20. Une journée presque parfaite
Allan
Ce matin, je fais l’effort de me lever tôt afin d’essayer de capitaliser sur la soirée que nous avons passée hier et qui a conclu de fort belle façon un weekend où Maeva et moi avons essayé de revenir aux fondamentaux de ce qui forme un couple : des échanges, des câlins, des temps à deux ou à cinq, avec les enfants et surtout, pas de travail qui s’immisce entre nous. Je l’ai bien vue plusieurs fois jeter un œil à son téléphone pour consulter ses mails mais je crois qu’elle a réussi à résister à la tentation de répondre immédiatement, voire même de répondre tout court. Et quand nous nous sommes retrouvés au lit, tous les deux, une fois les enfants couchés, nous nous sommes aimés tout simplement. Sans tout le tralala ou les excès d’un début de relation, mais sans aucun ennui ou lassitude non plus. Un moment de pure communion qui nous a ressoudés, je pense. Enfin, j’espère car je ne suis plus sûr de rien. Dans un coin de mon esprit, j’ai toujours cette horrible pensée que ce n’était qu’une petite parenthèse qui sera vite oubliée. C’est horrible de ne plus arriver à y croire totalement…
Je m’installe à la table où mon épouse prend son petit déjeuner mais elle semble déjà un peu ailleurs, son ordinateur portable à côté de son bol et le baiser furtif qu’elle m’offre me laisse un peu sur ma faim.
— Tu as un gros programme aujourd’hui ? lui demandé-je, plus par politesse que par réel intérêt.
— Yoann a déplacé deux de mes rendez-vous de vendredi après-midi dans les trous de ma journée, donc le timing va être serré, mais bon, j’ai l’habitude. Bien dormi ? Je ne t’ai pas senti bouger de la nuit.
— Non, j’étais bien avec toi dans mes bras. Bon courage, alors. Ne rentre pas trop tard, ce soir, cela nous permettra de continuer ce beau week-end.
— Je vais faire au mieux, promis. Quelque chose de particulier de prévu pour toi, aujourd’hui ?
— Le train-train quotidien, mens-je en me levant pour aller chercher du pain sur le comptoir.
J’ai prévu quelque chose, mais comme je veux lui en faire la surprise, je ne peux rien lui dévoiler. Pas ce matin, en tout cas. Elle a fini de manger, de son côté, et récupère son ordinateur qu’elle glisse dans sa petite pochette, me fait un baiser rapide du bout des lèvres avant de partir travailler, me laissant seul avec un petit goût d’inachevé que j’espère oublier ce soir avec la petite fête que j’ai prévue en l’honneur de l’anniversaire du jour où je l’ai rencontrée. Je ne sais pas si elle s’en souvient, mais il y a seize ans, alors que je m’étais décidé à sortir me promener, nos vies se sont croisées et de manière assez brutale. Elle m’est rentrée dedans, perdue dans l’observation d’un goéland dans le ciel et j’ai su, ce jour-là, ce que voulait dire l’expression “coup de foudre”. Enfin, c’était plutôt un coup de boule, mais ce n’est qu’un détail.
Je dépose Albane au collège en lui rappelant que ce soir, ce sera mon père qui viendra la chercher, et file chez mes parents pour y laisser les deux petits monstres qui vont y passer la nuit aussi. Grâce à mes parents, nous allons pouvoir nous offrir une petite soirée en amoureux et je compte bien profiter du calme de la maison pour reprendre les choses où nous les avons laissées hier soir. Rien que de penser à Maeva qui s’offre à nouveau à moi, je sens mon excitation revenir. Vivement que cette journée se termine !
Je passe la journée à tout préparer. Dès mon retour chez nous, je me mets aux fourneaux pour préparer un menu qui se compose de tout ce qu’elle et moi adorons. Je prépare une entrée à base de crevettes et crudités, et je m’efforce de présenter le plat comme sur la vidéo que j’ai trouvée sur Internet. Je suis plutôt content du résultat qui est très esthétique, je trouve. En plat, j’ai fait mariner un bon rôti que je vais servir avec des pommes de terres frites et des haricots verts. Pour le dessert, je prépare un tiramisu qui a l’air tellement bon qu’il faut que je me retienne pour ne pas le finir avant qu’il ne soit servi.
