35. Flirt et rendez-vous coupables

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Maeva

Je sens les mains d’Allan glisser sous le haut de mon maillot de bain alors que je tourne la tête à l’opposé pour regarder où se trouve Albane. Si j’ai l’air plutôt froide et sans réaction au premier abord, intérieurement, je bouillonne. Parce que je n’ai pas seulement observé cette nana, non, j’ai aussi vu le regard de mon mari. C’est un peu comme en cas d’accident de voiture. Tout se passe rapidement, mais on a l’impression que le temps s’éternise et on a le temps d’analyser toutes les possibilités : virer à gauche et taper la voiture qui vient en face ? Garder la trajectoire et taper le cul de la voiture qui pile devant ? Ou s’enfoncer dans le fossé et risquer de se prendre le poteau électrique ? Là, du peu que j’ai vu, elle lui plaît, et je ne suis pas sûre qu’il ait été honnête avec moi. J’en ai mal à l’estomac…

J’ai vu ma mère blessée par mon père, s’accrocher à leur couple pour le bien de la famille. Ouais, je l’ai vue pleurer en pensant qu’on ne la voyait pas, fouiller les poches de mon père, se monter des films quand il rentrait en retard de sa journée de boulot… douter de toutes les femmes qu’ils côtoyaient, tous les deux, aller jusqu’à le fliquer dès qu’il sortait. Hors de question de vivre ça, je ne m’abaisserai pas à devenir l’ombre de moi-même pour un homme, peu importe combien je l’aime. Il n’y a rien de pire que de ne plus avoir confiance en sa moitié, parce qu’il nous vole notre confiance en soi au passage.

Mon corps réagit naturellement lorsque je sens les doigts d’Allan effleurer la naissance de mes seins, et un frisson me parcourt malgré la chaleur de l’air ambiant. Je n’arrive pas à m’empêcher de jeter des coups d'œil en direction de Pamela Anderson. Oui, je suis mesquine, surtout que sa poitrine est moins opulente que celle de l’actrice et assurément naturelle, mais son bikini, lui… Fait chier, moi j’ai opté pour un truc sage, toujours quand les enfants sont là. Et puis, je déteste les mecs au regard insistant, comme elle qui n’arrête pas de tourner la tête dans notre direction. Une partie de moi a envie de marquer mon territoire, mais m’abaisser à ça, déjà tout à l’heure, ce n’est pas vraiment moi.

Je me retourne finalement sur le dos pour arrêter de me préoccuper de la blonde, et agrippe la nuque d’Allan pour l’embrasser de manière bien trop possessive. Râté pour ne pas jouer l’adolescente jalouse, Maeva, mais je n’arrive pas à m’en empêcher. C’est totalement ridicule.

— Tu me passes la crème, s’il te plaît ? Que je finisse le boulot…

— Je peux le finir moi-même, me répond-il avec un sourire charmeur.

Il se retourne pour récupérer le tube et je ne manque pas le petit coup d'œil qu’il lance en direction de la blonde. Regard qui me fait totalement vriller intérieurement. Je ne suis pas loin de réagir plus virulemment à l’extérieur, mais Albane est dans les parages et je ne veux pas qu’elle assiste à ça.

— Ça va aller. Je vais rentrer, finalement, marmonné-je en rangeant mes affaires dans mon sac. Je vois bien que ce n’est pas ici que tu as envie d’être.

— Mais… pourquoi tu dis ça ? s’affole-t-il en posant sa main sur ma jambe pour me retenir.

— Parce que toucher ta femme en en zieutant une autre, c’est assez révélateur… Alors, tu es gêné de me toucher devant ta maîtresse ou tu as peur de foirer ton coup en t’affichant devant elle avec moi ? continué-je en enfilant ma robe de plage sans arriver à me lever pour autant.

— Mais, je ne comprends pas ! Je t’ai dit que je n’avais pas de maîtresse, Maeva. Pourquoi tu te mets dans cet état ? Je m’en fous des autres, c’est toi que j’aime.

— Si tu t’en foutais vraiment, d’elle, j’en aurais déjà entendu parler, comme de l’apprentie du boulanger qui te draguait à chaque fois que tu y allais, ou la prof de français d’Albane de l’an dernier qui te faisait du rentre-dedans. Sauf que je n’ai pas entendu parler de Tiffany, et ça veut tout dire.

— Mais qu’est-ce que tu vas t’imaginer ? m’interroge-t-il en me relâchant enfin, visiblement sous le choc de ce que j’insinue.

— Donc elle ne te plaît pas ? Tu ne lui as pas fait du charme ? Il ne s’est rien passé entre vous ?

