les bras autour de lui, comme pour le protéger du monde extérieur.

— Merci, Matt. C’est agréable de pouvoir compter sur ses amis.

Après quelques secondes, il relâcha son étreinte et repartit sans un regard, sûrement pour éviter que je surprenne la tristesse dans ses yeux. Je le regardai s’éloigner, puis me mis à errer entre les étagères, repensant à notre conversation.

Célestin était tellement imprégné d’empathie que j’oubliais parfois à quel point mes mots pouvaient l’affecter. Moi, j’avais beau être plus ouvert à mes émotions, je restais maladroit et pas vraiment le mec le plus délicat du monde. Peut-être qu’à l’avenir, je devrais éviter de parler de la mort devant lui. Ou au moins, réserver ce genre de discussions à Mirabella, la seule qui puisse vraiment comprendre. Avec elle, je pouvais dire les choses sans filtre, sans risquer de blesser quelqu’un.

Non pas que Célestin fut fragile — loin de là. Mais la mort l’impactait différemment de nous, ce qui était logique. J’aurais aimé être plus sensible, mieux comprendre les autres. Peut-être qu’avec le temps, en apprenant à me laisser aller, ça viendrait.

Mais au fond, c’était aussi ça l’intérêt d’avoir des amis comme Mirabella et Célestin. Ils m’apportaient chacun quelque chose d’unique, et j’espérais être aussi important pour eux qu’ils l’étaient pour moi. Être un bon ami, ce n’était pas si évident que ça.

— Tout va bien ?

La voix douce d’Alice me ramena à la réalité.

— Oui, désolé. Je réfléchissais.

— À quoi ? Me demanda-t-elle, soucieuse.

Elle s’approcha un peu plus de moi, les mains derrière le dos.

— À l’avenir.

Ce n’était pas un mensonge, finalement. J’observais mes amis de loin, à travers les étagères. Mon regard finit sa course sur Melvin.

— Dis-moi, pourquoi tu as invité Melvin ? Demandais-je à Alice d’un ton plus énervé que je l’aurais voulu.

Alice parut surprise.

— C’est pas ton pote ?

— Non. Enfin, si… C’est juste que… Je pensais pas que c’était le tien.

Son regard se perdit dans le vide. Du bout des doigts, elle caressa la tranche d’un livre. Puis, elle se tourna de nouveau vers moi.

— Y’a quelque chose chez lui que j’apprécie, me confia-t-elle. J’ai l’impression de…

Elle marqua une pause. Je pris appui contre une étagère, me concentrant sur ses paroles.

— J’ai l’impression de le connaître depuis toujours, murmura-t-elle, comme si c’était un secret. Et je pensais que vous étiez ami, je me suis dit que ça serait sympa de l’invité. J’ai eu tord ?

— Non, non.

Je n’ajoutais rien, ne souhaitant pas partager mes doutes à son sujet. Surtout parce qu’elle voudrait savoir ce qui me tracassait et que je ne pouvais pas vraiment lui expliquer.

Elle tendit sa main vers moi, m’indiquant d’un signe de tête de venir avec elle.

— Je te suis.

Elle attrapa ma main et m’entraîna vers le reste du groupe. Sa paume chaude contre la mienne était agréable. Cette chaleur parcourut mon corps, comme une douce caresse. Elle me jeta un regard complice avant de sourire.

— Oh, ma douce Alice !

Un garçon surgit dans la bibliothèque, les bras grands ouverts. Il avait des cheveux crépus en bataille et des yeux pétillants de malice. Une légère vapeur blanche flottait autour de lui, s’étirant vers Alice. Sans même me poser de question, je compris : c’étaient ses phéromones. Il était attiré par elle.

Il se précipita vers elle, son sourire éclatant ne faiblissant pas une seconde. Alice lâcha ma main, son sourire s’élargit et elle courut à sa rencontre. Il la souleva dans ses bras comme si elle ne pesait rien. De là où j’étais, je vis ses muscles se contracter.

