33. Anniversaire en kilt

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Maeva

— Allan ? Tu pourras descendre les chaussons des jumeaux au passage, s’il te plaît ? crié-je en bas de l’escalier.

Jumeaux qui sont tout excités d’avoir du monde à la maison, au point d’avoir sauté sur leur père qui a fini couvert de la sauce barbecue qu’il était en train de faire… Je ne sais par quel miracle, il a réussi à tout prendre sur lui, ce qui nous a évité une séance douche pour les tornades. Un vrai héros, ce papa.

Ne l’entendant pas me répondre, je monte les escaliers et le découvre torse nu, en train d’enfiler un caleçon.

— Mince, je suis arrivée trop tard pour te frotter le dos sous la douche, soupiré-je en me laissant tomber sur le lit.

— Effectivement, mais bon, ce n’est que partie remise, non ? Une fois tout le monde au lit, tu pourras me frotter plus que le dos si tu le souhaites.

— Tu as intérêt d’être encore en forme une fois que tout le monde sera parti, parce que sous cette robe se cachent de nouveaux sous-vêtements qui devraient te plaire. Peut-être même qu’il faudra que tu m’arrêtes parce que j’aurais été une très vilaine fille, d’ailleurs, Monsieur l’agent, soufflé-je en tirant sur la ceinture de son pantalon pour le rapprocher de moi et l’aider à boutonner sa chemise.

— Les menottes sont prêtes, Chérie. Et j’espère que tu as un bon avocat sinon la sanction devrait être très lourde !

Je souris, niaisement j’en suis sûre, me colle contre lui pour l’embrasser tendrement, et glousse contre ses lèvres en sentant ses mains remonter ma robe le long de mes cuisses. Je les attrape d’ailleurs pour les poser sur mes hanches en lui lançant un regard sévère.

— Quelle impatience, mon cher mari !

— C’est mon anniversaire, c’est normal que je veuille profiter de mes cadeaux, non ?

— Peut-être bien, oui, mais je crois que tu as bien profité de moi ce matin déjà, non ? Je veux dire… Le lit, la douche… On n’a plus vingt ans, j’ai commencé la journée crevée, moi, ris-je avant de lui peloter les fesses. Tu sais que tu es canon ?

— Merci, Chérie. Tu es magnifique aussi, répond-il en me détaillant des pieds à la tête.

— Attends de me voir sans la robe, susurré-je à son oreille.

Je glisse ma main dans la sienne et l’entraîne hors de la chambre pour rejoindre nos invités. Oh, il n’y a pas grand monde, un soir de semaine, et Allan préfère toujours qu’on fasse ça en petit comité. Mika et Nora sont respectivement installés sur les genoux du père d’Allan et de son meilleur ami et ancien partenaire, et Albane est en grande discussion avec sa grand-mère. Nous avons rapatrié la vaisselle à l’intérieur puisqu’il fait frais et que le vent souffle fort, ce soir, mais l’ambiance est agréable et aussi sereine que possible avec deux petits monstres encore en forme malgré l’heure. C’est d’ailleurs tellement agréable qu’Allan et moi nous arrêtons près du coin cuisine pour les observer.

— Mince, chuchoté-je en passant mon bras autour de sa taille pour l’enlacer, je crois que tu aurais pu déballer ton cadeau là-haut, finalement…

— On y retourne tout de suite ? me demande-t-il, amusé. Ils n’ont clairement pas besoin de nous.

Soyons clairs… depuis quelques jours que je suis en vacances, du moins depuis notre journée le nez dans la peinture, Allan et moi passons tout notre temps “libre” à fricoter tous les deux. Il y a des années que nous n’avions pas autant fait l’amour. Quant à savoir pourquoi, il ne faut pas se leurrer. Pendant que les corps communiquent, les cerveaux se taisent et personne ne blesse personne. Nous en avons tous les deux conscience, mais peut-être est-ce juste la première étape de la mission sauvetage de notre couple. Les corps s’apprivoisent et se retrouvent, la complicité refait surface, et nous pourrons ensuite poser les choses plus calmement. Du moins, je l’espère.