— C’est quoi toutes ces questions ? Tous ces doutes tout à coup ? Tu cherches une raison de dispute ? Tu en as assez de jouer à la mère et l’épouse parfaite ? m’attaque-t-il sans répondre à la question. Ce n’est pas moi qui lui ai fait du charme, c’est elle qui m’en a fait. Elle m’a même embrassé, si tu veux tout savoir, mais je l’ai repoussée. Parce que ce n’est pas elle, la femme de ma vie, c’est toi.

— Je te signale que tu m’as tendu les papiers de divorce y a même pas une semaine, alors permets-moi de me demander si tu n’as pas déjà trouvé quelqu’un d’autre et si je n’ai pas des cornes. Et bon sang, je crois qu’on a tous les deux notre quota de disputes, je ne cherche pas à tout prix à ce qu’on s’engueule, mais si tu continues à me dire que je joue la comédie, je pense qu’on va avoir un gros problème, Allan.

— Je crois que le problème est là depuis un moment, soupire-t-il. Tu fais quoi, là ? Tu veux qu’on rentre à la maison ?

Ce que je fais ? Je n’en sais strictement rien. Tout ce dont j’ai envie, là, c’est de ruer dans les brancards et d’aller sermonner Pamela. Ou me planquer sous la couette pour essayer de me calmer, de réfléchir plus posément à tout ça. Est-ce que j’en fais des caisses ? Est-ce que je surréagis ? Sans doute, mais j’aimerais bien le voir à ma place, tiens. Il aurait au moins le même genre de réaction, si ce n’est pire. Il y a bien longtemps que la jalousie ne s’est pas infiltrée comme ça dans tout mon être. Je me sens tendue comme un arc et mes pensées fourmillent bien trop à mon goût. Comme quand Jérôme a été remplacé pendant quasiment deux mois par une petite nénette qui aurait dû faire du mannequinat plutôt que d’être dans les forces de l’ordre. Sauf qu’Allan agissait simplement comme un collègue, et je m’étais fait des films à outrance…

— Tu sais que j’ai envie de la tuer de t’avoir touché ? Et que d’apprendre ça maintenant, après que tu m’as dit que tu voulais divorcer, ça me pousse forcément à m’interroger ? Imagine-toi à ma place une minute…

Je le vois perplexe et sans réponse à mes remarques. Il baisse la tête et essuie une larme, je pense, avant de replonger ses yeux dans les miens.

— Tu as raison, à ta place, je crois que pèterais les plombs… Je… On a dit qu’on prenait un nouveau départ avec ces vacances, non ? C’est le moment de se faire confiance, de s’appuyer sur tout ce qui nous a construits depuis toutes ces années.

— J’aurais aimé que tu m’en parles, Allan. Là… j’ai juste l’impression que ça cache d’autres choses et ça me fait flipper.

— Comment je pouvais te parler de quoi que ce soit alors que tu n’étais jamais là ? Et que moi, j’étais plein de doutes sur moi, sur nous. Je… je suis désolé, Maeva, je sais que j’aurais dû t’en parler, mais je n’ai pas pu, je n’ai pas su… Je ne veux pas te perdre, ça, c’est tout ce que je sais.

Ben voyons… Joli discours, mon Coeur. Sans compter le petit reproche au passage. Il ne manquait pas de temps pour m’en faire, d’ailleurs, même si je n’étais jamais là. Je sais qu’il faut que je lâche l’affaire, que je continue à lui faire confiance. Après tout, il ne m’a jamais donné de raison de douter. Mais c’est plus facile à dire qu'à faire, et là, je me sens juste blessée par son attitude, en colère contre cette pouffe, mais aussi contre moi-même. En un sens, si Belle Breizh ne prenait pas tant de place dans ma vie, il n’aurait sans doute pas eu besoin de se sentir important et désiré…

Je me rallonge sur ma serviette en soupirant, non sans avoir jeté un regard vers Albane qui s’éclate toujours dans l’eau et semble s’être fait des copains pour l’après-midi. Les jumeaux ne sont pas visibles, occupés je ne sais où avec les animateurs, et ce moment pourrait être parfait s’il n’y avait pas une nouvelle pierre sur le chemin qu’Allan et moi parcourons main dans la main. Une pierre au bikini rouge qui me sort par les yeux sans même que je la connaisse.

— Passons à autre chose… Je n’ai pas envie qu’on discute de ça tout l’après-midi, ni à imaginer ce qui s’est passé entre vous… Ça me file la gerbe.

— Tu veux passer à quoi ? me demande-t-il tristement. On va se baigner ?