Quelque chose se noua dans ma gorge. Ma main se porta instinctivement à mon cou, cherchant à soulager cette sensation étrange. D’où venait-elle ? Pourquoi est-ce que ça me faisait ça ?

— Maxime ! s’écria Alice. Trop contente de te voir !

Maxime… Un mètre quatre-vingt de charisme qui la gardait fermement contre lui. Alice nous le présenta comme son ami d’enfance, ajoutant qu’il venait d’arriver en ville et qu’elle avait sauté sur l’occasion pour l’inviter.

Je me raclai la gorge, massant mon cou. Ce malaise ne me quittait pas. Et plus je voyais Maxime garder son bras autour d’Alice, plus ça empirait. Il lui reniflait les cheveux ou c’était mon imagination ? Ma mâchoire se crispa.

— Bon, maintenant qu’on est tous là, on se fait un jeu ? proposa Alice.

Tout le monde forma un cercle. Une vague soufrée me fit tourner la tête. Mes mouvements me semblaient plus lents, moins naturels. En regardant Mirabella, je remarquai qu’elle fermait les yeux, comme si elle ressentait la même chose.

Quand elle les rouvrit, nos regards se croisèrent et, l’espace d’un instant, j’eus l’impression de percevoir ce qu’elle ressentait.

Les âmes. Leur présence. Leur odeur.

Elles s’insinuaient en moi, me traversant comme un frisson électrique. Un peu trop intense. Comme une drogue qui coulait dans mes veines, impactant chaque partie de mon corps.

Je secouai la tête, inspirai profondément et essayai de me recentrer.

— … Vous connaissez ce jeu ? conclut Alice.

Aucune parole n’avait fait son chemin jusqu’à mon cerveau. Je baissai les yeux sur la boîte : Loups-Garous. Jamais entendu parler. Alice distribua les cartes et tout le monde jeta un coup d’œil à la sienne. Je fis de même et mis quelques secondes à réaliser que la mienne était rouge. Loup-Garou. Alice était la narratrice et semblait être née pour être oratrice.

Le jeu se mit en place et, rapidement, je me pris au truc. Quand vint le moment de voter l’élimination d’un joueur, mon choix fut instantané : Maxime.

Il me lança un regard blasé. Visiblement, on était dans la même équipe.

Son bras restait collé à Alice. Il lui touchait l’épaule en lui parlant. À chaque fois qu’il le faisait, j’avais envie de lui dire d’ôter ses sales pattes. Son sourire éclatant, ses légers coups d’épaule en lui lançant son regard séducteur… Je lui arracherai bien les yeux, à son Maxime !

Reprends-toi, me forçai-je à penser.

Ces émotions étaient nouvelles. Dangereuses. Je ne devais pas me laisser bouffer par quelque chose que je ne comprenais pas encore.

— T’as un problème, Matthieu ? lâcha Maxime.

— Mattheus, corrigeai-je froidement.

— On s’en fout. Tu me cherches depuis tout à l’heure. Alors, c’est quoi ton problème ?

Je haussai un sourcil, surpris. Je n’avais pas envie de rentrer là-dedans. Il fallait que je maîtrise mes émotions.

— T’es personne pour que ça me touche.

— C’est ça…

Il me jeta un regard noir, avant d’afficher un sourire provocateur. Puis, lentement, il passa un bras autour d’Alice et l’attira contre lui. Alice ne broncha pas, trop absorbée par sa conversation avec Sophie. Elle posa même une main sur le torse de Maxime pour se replacer sur sa chaise.

Et comme si l’on voulait me torturer, quelqu’un eut la merveilleuse idée de nous mettre en couple pour la partie suivante. Maxime et moi devions donc gagner ou perdre ensemble.

Autant dire qu’on n’a pas tenu cinq minutes.

Après la partie, Mirabella s’écroula sur une chaise à côté de moi, complètement à l’ouest. Je ne l’avais jamais vue dans cet état.

— Ça va ? lui demandai-je.

Sans répondre, elle me saisit la main et m’attira à l’écart, jusqu’à une rangée de vieux bouquins. Puis, elle poussa un soupir profond.

