03. Samedi cocooning chez les bretons

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Maeva

L’un des meilleurs réveils au monde, outre un matin câlin avec mon mari, c’est de sentir le lit s’affaisser sous le poids de deux petites crapules alors que leur frangine les engueule déjà. Vive la vie de famille, et si tu n’es pas du matin, tant pis pour toi. Heureusement que je suis une habituée des réveils matinaux, même si je suis généralement seule un petit moment avant que la maisonnée ne se lève.

Je récupère ma nuisette posée au sol et l’enfile tandis qu’ils sautillent déjà sur le matelas. Un petit fauchage en règle est nécessaire pour recevoir, et donner, une bonne grosse dose de câlins. Le samedi matin, quand il n’y a pas besoin d’aller bosser, c’est mon moment préféré. Je plaide coupable, c’est un peu un rattrapage de la semaine…

— Il faut que je te supplie pour que tu te joignes à nous ? demandé-je à Albane qui est assise au bout du lit et nous observe.

— Il est dix heures et demie, Maman, c’est plus l’heure des câlins, tu sais ? On t’a attendue pour prendre le petit déjeuner avec Papa mais j’avais trop faim.

Dix heures et demie ? Oulah, je ne m’y attendais pas, à ça. Un coup d'œil à ma table de chevet et je grimace en constatant qu’Allan a dû récupérer mon portable pour me laisser dormir. Il est mignon, mais je déteste être coupée du boulot.

— Il n’y a pas d’heure pour les câlins, souris-je. Allez, viens avant que ton père ne prenne la place !

Albane ronchonne pour la forme mais nous rejoint tout de même, ce qu’elle ne fait plus toujours, puisque Madame est devenue une ado. Les câlins, c’est pour les gosses, apparemment.

— Vite, cachez-vous, pressé-je les jumeaux en les recouvrant des draps alors que j’entends Allan monter les escaliers. Chut, ne faites pas de bruit, surtout !

Les petits gloussent, se faisant repérer d’entrée même si leur père fait comme si de rien n’était en venant s’asseoir de mon côté du lit pour m’offrir un baiser.

— J’ai perdu les jumeaux, Chéri, aide-moi à les trouver, s’il te plaît !

— Non, on va en profiter pour manger plein de chocolat s’ils ne sont pas là. Et faire plein de jeux trop amusants avec Albane ! Qu’est-ce qu’on va rigoler sans eux !

— Papa ! On veut du chocolat, nous aussi ! s’écrient les petits en sortant de sous la couette.

— Ben voyons. Les chiens ne font pas des chats. Je suis sûre que tous tes mots de passe comportent le mot chocolat, et tu es déjà en train de les convertir, me moqué-je.

— Je les ai trouvés ! J’ai le droit à une récompense, non ? demande-t-il en tendant ses lèvres vers moi.

J’agrippe son tee-shirt et plante mes lèvres sur les siennes sans demander mon reste. Ça aussi, ça me manque en semaine, même si Allan fait toujours en sorte que nous nous trouvions des moments à deux, généralement le soir lorsque je rentre du boulot.

— La récompense vous convient-elle, Monsieur ?

— Elle est parfaite ! Tiens, voilà ton téléphone, il est chargé mais tu n’es pas obligée de l’allumer, hein !

— Hum, je vais vérifier qu’il n’y a pas de problème en prenant mon petit déjeuner. Merci, Chéri. Allez, oust, la marmaille ! Je m’habille et je vous rejoins.