Nous sommes finalement repérés par Albane qui nous rejoint et attire son père dans le coin salle à manger. Elle le fait asseoir et lui intime l’ordre de ne pas bouger avant de revenir en cuisine pour que nous terminions de préparer le gâteau que nous avons concocté ce matin, pendant qu’il avait ordre de rester dans la salle de jeux avec les jumeaux.

— Tu veux essayer de mettre la chantilly toi-même, ma Puce ?

— D’accord, mais j’ai pas réussi la dernière fois…

— Et ? Si tu ne réessaies pas, tu n’y arriveras jamais, Chérie.

Albane acquiesce et récupère le siphon dans le réfrigérateur pour s’atteler à la finalisation de notre gâteau façon fraisier, qui nous a pris une éternité à faire. Entre la génoise, la crème pâtissière, la chantilly et les disques de chocolat, nous avons de quoi être fières de nous. Et je crois qu’une nuit torride sera plus que nécessaire pour éliminer les excès du dessert…

— Super, tu as assuré, Albane. Tu vois, toujours persévérer, souris-je en déposant un baiser sur son crâne.

J’allume les deux bougies qu’elle a installées, un trois et un cinq, qui ont déjà servi il y a quelques mois pour mon propre anniversaire, et vais éteindre les lumières. Les jumeaux sont tout contents d’entamer un “joyeux anniversaire” allègrement faux, accompagnés de leurs grands-parents, de tonton Jérôme, d’Albane et moi-même, et mon mari sourit de toutes ses dents avant d’éclater de rire quand les petits cherchent à monter sur ses genoux, à peine le gâteau posé devant lui. Je dépose un baiser sur sa nuque au passage et nous applaudissons tous lorsqu’il souffle ses bougies.

— Alors, tu le trouves beau, Papa ? lui demande Albane tandis que j’empêche in extremis Mika de tremper sa main dans la chantilly.

— Il est magnifique ! Vous êtes trop fortes ! Allez, on se fait une photo de famille avec le gâteau. Jérôme, tu peux la prendre ?

Je retiens le sourire perfide qui menace de faire son apparition sur mes lèvres en entendant Jérôme grommeler des mots incompréhensibles. Je crois qu’il n’a jamais été aussi distant avec moi que ce soir, et j’imagine aisément qu’Allan lui a parlé de notre situation et qu’il le fait sans doute depuis un petit moment, d’ailleurs. Est-ce que cette histoire de divorce vient de lui ? Tout est possible avec ce type.

Les parents d’Allan nous laissent d’abord prendre une photo tous les cinq et Albane se poste aux côtés de son père, quand je reste derrière eux en glissant mes bras le long de son torse jusqu’à ce que ma bouche soit à portée de son oreille, dont je mordille le lobe en lançant un regard provocateur au photographe. Je sais ce qu’il pense de moi, après toutes ces années, et ça me ferait presque rire si je n’avais pas conscience qu’il peut influencer Allan dans ses prises de décisions.

Une fois la séance photo terminée, le silence se fait à table alors que tout le monde déguste le gâteau. Albane observe un peu tout le monde et je souris en voyant Allan poser une main sur son épaule pour la rassurer. C’est tout simplement une tuerie, et mon côté nostalgique se rappelle de ces après-midis en cuisine avec ma soeur Mylène et ma mère, à essayer de sublimer nos petits gâteaux nature ou au chocolat avec le peu de moyens que nous avions.

— Dis, Papa, quand est-ce qu’on va enfin pouvoir t’écouter jouer de la cornemuse ? l’interroge Albane en se laissant aller sur la chaise une fois sa part terminée.

— Tu sais bien que je n’ai pas le niveau pour jouer en public, ma Puce. C’est juste mon petit hobby, rien de plus.

— Et alors ? On n’est pas un public, on est ta famille. Moi, j’aimerais bien t’écouter jouer.

— Ça fait trop de bruit, les jumeaux vont avoir peur… et je ne me suis pas encore assez entraîné, je pense.