— On peut enfin respirer, souffla-t-elle.

— Toi aussi, tu le sens ?

— Non seulement, je le sens, mais en plus… Je le vois.

— À la soirée rock, tu les avais vus ?

— Oui, mais c’était pas à ce point. Là, c’est partout, ça me submerge.

— Je comprends.

Elle me tournait le dos, les mains posées contre l’étagère. Son chignon laissait entrevoir sa nuque. Sa peau lisse, parfaite. Une pensée étrange me traversa, que je chassai aussitôt.

Les âmes me montaient de plus en plus à la tête. Même en m’éloignant d’elles, l’effet ne diminuait pas, comme si je m’en étais imprégné. Je ne savais pas combien de temps, il faudrait pour que j’en sois débarrassé. Même ici, à l’écart, elles me collaient à la peau.

— J’ai chaud… murmura Mirabella, comme si c’était devenu insupportable pour elle.

Comme si elle étouffait. Son corps pivota vers moi. Ses yeux se posèrent sur les miens. Profonds. Intenses. Sensuels. Ma bouche s’entrouvrit. Moi aussi, j’avais chaud. Comme si je ne pouvais plus respirer. Que m’arrivait-il ?

— Tu crois que ça leur fait ça, quand ils sont bourrés ? demanda-t-elle.

— Peut-être… Possible… Aucune idée.

Je peinais à avaler ma salive. Mirabella déboutonna un bouton de son gilet bleu canard, laissant apparaître un décolleté hypnotisant. Remarquant que je fixais sa poitrine, je fermais les yeux.

Qu’est-ce qui m’arrive ?

Ces émotions nouvelles m’envahissaient. Entre la boule à la gorge que j’ai eu en voyant la proximité d’Alice et Maxime et cette sensation étrange que je ressentais en étant proche de Mirabella… Cette chaleur dans le creux de mon ventre. Ma respiration était saccadée.

Je détournais mon regard de celui de Mirabella. C’était trop.

— Célestin est vraiment affecté par la mort des humains, lançai-je pour briser la tension.

— Ah ?

— Il m’a confié que ça lui faisait de la peine qu’on les récupèrent bientôt.

— C’est normal, il les aime tant…

— Je pensais pas que je pouvais le blesser. Lui qui est si fort, d’ordinaire…

— Mais là, on parle de lui enlever des personnes qu’il apprécie. C’est différent.

Dans mon dos, je sentais que Mirabella se rapprochait de moi. Je sentais sa chaleur, son odeur. Je restais dos à elle, concentré sur la rangée de livre en face de moi. Je ne pouvais pas la regarder.

— Nous ne sommes pas constitués pareil. Pour nous, c’est normal, c’est notre destin. Pour lui, c’est juste une perte de plus. À la fin de notre formation, nous n’aurons plus rien, plus personnes en dehors de notre binôme.

Mirabella était si compréhensive, douce.

— Je… N’ai que toi à qui parler de ça, murmurais-je.

— Et je serais là à chaque fois que tu ressentiras le besoin d’en parler. Si tu as besoin d’aide, de conseil… Je suis là.

Mirabella n’était qu’à quelques millimètres de moi. Cette fois-ci, l’odeur de framboise me titillait les narines. Son shampoing… Son odeur…

— Et pour Cyl, ne t’en fais pas. Comme tu l’as dit, il est fort. Il arrivera à faire abstraction. Et nous, nous serons là pour lui s’il a besoin d’en parler.

— Tu penses qu’on se sentira toujours comme ça auprès des âmes ?

— Comme… Ivre, tu veux dire ? Demanda Mirabella.

Son souffle caressait mon cou, ma nuque. Un frisson parcourut mon corps.

— Oui, comme ça.

Je me retournais face à mon amie qui était presque contre moi. Son regard bleu océan se posa dans le mien. Elle avança doucement, son visage à quelques millimètres du mien.

— Est-ce que ce serait si… Mal ? De se sentir comme ça ? Joyeux ? Désinhibé ? De s’amuser ?

