3eme séance Le psy et Mathieu Mollet

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(Entre Mathieu Mollet)

Le psy : (Lui tendant la main) Bonjour monsieur Mollet.

Mathieu : (Lui serrant la main) Bonjour docteur.

Le psy : (Il s’assied, après avoir fait signe à Mathieu de s’allonger sur le divan. Il lit ses notes) Alors, monsieur Mollet, la dernière fois vous m’avez dit que votre chienne… (Il lit) Martienne, c’est cela ?

Mathieu : Oui.

Le psy : Martienne s’était plainte de rester trop longtemps seule à la maison.

Mathieu : Oui, j’ai réglé le problème, mais j’ai eu beaucoup de mal. Je lui ai d’abord trouvé une promeneuse de chiens. Si vous aviez vu la tête qu’elle m’a fait… et le reproches ! Un homme, elle voulait. Un homme. Elle m’a menacé : « Si demain je la revois encore, je lui mords les mollets. ». Comme le lendemain je n’en avais pas trouvé, j’ai dû prendre un jour de RTT. J’ai passé toute la journée sur internet. Finalement j’en ai trouvé un. Un brave monsieur de soixante-dix ans qui fait cela pour arrondir sa retraite. Il avait mis sa photo. Après l’avoir regardée elle m’a dit : « Un peu trop vieux pour moi, mais ça ira. » Ouf ! Depuis entre elle et lui, ça se passe très bien, d’autant que les autres chiens qu’il promène, sont de mâles ; alors, pensez donc si elle est ravie, d’être la seule femelle.

Le psy : Vous n’avez pas peur des conséquences ?

Mathieu : Je n’y ai pas pensé, à vrai dire. J’ai eu d’autres problèmes avec elle.

Le psy : Ah !

Mathieu : L’autre soir j’ai invité Séraphine, ma nouvelle conquête… Et encore, je ne devrais pas dire : conquête, cela fait tableau de chasse. Avec elle, c’est différent. Je sens que ça va être sérieux entre nous. Nous nous entendons bien sur tous les points. Jusqu’à l’autre soir, c’est moi qui allais chez elle. Entre parenthèses, je ne vous raconte pas les scènes que m’a faites Martienne. À mon avis elle doit être jalouse. Bref, l’autre soir, Séraphine est venue chez moi. Elle a passé toute la nuit. Autant vous dire que j’ai briefé Martienne, que je l’ai menacée : « Un seul mot de travers, et tu passeras la nuit dans le jardin. ». (Pause) C’est le lendemain soir qu’elle m’a fait ses commentaires : « Cette femme n’est pas pour toi. C’est un vrai boudin, et elle a les seins qui pendent. » (Pause) Oui, parce que le lendemain, lorsqu’elle partie prendre sa douche, elle est passée devant elle toute nue et, après lui avoir dit : « Oh tu es un beau chien, toi. » Elle l’a embrassée sur le museau. Furieuse elle était : « Non mais, pour qui elle se prend ? Un chien moi ? Elle ne sait même pas faire la différence entre un mâle et une femelle, alors que moi je sais faire la différence entre un homme et une femme ! Et puis, quelle horreur : avoir été embrassée sur la bouche par une femme. » (Pause) Bref, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres sur son compte. À mon avis elle est jalouse. Terriblement jalouse. Savez-vous ce qu’elle m’a dit un soir ?... « Si tu étais un chien, j’aurais aimé avoir des chiots avec toi. » (Pause) Une nuit elle est montée sur mon lit – j’aime beaucoup Martienne mais de là à ce qu’elle dorme sur mon lit, non. Donc, une nuit, elle a grimpé sur mon lit, je lui ai demandé de descendre. Furieuse elle m’a lancé : « Ah, si j’avais été une femme, tu m’aurais acceptée ! » (Temps. Avec amertume) Je ne sais plus quoi faire, docteur, cette possessivité de Martienne à mon égard, me pèse de plus en plus. Ma mère déjà était très possessive avec moi, je dirais même castratrice. Il m’en a fallu des séances de thérapie, pour m’éloigner d’elle. Depuis je vivais très bien. Il a fallu que mes yeux croisent son regard apitoyant, sa petite tête remuant de droite et de gauche qui semblait me dire : « Achète-moi. » Et je l’ai achetée. (Temps) Lui trouver un nom ce furent dix longues journées d’intenses tractations. Si le nom ne lui plaisait pas, elle se mettait à hurler et à me montrer les dents. Puis il y a eu ce petit miracle : « Martienne ». Je ne sais pas si c’est un ange qui me l’a soufflé, mais dès qu’elle l’a entendu, elle a sauté sur moi et s’est mise à me lécher en remuant sa queue comme si c’était une pale d’hélicoptère. (Temps) Je suis très inquiet, docteur. il se trouve que Séraphine vient de résilier le bail de son appartement pour venir vivre avec moi ; or si le courant passe très bien entre elle et Martienne – elle l’adore – la réciproque n’est pas vraie, et je redoute le pire, docteur. (Temps) Parfois je la regarde droit dans les yeux et je dis : « Esprit de maman sors de cette chienne ! ».

Le psy : Je vois, je vois. Vous n’avez pas songé à lui trouver un mâle ? Peut-être que son promeneur pourrait lui en présenter un. (Petit temps) Ça se passe comment au fait ?

Mathieu : Quand je rentre du travail et que je lui demande comment s’est passée sa journée, elle me répond : « Elle s’est bien passée. » et rien d’autre. Lorsque je lui demande de m’en raconter un peu plus, elle me lance d’un ton hautain : « Ma vie privée ne te regarde pas. »

Le psy : Elle est tout de même culottée.

Mathieu : Je ne vous le fais pas dire, docteur. (Temps) Je suis au désespoir docteur, dans un mois Séraphine va s’installer chez moi, et j’ai peur du pire.

Le psy : (Après réflexion) Je crois que Martienne a besoin d’une thérapie.

Mathieu : J’y ai pensé, mais existe-t-il de bons thérapeutes ?

Le psy : J’ai une consœur qui fait des miracles… enfin, façon de parler. Son dernier patient : mon poisson rouge qui était tombé amoureux d’un gorille.

Mathieu : (Presque dans un cri) D’un gorille ?

Le psy : D’un gorille. (Pause) Il tournait, comme d’habitude dans son bocal, pendant que je regardais un documentaire sur les gorilles. À un moment donné, j’ai entendu des gros : « Ploc ! Ploc ! » Je me suis retourné et je l’ai vu faire des bonds dans son bocal en se tapant les pectoraux avec ses nageoires… (Il imite le geste du gorille), comme ça. Affolé je me suis demandé s’il n’était pas tombé malade. Le vétérinaire l’a trouvé en parfaite santé physique, par contre psychiquement ça n’allait pas. Il m’a donné l’adresse de cette consœur qui, au terme d’une dizaine de séance, l’a remis d’aplomb.

Mathieu : Vous m’en direz tant.

Le psy : N’est-ce pas ? (Il note quelque chose sur une page de son calepin qu’il remet à Mathieu) Voici son adresse et son numéro de téléphone. Dites-lui que vous venez de ma part. Elle vous fixera un rendez-vous dans les plus brefs délais. (Il se lève. Mathieu fait de même) Monsieur Mollet, vous n’avez plus besoin de venir chez moi. J’estime que votre thérapie est finie. Cette séance nous a prouvé que ce n’est pas vous qui aviez besoin d’être aidé. (Il lui tend la main) Bonne chance monsieur, et donnez-moi des nouvelles de Martienne.

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