Après un petit déjeuner plutôt solitaire où je gère quelques mails pendant que les petits monstres ramènent apparemment la salle de jeux complète sur la terrasse et durant lequel leur grande sœur rechigne à réviser avec son père pour son contrôle d'histoire, nous déjeunons en famille dans la joie et la bonne humeur. Si avoir une jeune ado qui boude à table rime avec bonne humeur… Je sens qu'Allan commence à s'impatienter, mais nous savons lui et moi que sa diplomatie est bien plus efficace avec Albane que mon côté directif, alors je me garde bien de l'ouvrir. De toute façon, mon téléphone sonne et c'est mon assistant, qui n'est absolument pas censé m'appeler le weekend. Apparemment, il est compliqué de comprendre que c'est lui qui gère le triage en semaine et que c'est à moi qu'on s'adresse le weekend…

— Je reviens et je ramène le fromage, soufflé-je à Allan en l'embrassant sur la joue. Zen, Papa, au pire on la coulera dans la piscine.

— Ne travaille pas trop, c’est samedi, soupire mon mari avant de porter son attention sur Albane. La bataille d’Azincourt, c’est 1415 ! Tu l’as appris la semaine dernière, voyons ! Tu ne te souviens pas des archers anglais qui ont ridiculisé les chevaliers français ?

— Sérieusement, qu'est-ce que je m'en fous, Papa, grommelle notre fille. Toujours des histoires sur les hommes, et on s'identifie à qui, nous, hein ? A part les princesses Disney, bien sûr. Y en a toujours que pour les hommes !

Je me retiens de rire en entendant Albane, digne fille de sa mère, autant par son fichu caractère que par sa capacité à toujours se rebeller. Mon pauvre petit mari n'a pas fini d'en baver avec elle, lui qui est si calme et posé, qui déteste les conflits et est le plus arrangeant des hommes.

Quand je regagne la terrasse après avoir appris que l'une des mannequins de notre prochain spot de pub a gentiment envoyé bouler le photographe et a quitté le studio, Albane écoute avec attention son père lui parler de Simone Veil comme s'il l'avait connue personnellement. Au moins, elle a arrêté de bouder, mais les jumeaux se lancent discrètement des grains de maïs dessus. Cette famille…

— N'oublie pas que ce n'est pas sur elle que tu seras interrogée lundi, quand même, ma Belle, lui rappelé-je en coupant un morceau de camembert pour les jumeaux, pêché mignon de la famille.

Oui, la nourriture et nous, c'est une grande histoire d'amour… Avant d’avoir les jumeaux, Allan et moi partions à deux un weekend par mois environ pour découvrir les produits des terroirs français, laissant Albane à ses parents ou aux miens.

— Le contrôle lundi, ça ira, Maman. Papa, ce qu’il m’apprend, c’est beaucoup plus intéressant ! Vous pourrez m’acheter un livre sur elle ? C’est trop cool ce qu’elle a fait !

— On regardera dans la bibliothèque, si tu veux, y a des chances pour qu’on en ait déjà. Tu as refait des yaourts, Mari Parfait ?

— Bien sûr ! me répond-il en souriant. Ils seront prêts ce soir seulement, par contre. Hier soir, c’était un peu chaotique à devoir tout gérer tout seul.

— Tant pis, pas de dessert ce midi alors, soupiré-je avant de chuchoter à son oreille. Il me faudra double dose ce soir, je peux te choisir comme second dessert ?

— Je crois que je vais zapper plus souvent le dessert, me répond-il en souriant.

— Ne me prive pas trop de sucré non plus, je risquerais de devenir agressive.

Je soupire alors que mon téléphone vibre sur la table et rejette l’appel de Gaëlle. Si Allan ne fait aucune remarque, son regard parle pour lui et ça l’agace, je crois que le pire, c’est la grimace d’Albane qui jette un œil à mon téléphone comme s’il était le Diable.

— Bon, opération maillot de bain ? Je crois que la piscine nous attend !

Ou comment réveiller les jumeaux qui fatiguaient. Un regain d’énergie accompagné de bras levés en direction de leur père. Je crois que je ne m’y ferai jamais. Albane était collée à moi, petite, sans doute parce que c’est moi qui étais à la maison, alors c’est logique que Mika et Nora se tournent naturellement vers Allan. Et comme toujours, mon petit mari est une crème et m’inclut dans l’enfilage de maillots et l’étape crème solaire. J’ai parfois un peu l’impression d’être une touriste dans ma propre maison.