La bouche de Mirabella était entrouverte. Je ressentais ce désir nouveau. Mon esprit m’envoyait des images de plus en plus entreprenantes. Non, je ne pouvais pas. C’était mon amie.

N’attendant pas ma réponse, Mirabella posa sa main contre l’étagère juste derrière moi. Je me retrouvais bloqué.

— Je s... sais pas, bafouillais-je.

La poitrine de Mirabella frôlait mon torse. Elle était si proche… Je la voulais encore plus proche.

Je résistais. Est-ce que c’était bien ? Est-ce qu’on le pouvait ?

Mirabella n’ajouta pas un mot de plus et avança son visage du mien. Maintenant, sa bouche n’était qu’à quelques millimètres de la mienne. Je sentais son souffle chaud contre mes lèvres. Elle bougeait légèrement la tête, semblant jouer avec moi.

Sans en contrôler le geste, ma main se glissa sur la joue de Mirabella. Sa peau était douce. Je la tenais fermement. Puis, je la descendis sur sa nuque.

Ne perdant pas un instant de plus, je l’attirais contre moi et l’embrassais. Sa bouche, aussi douce que je l’avais imaginé quelques secondes plus tôt, se pressait contre la mienne. Mirabella me poussa plus fort contre l’étagère de livre, appuyant sa poitrine contre mon buste.

Je sentis ses mains se presser contre ma nuque pour resserrer son étreinte. Elle prenait le dessus, et je la laissais faire. Ces ressentis étaient si bons, si intenses. Tel que j’avais pu le voir dans certaines fioles. Pourtant, je ne ressentais pas de l’amour. Non, c’était du désir. Un désir ardant qui était monté à mesure que les âmes montaient en moi.

Mirabella frotta sa cuisse contre la mienne, tout en remontant délicatement. Je sentais ses caresses à travers mon jeans. Mon pantalon me semblait désormais étroit.

Sa main descendit sur mon torse. Je sentais ma peau frissonner à son contact. Elle savait ce qu’elle faisait, et c’était agréable. Elle descendait encore, et encore et…

Un bruit derrière nous, nous ramena à la réalité.

En soirée. Nous étions en soirée. Avec des gens. D’autres gens. Qui pourraient nous voir. Nous entendre.

Je repris mon souffle. Mon désir était toujours brûlant en moi. Il ne repartirait pas de si tôt.

— On devrait… Y retourner… Murmurais-je.

— Oui.

Mirabella me fit un nouveau baiser, plus doux, plus délicat.

— Oui, répéta-t-elle simplement.

Je pris sa tête entre mes mains et l’embrassai de nouveau. Encore et encore. Je pressais mon corps contre le sien, comme si mon inconscient savait comment faire. Je posais une main contre sa poitrine, désireux.

Mirabella me repoussa gentiment, un sourire aux lèvres.

— On se retrouve dans ma chambre ensuite ? Me proposa-t-elle.

Je lui répondis par un nouveau baiser.

Puis, attendant quelques instants que mon désir se fasse plus discret, on rejoignit les autres.

— Bah, vous étiez où ? Demanda Célestin.

— On… Discutait.

Célestin fronça légèrement les sourcils, comme s’il n’était pas totalement convaincu. Melvin nous lança un regard, ses yeux brillants d’une lueur que je ne saurais décrypter.

Alice et Maxime rigolaient ensemble. Je les voyais se taquiner. Quand je vins m’asseoir à côté de mon ami, Alice leva la tête et me lança un regard noir. Que lui arrivait-il ? Maxime se pencha vers elle et lui murmura quelque chose à l’oreille. Elle pouffa.

Je détournais les yeux.

— Où en étiez-vous ? Demandais-je, essayant de me concentrer.

Un brun à ma droite m’indiqua que le jeu était terminé. Je voyais la lueur de son âme danser autour de lui. Je la sentais m’envelopper, me câliner, comme une vieille amie. Ses effluves jouaient avec moi.

Le jeune homme — Pierre — me posait des questions. J’avais du mal à me concentrer tant les images de ce que nous avions commencé avec Mirabella me hantaient.

