13. Le télétravail de la garde malade

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Maeva

Je referme la porte derrière moi d'un coup de pied et pose les jumeaux au sol, empêchant Mika de partir en courant. Je les fais asseoir sur la première marche des escaliers et leur enlève leurs chaussures, récupère mon oreillette Bluetooth qui se fait la malle au passage et souffle de soulagement en entendant la voix de Gaëlle.

— Hallelujah, elle est vivante ! Désolée de te déranger, mais j'ai un pépin et besoin de toi.

J'enfile ses chaussons à Mika et lui enlève sa veste alors que ma collaboratrice baille aux corneilles.

— Bonjour, Partenaire. Tu sais quelle heure il est ? Ne me dis pas que tu es déjà au boulot et que j’ai oublié une réunion ?

— Non, je suis chez moi avec un mari fiévreux et couché, dans mon entrée après avoir emmené Albane au collège. J'ai besoin que tu ailles au boulot aujourd'hui, Gaëlle. Au moins pour la présentation du projet salon de beauté, et pour la réunion avec la comptable, débité-je en offrant le même traitement à Nora.

— Ah non, aujourd’hui, ce n’est pas possible, c’est mon jour de repos. C’est sacré, tu le sais bien.

— Tu déconnes ? Je fais comment, moi ? Je laisse les jumeaux à Allan qui dort ? Sérieusement, Gaëlle, je peux pas quitter la maison aujourd'hui…

— Eh bien, moi non plus, je ne peux pas quitter la maison. Tu crois quoi ? Que ma fille va se garder toute seule ? Et je ne vais pas aller au boulot avec un bébé. Réveille Allan et va faire la présentation. Même s’il est malade, il devrait pouvoir garder les enfants, non ?

— Très bien, je te dépose les jumeaux dans vingt minutes alors, parce que mon mari est K.O. Prie pour que ça ne soit pas le COVID, vu qu'il passe ses journées avec eux, lui rétorqué-je en préparant le petit déjeuner pour mon homme. Mika, arrête tout de suite de tirer les cheveux de ta sœur, sinon tu vas aller au coin !

— Tu es folle, toi ! S’il y a un virus qui traîne chez vous, je ne veux pas te voir à la maison ! Reporte le rendez-vous à demain et je l’assure, là, c’est juste impossible.

— Bien, comme d'habitude, je vais me démer… me débrouiller, grimacé-je. Je suis ravie de pouvoir compter sur toi, en ce moment, c'est génial.

— J’ai toujours fait toutes mes missions, Maeva, et tu le sais. Aujourd’hui, je ne suis pas dispo, je suis toute seule à la maison avec ma fille et je ne peux pas faire autrement. Je n’ai pas un mari qui reste à la maison et fait tout ce qu’il faut pour que je puisse bosser, moi. Mon mari a un vrai boulot et on doit se débrouiller. Contente ou pas, c’est comme ça, je n’y peux rien si Allan est malade.

— Élever des enfants est un vrai boulot, pour info. Ce serait cool que le monde arrête de dénigrer les parents au foyer. Je te tiens au courant pour les réunions. Bonne journée.

Je tapote mon oreillette avant qu'elle réponde, déjà agacée par ce début de journée, et récupère mon téléphone dans la poche arrière de mon jean pour envoyer un message à Yoann lui demandant de décaler les rendez-vous du jour et de m'appeler au besoin.

Une fois mon plateau prêt, je me retrouve dans une situation plutôt inconfortable… Il me manque clairement un bras pour monter les jumeaux et le petit déjeuner. Nora étant moins dégourdie que son frère dans les marches, je la hisse sur ma hanche et demande à Mika de monter devant moi. Sacrée gymnastique de devoir les avoir tous les deux à l'œil…

Une fois installés dans leur chambre devant leurs jouets, je file dans la nôtre sans oublier de fermer la barrière en haut des escaliers. Je suis sûre que le chocolat chaud ne l'est plus vraiment puisqu'il a fallu que les loulous se chamaillent pour le même jouet, mais c'est mieux que rien, non ? Toujours est-il que je dépose le plateau sur la table de chevet, allume le babyphone pour avoir un œil sur les petits et m'assieds au bord du lit.