L’après-midi file à vive allure, et je profite des petits jusqu’à ce qu’ils s’épuisent, gère même le bain alors qu’ils chouinent et pleurent pour un rien, histoire de permettre à Allan d’être tranquille un moment. Albane joue à la grande sœur, ronchonne, donne un coup de main en bougonnant, mais difficile de manquer ses sourires et la fierté qu’elle ressent quand Nora lui dit qu’elle est la meilleure.

Au moment du coucher, je participe à l’histoire et les embrasse avant que leurs yeux soient fermés… Pour la première fois depuis plus d’une semaine. J’ai fini par envoyer un message à Gaëlle en lui disant que je ne pouvais pas être dispo aujourd’hui, que les urgences attendraient demain matin ou ce soir, tard, et j’ai éteint mon téléphone qui s’illuminait bien trop souvent pour que je puisse profiter sereinement de ma journée en famille. Et une fois encore, je me dis qu’il faut que je lâche du lest, que je délègue, pour ne pas manquer cette première baignade de l’année, ce doigt plein de purée de Mika qui atterrit sur la joue d’Allan, ces rires adorables qui font battre mon cœur un peu plus fort, et ces “je t’aime, Maman” qui me rendent toute chose.

— Tu ne lis pas trop tard, ma Belle. Dans trente minutes, extinction des feux, glissé-je à Albane en m’asseyant au bord de son nouveau lit deux places, ado oblige, apparemment… Dis-donc, pratique pour les gros câlins en famille, ce lit !

Je ne lui laisse pas le temps de réagir et passe au-dessus d’elle pour m’allonger à ses côtés.

— Confortable… Attends que ton père arrive, je suis sûre qu’il va vouloir un câlin à trois, comme avant la naissance des jumeaux.

Ce qui ne manque pas, et Albane ronchonne, prise en sandwich entre ses parents, un sourire en coin difficilement dissimulé. Et moi, je suis plus crevée qu’après une journée au bureau. Je me laisse tomber dans le canapé en poussant un soupir de soulagement qui rompt le silence de la pièce l’espace d’une seconde.

— On se regarde un film avant d’aller au lit, Mari Parfait ?

— Tu as l’air fatiguée. Si tu préfères, tu peux aller te reposer et moi, je vais en profiter pour faire un peu de cornemuse dans le studio.

— D’accord… Comme tu veux. Amuse-toi bien alors.

Mon ton est neutre et je lui souris, mais j’avoue que sa réponse me déçoit un peu. Après avoir passé la journée en famille, je nous voyais continuer sur notre lancée en tête à tête. Tant pis pour le deuxième dessert, au moins, il ne me reprochera pas de bosser s’il est enfermé dans sa pièce.

— Tu viens me chercher avant d’aller au lit ? Tu sais comment je suis quand je suis dans mon monde, je pourrais y passer la nuit… Et puis, tu as un dessert à déguster, il me semble.

J’acquiesce pour la forme, lui offre un nouveau sourire, et l’observe s’enfoncer dans le couloir pour rejoindre son petit monde. Je ne suis pas fan des plans sexe prévus à l’avance et je pense qu’il peut s’asseoir sur le câlin de ce soir alors qu’il me laisse toute seule pour aller faire de la musique. Bon, je sais que c’est moi qui ai parlé d’un deuxième dessert, mais j’aurais fait en sorte de l’aguicher, pas de lui dire cash qu’il me doit une partie de jambes en l’air.

Oui, je suis contrariée, je plaide coupable, et je n’éprouve aucune culpabilité à aller m’enfermer dans mon bureau pour enfin savoir de quoi il retourne au boulot. Je sens que la semaine prochaine va être épique…

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