Pierre me raconta son histoire d’amour avec Didier, assis à sa droite. Ce qu’il décrivait était un amour pur, sincère. Beau. Ce n’était pas ce que je ressentais pour Mirabella actuellement. C’était… Différent.

Même si ce n’était pas de l’amour, ce que je ressentais pour elle était fort. C’était mon amie, et je souhaitais la garder dans ma vie pour toujours. Mais, ce qu’on me décrivait ne s’appliquait pas pour elle. Pour l’heure, seul mon désir guidait mes gestes. Je n’en pouvais plus. Je voulais la sentir contre moi. Caresser sa peau…

Mirabella m’observait, désireuse. Je. N’en. Peux. Plus.

— Bon, tu te concentres Matt, cracha Alice.

Je me raclais la gorge et dus faire un effort surhumain pour poser mon regard sur elle. C’était très difficile de me concentrer. Alice paraissait de mauvaise humeur, mais je ne m’en souciais pas.

— Sur quoi ?

— Le nouveau jeu.

Je ne répondis rien. Mon regard se porta sur Célestin qui était toujours accompagné de Sophie et Antoine qui ne le lâchaient pas. Alice m’observait en silence. Ses joues étaient rougies. Son regard était perçant. Je me demandais ce qu’elle pensait actuellement.

Quand Maxime remarqua notre échange de regard, il vint serrer Alice contre lui. Ma mâchoire se contracta.

Mirabella vint s’installer à mes côtés. Son odeur m’hypnotisait. C’en était trop. Je la voulais. Maintenant. Tout de suite. Je ne pouvais rester une seconde de plus à cette soirée.

— Je vais vous laisser, dis-je, je suis fatigué.

— Moi de même, fit Mirabella, tout en bâillant.

J'ignorais si elle faisait semblant ou non. Je lui tendis la main qu’elle attrapa sans se faire prier. Nous souhaitions bonne nuit à tout le monde. Mon regard traîna quelques instants sur Alice. Elle m’observait d’un regard noir.

Reste avec ton Maxime.

Une fois avoir quitté la bibliothèque, nous montions les escaliers au pas de course. Arrivée dans le couloir de La Mort, Mirabella me plaqua contre le mur et m’embrassa avec passion. Je brûlais d’envie. Je la serrais contre moi et retournai son baiser, plaquant ma main contre sa nuque.

Avec empressement, elle ouvrit la porte de sa chambre avant de m’attirer à l’intérieur et de presser ses lèvres chaudes une nouvelle fois sur les miennes. Elle colla son corps contre le mien, caressa mon cou, mon torse. Puis, elle vint déposer sa bouche aux mêmes endroits que ses caresses.

Sans plus attendre, je déboutonnais son gilet avant de le jeter sur son bureau. J’embrassais le haut de sa poitrine avant qu’elle ne détache son soutien-gorge en dentelle, le laissant tomber à ses pieds.

Mon amie m’observa, interdite. À son tour, elle enleva mon t-shirt, mon pantalon et me poussa sur son lit. Elle défit sa jupe.

Son corps était éclairé par la Lune à travers sa fenêtre. Mirabella grimpa sur moi, le sourire aux lèvres, avant de plaquer son corps contre le mien et de m’embrasser. D’une main, elle caressa mon torse pour venir ensuite retirer le dernier obstacle entre nos corps. Un sourire se dessina sur nos lèvres.

Puis, cette soirée prit un nouveau tournant.

**

La lumière du jour agressa mes yeux. Une grimace déforma mes traits tandis que je protégeais ma rétine avec ma main. Un des bras de Mirabella était posé sur mon torse. Mon crâne me lançait. Mon ventre menaçait de rendre sa bile.

J’eus besoin de quelques minutes pour me remémorer la soirée de la veille. De Mirabella. De moi. De nos prouesses. De notre proximité.

Mon sourire s’élargit à ce souvenir. Tentant de ne pas réveiller Mirabella, je poussais délicatement son bras. Avant de commencer la journée, j’avais besoin de prendre une douche. Je sentais mes aisselles et me rendais compte que je puais le fauve.