Je passe la fin de l’après-midi à préparer la salle à manger. Je positionne des bougies un peu partout dans la pièce et dresse la table en mettant une belle nappe, la vaisselle que l’on nous a offert en cadeau de mariage. J’ai une petite idée qui me vient alors que j’essaie d’aligner au mieux les couverts pour préserver la symétrie de l’ensemble et je file dans la chambre d’Albane récupérer du papier de couleur rouge sur lequel je dessine un grand coeur entouré de plein d’étoiles. Je le mets sur l’assiette de Maeva et admire le résultat final. C’est très cliché, tout ce que j’ai fait, mais je suis plutôt content de ce que ça donne. Je suis sûr qu’elle va adorer. Je lui envoie un message pour m’assurer qu’elle ne va plus tarder.
— Salut Chérie. Tu rentres bientôt ? Le repas est bientôt prêt et je file prendre ma douche. Je t’aime.
Sa réponse arrive alors que je suis tout nu, prêt à me glisser sous l’eau.
— Coucou mon petit mari. Je suis coincée au bureau pour le moment, je fais au plus vite, désolée. Je préférerais te frotter le dos sous la douche… Je t’aime.
Je grimace et espère qu’elle ne va pas être retenue trop longtemps. Pour la convaincre de se dépêcher, je lui envoie une photo de mon torse nu et de mon visage souriant, ce qui devrait aider à lui faire comprendre qu’elle a tout à gagner à rentrer vite. Je constate qu’elle a vu mon message, mais elle n’y répond pas.
Je sors de la douche et me prépare pour cette belle soirée que nous allons passer à deux. Je taille ma barbe et en profite même pour éliminer les poils de mon pubis, en me disant que ce sera plus agréable pour elle si elle souhaite me faire un petit plaisir. De retour dans notre chambre, je choisis une chemise noire que je trouve très classe et mets un pantalon sombre, lui aussi. Si James Bond était barbu, je suis sûr que je lui ressemblerais, ainsi.
Je regarde l’heure et constate qu’il est déjà presque dix-neuf heures. Je mets le rôti au four car souvent, c’est vers dix-neuf heures trente que Maeva rentre. Je vérifie que la bouteille de champagne que j’ai mise au frais a bien rafraîchi et que je n’ai pas besoin de la mettre un peu au congélateur pour m’assurer qu’elle soit à la bonne température et envoie un nouveau message à mon épouse.
— Le dîner est bientôt prêt, je t’attends. Je t’aime.
— Je pense être là d’ici une petite heure… Je t’expliquerai. Je me dépêche et, promis, j’essaie d’éviter le coup de boule en arrivant ! ;) Je t’aime et tu es vraiment canon, tu le sais ?
— Bien sûr que je le sais, et tu n’as pas vu la tenue que j’ai enfilée. Tu vas adorer. Je t’aime. Rentre vite.
Je baisse la température du four afin de ne pas brûler la viande et m’installe dans le canapé. Je vois que j’ai un mail de Jérôme qui m’a envoyé les éléments concernant le dernier cambriolage sur lequel il est en train d’enquêter. Je me plonge dans l’étude des pièces jointes et des éléments et ne vois pas le temps passer. Je suis sorti de mes lectures par le bruit de mon ventre qui exprime son impatience à être rempli et consulte ma montre. Je file sortir le rôti car Maeva ne devrait vraiment plus tarder. J’allume toutes les bougies et en rajoute quand je constate que certains coins en manquent. Tout est parfait, il ne manque plus que ma Chérie. Je tourne un peu en rond et espère qu’elle ne va plus tarder, sinon le plat va refroidir et il faudra que je le remette à chauffer. Ce ne serait pas la catastrophe, mais c’est mieux quand on le déguste comme il est là.
— Tu arrives bientôt ?
Je commence un peu à m’impatienter car il est déjà près de vingt heures trente et elle n’est toujours pas rentrée. Je garde les yeux rivés sur mon téléphone mais je ne vois même pas l’icône qui indique qu’elle est en ligne ou qu’elle a pu voir mon message.