— Vas-y si tu veux, mais vu le temps d’hier, elle va être trop froide pour moi. Avant que tu y ailles, je voudrais te parler d’un truc, soupiré-je. Et j’aimerais que tu me promettes de ne pas t’énerver, même si je ne doute pas que tu en auras envie…

— Je ne sais pas si j’ai encore le droit de m’énerver. J’ai déjà bien gâché cet après-midi qui s’annonçait pourtant parfait…, indique-t-il, un peu abattu.

Crois-moi, Chéri, bientôt tu vas oublier que tu viens de fissurer mon petit cœur amoureux…

Je cherche la meilleure façon d’amener les choses, mais il n’y en a pas vraiment, j’en ai bien peur.

— Tu sais que j’ai dû réorganiser tout mon planning, mais aussi celui de Yoann et Gaëlle pour pouvoir prendre ces quinze jours de congés… Il n’y a qu’un rendez-vous que je n’ai pas pu déplacer, et c’est demain après-midi, pendant la sieste des jumeaux. Cet emmerdeur refuse de voir Yoann parce qu’il manque d’expérience, et Gaëlle parce qu’il n’a traité qu’avec moi jusqu’à présent…

— Il ne pouvait pas attendre une dizaine de jours ? Dis-moi que c’est en visio, au moins… Tu ne vas pas encore une fois retourner à Belle Breizh ?

— Non, je ne voulais pas prendre le risque d’être alpaguée de partout en allant au bureau, je dois le retrouver dans un espace de travail partagé. J’ai fait mon possible pour changer le rendez-vous, mais on a vraiment besoin de son argent pour la suite.

— De toute façon, quoi que je puisse dire, tu vas y aller, non ? J’espère seulement qu’il ne va pas te demander de coucher avec lui pour qu’il accepte de te donner cet argent…

— Fais attention à ce que tu insinues, Allan, sifflé-je. Ne deviens pas méchant et injuste alors que je me plie à tes volontés pour essayer de sauver notre mariage.

— Je ne suis pas méchant et je n’ai rien insinué du tout, me contre-t-il. Je pense juste qu’un type qui croit que tu vas lui manger dans la main est le genre de mec à tout se permettre. Si c’est ce qu’il faut que tu fasses pour sauver ton entreprise, fais-le. Heureusement qu’on n’est pas partis en Irlande les deux semaines comme je le voulais au départ.

— S’il ne me fait pas son chèque demain, je lui pourrirai la vie. J’ai déjà assez courbé l’échine. Et je ne le laisserai pas me toucher. Je ne laisse personne s’approcher suffisamment de moi pour recevoir un baiser par surprise, et encore moins MacMillan, alors ça devrait aller, marmonné-je en récupérant mon livre dans mon sac.

— En plus, c’est pour cet enfoiré que tu gâches une journée de tes vacances ? J’espère qu’il a un gros portefeuille, alors, que ça vaille le coup. Mais bon, comme tu me le fais si bien remarquer, je n’ai rien à dire, juste à la fermer et à attendre patiemment à la maison ton retour.

— J’ai parlé de deux heures, pas d’une journée, Allan… Et quand bien même c’est compliqué entre toi et moi, je préférerais être à la maison plutôt qu’en sa compagnie.

— Ouf, j’ai encore au moins ce privilège-là, me répond-il en m’adressant un timide sourire. J’avais cru être descendu encore plus bas que ça, me voilà rassuré. Et dis-moi que tu ne vas pas le voir pour me punir, mais vraiment parce que c’est vital pour ton entreprise.

— Même si je suis fâchée et qu’une petite partie de moi a envie de t’amputer de ton service trois pièces, ce n’est absolument pas une vengeance, je t’assure. Sans lui, on ne s’ouvre pas sur l’Europe. Il a le portefeuille mais aussi des contacts. Tourne-toi, tu vas cramer si tu ne mets pas de crème solaire, tu rougis déjà, Monsieur l’agent, grimacé-je en me redressant. Y a longtemps que j’ai abandonné l’idée de te voir tout bronzé, mais j’aimerais quand même éviter de me coucher auprès d’une écrevisse.

Et je vais prendre un malin plaisir à lui étaler de la crème dans le dos, sous les yeux de Pamela. A défaut d’être suffisamment impulsive pour aller lui dire ses quatre vérités, je compte bien lui montrer que je suis encore dans le paysage et qu’elle a plutôt intérêt à garder ses sales pattes dans ses poches… en espérant que mon mari en fasse de même et que je ne sois pas le dindon de la farce, en train de me ridiculiser parce qu’elle l’a déjà eu…

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