Les douches de mon étage semblaient toutes occupées. Je récupérais ma serviette, déposais mes bijoux et descendis au rez-de-chaussée. Puisque cette salle de bain était partagée avec les humains, il y avait beaucoup plus de cabines.

Une fois sous l’eau chaude, j’essayais de reconstruire mes souvenirs de la veille. L’effervescence des âmes m’avait quelque peu troublé, si bien que j’avais du mal à recoller tous les morceaux.

Cependant, je me rappelais l’essentiel. De notre ébat passionné, de moi en elle… Peut-être que je devrais prendre une douche froide, finalement.

Tandis que je laissais mes pensées divaguer, quelque-chose me tracassait. Notre amitié m’était précieuse. J’espérais que ce qu’il s’était passé entre nous ne viendrait pas gâcher ce que nous avions.

Mirabella avait parlé d’amusement, peut-être que pour elle ça se résumait à ça. Une parenthèse dans le temps.

Et quelle parenthèse ! C’était la première fois que je faisais l’amour avec quelqu’un. Tout m’avait semblé naturel, fluide. Dans le feu de l’action, je n’avais pas eu à douter de moi. Il fallait dire que Mirabella était très entreprenante. Ça m’avait permis de me laisser guider par ses gestes.

Je passais une serviette autour de ma taille avant de retourner vers ma chambre. Sur le chemin, je croisais Alice qui paraissait attendre quelqu’un dans l’entrée.

Je sentis son regard sur moi.

— Il te mérite pas, lui lançais-je sans même daigner lui jeter un regard.

— Pardon ?

— Tu sais de quoi je parle.

Je montais les marches pour me rendre à mon étage. Quelques gouttes dans mes cheveux tombaient sur mes épaules.

— T’es sérieux ? Cracha-t-elle, montant à ma suite. C’est bien à toi de me dire ça. Tu t’es bien amusé avec Mirabella ?

Dans sa bouche, ça sonnait presque comme une insulte.

— En quoi ça te regarde exactement ?

— Et toi, ça te regarde qui me mérite ? Tu t’es pris pour qui ? Le Dieu des amours ?

— T’es ridicule. Retourne te frotter à lui et laisse-moi tranquille.

— Je te rappelle que tu as lancé cette conversation, en estimant bon de juger avec qui je couche.

— Je m’en fiche éperdument.

— Alors la prochaine fois, ferme-la !

Je plantais mon regard dans le sien.

— Tu sais quoi ? Démerde-toi avec ce mec, mais ne viens pas pleurer quand tu te rendras compte que j’avais raison.

— Merci de me montrer ton vrai visage de gamin. T’as quel âge ? Cinq ans ? Pour faire ce genre de réflexion à la con.

— C’est ça.

Au fond, elle avait raison. Que m’arrivait-il ? Je n’arrivais pas à me contrôler. Les mots sortaient tout seuls, sans que je puisse les retenir.

— Je pensais te connaître, mais je me suis trompée. T’es aussi enfantin que les autres, renchérit-elle.

— Alors casse-toi de ma vue, lançais-je, sans contrôle.

Calme-toi Matt.

Pourquoi est-ce que j’étais comme ça ? Que m’avait-elle fait ?

— Oh t’inquiète, tu n’entendras plus parler de moi. Compte bien là-dessus.

— Tant mieux, ça m’évitera d’entendre tes histoires avec ton playboy.

— C’est qui que tu traites de playboy ? Lança une voix masculine derrière nous.

Maxime nous observait et Alice redescendit vers lui. Je le fusillais du regard.

— Toi, connard.

Stop !

Pourquoi n’arrivais-je pas à reprendre le dessus sur moi-même ? Comme si ma bouche n’en faisait qu’à sa tête. Les ressentis en moi étaient trop forts, tellement forts qu’ils en étaient incontrôlables. Ils se jouaient de moi, comme une marionnette.

— Parle-moi mieux que ça, bouffon ! S’énerva Maxime.