Allan bouge un peu, me sourit lorsque je caresse sa joue avant de grimacer en remontant la couette jusque sous son menton.

— Comment tu te sens ?

— J’ai l’impression qu’un bus m’est passé dessus, j’ai des courbatures partout et je crois que j’ai de la fièvre. Pathétique, non ? Tu n’es pas partie au travail ? Il va falloir que je me lève pour que tu puisses t’occuper de ton entreprise, dit-il en faisant mine de se lever.

— Reste couché, je vais gérer de la maison aujourd'hui. Tu n'es pas en état pour t'occuper des enfants, mon petit mari malade. Tu n'as même pas encore senti l'odeur du chocolat chaud, c'est un sacré indicateur, souris-je avant de déposer un baiser sur son front.

— Mais comment tu vas faire ? Je ne peux pas te laisser faire ça… Je ne suis pas si malade que ça, commence-t-il avant de s’arrêter, pris par une quinte de toux.

— Ne discute pas, tu veux ? Je vais appeler le médecin et te ramener un autotest avant, d'ailleurs. Et pour le boulot, c'est pas le plus important, là. Yoann gère pour décaler ce qui doit l'être.

— Oui, je crois qu’aujourd’hui, je ne vais pas être bon à grand-chose. Merci de t’occuper de moi, Chérie.

— Mange un peu avant de te rendormir, et bois surtout. Je déteste te voir dans cet état, soupiré-je. Et n'hésite pas si tu as besoin de quelque chose, OK ?

— Oui, oui, répond-il en se rendormant déjà.

Au moins, malade, j’échappe aux reproches. Je l'embrasse sur la joue et l'observe un petit moment, toujours aussi beau malgré les années qui s'accumulent. Il a gagné en charme, ses traits un peu plus marqués ne le rendent que plus charismatique. Bref, je suis toujours en adoration devant mon mari, malgré notre dizaine d'années de mariage.

C'est Nora qui déboule dans la chambre qui me sort de mes pensées, et je me dépêche de sortir en l'entraînant dans mon sillage. Je m'installe avec les enfants pour jouer avec eux et suis soulagée quand j'entends les petits bips dans mon oreille.

— Bonjour Yoann… Pitié, dis-moi que tu me sauves la vie aujourd'hui ! Et je t'interdis de te moquer de moi si tu m'entends gazouiller, parler comme une enfant ou je ne sais quoi.

— Jamais, je ne me moquerais de vous, Cheffe. Et j’ai réussi à tout reporter, sauf un rendez-vous. Mais je l’ai transformé en visio. Avec ou sans l’image, hein ? Et normalement, ça tombe pendant la sieste. Vous croyez que ça ira ou je dois faire le forcing ?

— Si je n'étais pas déjà mariée, je te demanderais de m'épouser, ris-je en faisant sautiller une peluche jusque sur l'épaule de Nora. Tu as déjà mis à jour le planning ? Personne n'a trop ronchonné ?

— J’ai mis à jour le planning, oui. Et ça a râlé, mais j’ai invoqué l’état d’urgence, ils ont tous cédé. Et… j’ai peut-être promis des petites faveurs en échange de quelques changements.

— Quel genre de faveurs ? lui demandé-je, suspicieuse.

— Oh, trois fois rien. Mais vous allez devoir manger un peu plus au resto dans les prochaines semaines. Et moi aussi, soupire-t-il. Je ne sais pas pourquoi, mais certains pensent que comme je suis votre assistant, vous allez faire tout ce que je demande.

— Hum… laisse leur croire que c'est le cas jusqu'à ce qu'ils acceptent mes demandes, et ramène les sur terre une fois qu'ils ont signé, plaisanté-je. Merci beaucoup pour ta réactivité, tu me sauves la mise.