— Tout va bien ? Je m’inquiète. Réponds-moi ! Tout est prêt pour notre petite soirée en amoureux.
Je sais, je suis pathétique à la bombarder ainsi de messages, surtout si elle est sur la route du retour, mais je ne peux pas m’empêcher de la contacter car je suis inquiet. Malheureusement pour moi, lorsque sa réponse arrive une dizaine de minutes plus tard, il me faut quelques instants pour comprendre ce qu’elle écrit, même si je suis rassuré qu’il ne lui soit rien arrivé.
— Je vais bien, mais ne m’attends pas, je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer. Le magasin de Saint Malo s’est fait braquer, je suis au poste. Désolée, je te promets de me rattraper. Je t’aime, Allan.
Comment se fait-il que ce soit à elle d’aller au commissariat ? C’est le gérant du magasin qui devrait y aller, non ? Et puis, ce soir, c’était à Gaelle d’assurer la permanence, elle m’avait assuré qu’on aurait la soirée pour nous. Je rage et je peste en silence, m’énervant et m’agaçant tout seul de la tournure que prennent les événements. Je ne lui réponds pas en me disant que ça ne sert à rien d’envenimer les choses mais éteins toutes les bougies. Cette odeur que j’adore d’habitude ne m’apporte pas la même joie que d’habitude. Je ne sais plus trop ce que je dois faire mais je commence vraiment à avoir faim. Je résiste encore une trentaine de minutes mais finis par me servir une assiette que j’avale rapidement, sans même prendre la peine de m’asseoir à table. Et tant pis pour le tiramisu ou les entrées, je n’ai finalement pas très faim et pas très envie de manger tout seul.
L’heure tourne et toujours pas de nouvelles de Maeva. Je suis vraiment déçu de son absence à cette soirée que je voulais spéciale et me décide, après avoir patienté encore un long moment, à aller me coucher. Je me débarrasse de mes habits que je laisse sur la chaise à côté du lit et m’enfonce sous les couvertures. On est loin de l’ambiance que j’imaginais en préparant tout. Moi qui me faisais une joie de partager ce moment avec elle, me voilà tout seul et frustré sous mes draps.
Lorsque j’entends enfin la porte s’ouvrir, j’hésite à faire semblant de dormir mais finalement, je rallume ma lampe de chevet lorsqu’elle pénètre dans la chambre.
— Désolé, j’étais fatigué, je me suis couché…
— Ne t’excuse pas, je comprends, soupire-t-elle en se déshabillant au bout du lit. C’est moi qui suis désolée…
— Tu as mangé, j’espère ? Que je n’aie pas passé la journée à cuisiner pour rien.
— J’ai pris une assiette d’entrée, je me ferai une lunch box pour demain midi. Je suis crevée aussi… C’était très bon, d’ailleurs, et joli, sourit-elle en se penchant pour m’embrasser rapidement. Je file me démaquiller et me brosser les dents, j’arrive
Je n’arrive pas à répondre à son baiser et me retourne afin de me diriger vers le mur. Lorsqu’elle me rejoint enfin et se colle derrière moi, je me rends compte qu’elle est nue et je sens ses mains caresser doucement mon dos et tenter de glisser dans mon short. Je la repousse même si elle a réussi à réveiller un peu mon corps endormi.
— Pas ce soir, je suis fatigué. Bonne nuit, Chérie.
— D’accord… Bonne nuit à toi aussi, murmure-t-elle en posant ses lèvres chaudes sur mon épaule avant de s’éloigner de moi.
Je m’en veux un peu de la repousser ainsi et de ne pas lui laisser une chance de se faire pardonner, mais son absence ce soir m’a fait trop mal. Après tous les efforts que j’ai faits pour que cette soirée soit parfaite, je suis vraiment blessé qu’une nouvelle fois elle ait préféré son travail à sa famille. Je ne peux m’empêcher de penser qu’elle aurait pu aller porter plainte demain matin, qu’elle aurait pu rentrer plus tôt. Je suis tellement plein de toutes ces pensées négatives que je ne parviens pas à m’endormir, ruminant mes reproches dans ma tête. Quelle magnifique fin de journée…
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