— Tu n’as que ce que tu mérites. En te regardant, on voit quel type d’homme tu es.

— Oh, parce que toi, tu te crois mieux que les autres visiblement ?

— Probablement.

Je savais pertinemment que je méritais une bonne claque à ce stade. Mon arrogance était imbuvable.

Maxime bouillait.

— Ne te mêle plus de nos affaires ! Cria ce dernier en me pointant du doigt.

— Ne t’inquiète pas, je n’en ai plus rien à faire ! De toi, d’elle. Faites votre vie, lançais-je en levant les mains, comme si je venais de jeter mes poubelles dans une benne.

Dans sa fureur, Maxime tira sur ma serviette. Alice porta rapidement ses mains devant ses yeux, rouge de gêne. Heureusement que j’avais enfilé un caleçon en sortant de la douche.

— Loupé.

Un sourire narquois s’affichait maintenant sur mes lèvres. Les personnes présentent dans le hall nous observaient. Les discussions étaient des murmures, qui venaient rompre le silence entre les trois perturbateurs que nous étions.

Sans rester une minute de plus, je remontais. Melvin était adossé contre le mur dans les escaliers, les bras croisés. Je ne lui adressais pas un regard.

— Je te vois Matt. Et si je te vois, ils peuvent te voir aussi. À vrai dire, tout le monde t’a vu.

Melvin me fit face, m’empêchant d’accéder au couloir de La Mort.

— Qu’est-ce que tu veux toi ?

Je soutins son regard, l’air mauvais.

— Te prévenir. Ton cinéma attire l’attention sur toi. Attire leur attention.

— Qu’est-ce que tu veux avec tes menaces, au juste ?

J’approchais mon visage du sien, comme une bête prête à bondir. Melvin me regardait avec lassitude.

— Tu appelles ça des menaces ?

Un rire s’échappa des lèvres de Melvin. Toute cette histoire semblait l’amuser. Après tout, il m’avait dit qu’il était insensible à tout. Même à la mort de Vilenia.

— Tu crois que j’ai le temps pour tes conneries ? M’exaspérais-je en reculant. Tu crois que c’est le moment pour venir me faire chier ?

— C’est pas des menaces Matt. C’est un avertissement.

— Un avertissement ?

Melvin raccourcit l’espace entre nous deux, décroisant les bras. Ses muscles se contractèrent.

— Avec tout ce qu’il se passe, tu crois que c’est le moment de te faire remarquer ?

— Me faire remarquer ? Répétais-je, mauvais.

— T’as quand même conscience que ton comportement attire le regard du Grand Conseil ?

— Je me fous du Grand Conseil !

Les sourcils de Melvin firent un mouvement à peine perspectif. Son amusement ne le quittait pas.

— Tu leur diras la même chose quand ils viendront t’arracher ?

— Arrache-moi, pour voir ! M’énervais-je, bombant le torse.

Un nouveau rire s’échappa de ses lèvres augmentant ma fureur.

Mirabella avait raison, quel connard il pouvait être ! C’était un jeu pour lui ? C’était drôle de voir les autres se faire arracher par la R.D. ?

— Crois-le ou non Matt : je ne suis pas ton ennemi.

— Parfait, je décide de pas te croire.

Son sourire s’agrandit. Ses yeux brillaient d’une lueur différente, que je n’arrivais pas à interpréter. Melvin finit par me dépasser et se diriger vers les escaliers.

— Au fait, lança-t-il en se tournant de nouveau vers moi. Si tu souhaites te faire remarquer, je te conseille de remettre la bague de ton père. Et ainsi, cacher ton âme.

Melvin m'adressa un dernier sourire avant de partir. Si j’avais pu, je l’aurais foudroyé sur place.

Quelle merde !

Je donnais un coup de pied dans la poubelle.

Quelle journée de merde !

Pire que tout : Melvin était au courant pour mon âme. Mes jours étaient maintenant comptés. Il fallait à tout prix que je trouve les Anges Noirs. C’était une question de vie ou de mort.

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