— Je suis là pour ça, Maeva. Vous avez besoin que je travaille sur autre chose ?

— Hum… Comment est ma journée de demain ? Je ne suis pas sûre de pouvoir venir au bureau.

— Oh… demain, j’ai rempli l’agenda de Gaëlle, mais si vous ne venez pas, ça risque d’être compliqué. Et vous allez finir par me manquer, rétorque-t-il, un sourire dans la voix.

— Eh bien, j'ai bien peur qu'il faille faire avec… pour qu'Allan soit couché, c'est que ce n'est pas un petit rhume. Je vais sans doute passer déposer des documents au bureau ce soir en allant récupérer mon aînée au collège, histoire que Gaëlle n'ait pas à tout réimprimer demain. Tu vas pouvoir tenir quelques heures ?

— Oui, et si besoin, je peux vous appeler ?

— Bien sûr, je reste joignable au maximum, mais j'ai deux bébés et un mari malade sur le dos, ris-je. Je te rappelerai dès que possible si je manque un appel. Encore merci, Yoann, et bonne journée !

— Bon courage. Si besoin, je peux vous faire livrer un repas pour ce midi. N’hésitez pas à me solliciter.

— Ça va aller pour le repas. À plus tard.

Je raccroche et descends les jumeaux dans la salle de jeux. Je me débrouille pour installer mon ordinateur et gérer mes mails entre deux activités. J'avoue que le moment où je quitte leur chambre pour les laisser faire la sieste est particulièrement agréable. Le silence au rez-de-chaussée est salvateur… Je profite du temps qu'il me reste avant la réunion pour faire la vaisselle et ranger les jouets qui se sont échappés de la salle de jeux.

Vu ma tête, j'évite la visio et me contente d'essayer de ne pas m'endormir en écoutant blablater les experts comptables. Je coupe mon micro en voyant Allan descendre les escaliers, plateau à la main. Il semble toujours crevé, mais le doc ne viendra que demain matin.

— Tu as fait le test ? Tu te sens mieux ? lui demandé-je en enlevant un de mes écouteurs.

— C’est négatif, et je me sens mieux, oui. Toujours fatigué, mais je n’ai plus trop mal à la tête. Tu arrives quand même à bosser, toi ?

— J'ai juste une réunion qui n'a pas pu être décalée à un autre jour. Yoann l'a calée sur l'heure de sieste pour que je puisse l'assurer. Et elle est chiante à mourir. Tu as faim ? Besoin de quelque chose ?

— Non, tout va bien. Merci pour tout à l’heure et désolé d’avoir perturbé ta journée comme ça.

— Tout le monde s'en remettra, ce n'est pas important, Chéri. Je peux réclamer un câlin au moins, en compensation ? souris-je.

— Bien sûr, il faut bien ça pour me faire pardonner mon état. Enfin, peut-être qu’on devrait éviter si je ne veux pas te refiler mes microbes.

— J'ai dormi à côté de toi, cette nuit, alors c'est mort, si je dois l'attraper, c'est sans doute déjà fait, soufflé-je en me levant pour me blottir contre son grand corps. Ça fera les pieds à Gaëlle en plus, de devoir tout gérer au boulot.

— Si tu le dis, répond-il en me serrant fort contre lui. Je t’aime, Chérie.

— Je t'aime aussi, même malade comme pas possible. Et puis, tu es bien plus intéressant que de la compta.

Je profite de cette étreinte quelques secondes de plus avant de l'embrasser et de me réinstaller dans le canapé. Les autres ont semble-t-il continué à s'écouter parler, mais j'essaie de me concentrer malgré tout sur la fin de la réunion, même quand Allan s'installe à mes côtés plutôt que dans son fauteuil, son livre du moment à la main. Est-ce que l'épisode du mari malade permet d'oublier celui de la mère indigne qui emmène ses enfants au boulot ? Je l'espère, en tout cas.

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