— Moi aussi j’aimerais bien t’entendre jouer, soufflé-je. C’est frustrant de te voir t’enfermer dans ta pièce sans jamais voir le résultat… On s’en fiche si ce n’est pas parfait, Chéri. Enfin, tu fais comme tu veux, mais ça nous ferait plaisir, en tout cas.

— Allez, Papa, s’il te plaît ! Juste un peu.

— Je dois le faire en kilt ou bien avec ces habits-là, ça suffira ? finit-il par dire en se levant, résigné devant notre insistance. C’est vraiment parce que c’est vous et que vous m’avez fait plaisir pour mon anniversaire, parce que je ne me sens pas du tout prêt à jouer en public…

Je glousse de façon très peu discrète et sens mes joues rougir alors que tous les regards se posent sur moi. De mon côté, ce sont les yeux d’Allan que je percute, et j’avoue que l’idée de le découvrir en kilt vient clairement de créer un nouveau fantasme dans ma petite tête, ce qu’il semble comprendre si j’en crois le sourire qu’il m’adresse. Je ne savais même pas qu’il avait un kilt, bon sang !

— Un mec en jupette, la classe, commente Jérôme, gentiment moqueur. Remarque, t’es plus à ça près.

— Comme tu veux, Papa, fais-toi plaisir ! Et moi, je suis sûre que t’es prêt.

— Laissez-moi dix minutes, le temps de me préparer et de me chauffer un peu et j’arrive. D’accord ?

— Trop cool, s’extasie notre fille en lui sautant dans les bras.

Allan l’embrasse et file rejoindre sa pièce. J’en profite pour débarrasser la table et proposer un digestif à Jérôme et mon beau-père, une tisane à ma belle-mère, et nous nous installons au salon pour papoter en attendant le musicien qui traîne à nous rejoindre. Je suis à deux doigts de me lever pour aller voir s’il ne panique pas quand il fait finalement son apparition. Il a revêtu le tartan, les grandes chaussettes et la chemise blanche.

— T’es trop classe, Papa !

La cornemuse qu’il s’est achetée lors d’un voyage en Écosse sous le bras, il s’avance au milieu de la pièce et je le vois souffler dans un des tuyaux pour gonfler le sac de son instrument qui commence à vibrer doucement, même s’il fait attention à ne pas le presser sous son bras.

— Ready ? demande-t-il en attendant notre accord pour se mettre à jouer.

Je pose mes mains sur les oreilles de Mika, installé sur mes genoux, et constate que Jérôme fait de même avec Nora alors que nous acquiesçons tous religieusement. Classe, ce n’est pas exactement le mot qui m’est passé par la tête en le découvrant ainsi vêtu. Sexy ? Torride ? Merde, j’ai même pensé qu’Ewan McGregor en kilt pouvait aller se rhabiller, et pourtant, Dieu sait à quel point cet acteur peut me donner des bouffées de chaleur ainsi vêtu ou pas, d’ailleurs.

Je n’y connais pas grand-chose en cornemuse, toujours est-il qu’à aucun moment je ne grimace parce que ça sonne faux. Allan, d’abord un peu hésitant, finit par se laisser davantage aller et joue sans se poser de question. Et il a l’air d’adorer ça. Je ne sais pas s’il a déjà envisagé de faire partie d’un club ou je ne sais comment on appelle ça, mais ça vaudrait le coup de se renseigner, puisqu’il semble vraiment apprécier en faire. Ne me restera plus qu’à rentrer à l’heure les soirs où il devra s’y rendre…

Personne ne moufte, Mika repousse même mes mains de ses oreilles et bouge de gauche à droite comme s’il dansait. Albane, qui a grimacé en voyant son père en jupe, a les yeux qui brillent. L’ado fière de son père alors qu’elle passe son temps à bougonner, qui l’eût cru.

Le tableau qui suit me colle les larmes aux yeux. Tout le monde l’applaudit et les jumeaux s’accrochent à ses jambes en riant, Albane va lui faire un câlin, et moi j’observe ma petite famille avec le cœur gonflé d’amour. J’ai eu raison de monter au créneau lorsqu’il m’a donné ses fichus papiers, hors de question de ne plus vivre ce genre de moments ensemble.

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