42. Un dîner presque parfait

9 minutes de lecture

Allan

Je referme la porte du four, content d’avoir enfin terminé ma préparation de ce gratin malgré les interruptions incessantes dues aux jumeaux qu’il faut occuper sans cesse. Vivement qu’ils aillent à l’école, ces deux-là, et je souhaite bien du courage à l’instit qui va devoir s’en occuper. En attendant, je regarde l’heure et soupire car mes parents vont bientôt arriver et la maison est dans un état de désordre qui ne va pas leur plaire, c’est certain. Ce matin, j’ai pourtant passé un bon moment à tout nettoyer et tout ranger, en profitant que les enfants jouaient dehors, mais tout seul, j’ai du mal à suivre le rythme et je sens que je vais me prendre des remarques de mon père sur tous ces jouets qui traînent dans le salon ou la table qui n’est pas dressée comme ils me l’ont appris quand j’étais enfant.

J’appelle Albane du bas des escaliers et file dans la salle de jeux pour que les enfants viennent me donner un coup de main pour ranger.

— Allez, fini de jouer, les petits monstres ! Papy Jo et Moma vont arriver ! Allez ramasser tous vos jouets qui trainent dans le salon ! Albane, tu peux leur donner un coup de main, je vais m’occuper de la table.

— Bien sûr, j’adore être leur esclave, marmonne mon aînée. Pitié, arrêtez-vous à trois enfants, je refuse de passer ma vie à m’occuper de petits monstres.

— Je crois que tu peux être tranquille, à ce sujet, ris-je en lui faisant un bisou. Heureusement qu’ils grandissent et que ça devient plus facile chaque jour !

J’ai à peine eu le temps de débarrasser tous les papiers et feutres que les enfants avaient laissés sur la table que j’entends la sonnette. Je jette un oeil dans le salon et constate que grâce à Albane, la situation ressemble moins à un champ de bataille qu’avant, même si tout n’est pas parfait, et ouvre la porte pour constater que mon père a une bouteille de vin à la main et que mes parents, comme à chaque fois qu’ils sortent et même si ce n’est que pour venir chez nous, se sont mis sur leur trente-et-un.

— Bonjour Papa ! Tu vas bien ? lui demandé-je en lui faisant la bise avant de le laisser entrer.

— Oui, l’été est agréable et je vais passer la soirée avec vue sur mer et mes petits-enfants. Que demander de plus ? Et toi, la forme ?

— Ça va, il ne fallait pas pour la bouteille. Bonjour Maman, tu es ravissante, ce soir. Tu sais que ce n’est que nous, je n’ai invité aucune personnalité ! me moqué-je gentiment.

— Il faut bien que les vêtements servent, non ? Et puis, j’ai encore le droit de m’habiller comme je le souhaite, rit-elle. Tu veux un coup de main pour quelque chose, mon grand ?

J’hésite un instant car tout n’est pas encore prêt, mais je ne veux pas m’attirer les foudres de mon père qui, quand il est invité quelque part, se croit comme au restaurant, à ne rien avoir à faire.

— Eh bien, non, tout est prêt ou presque. Allez donc au salon, les enfants y sont. Maeva n’est pas encore rentrée mais ne devrait plus tarder, vu l’heure.

— Oui, comme d’habitude, marmonne mon père en s’éloignant alors que ma mère soupire.

— Il s’est levé du pied gauche, ce matin… Ne t’occupe pas de lui.

— Eh bien, j'espère que ses petits-enfants vont le dérider, lui glissé-je discrètement avant d'aller récupérer des assiettes dans le buffet.

Je commence à dresser la table et entends avec plaisir les rires joyeux de Mika et Nora à qui mes parents ont sûrement ramené de nouveaux jouets. Ils sont gâtés, c'est sûr, me dis-je affectueusement alors que mon téléphone se met à vibrer dans ma poche.

— Coucou Chérie. Tu es en route ? Mes parents viennent d'arriver.

— Pas encore, Amour, soupire-t-elle à l’autre bout du fil. Faut toujours que quelque chose me tombe dessus quand je veux rentrer tôt…

— Dépêche-toi, il paraît que mon père n'est pas de bonne humeur…

— Ton père est toujours de mauvaise humeur, rit-elle. Ou bougon, tout du moins. Il va se détendre en jouant avec les jumeaux. Bref, je fais au plus vite, mais commencez sans moi.

— Tu es en retard à ce point-là ? me lamenté-je. Je vais gérer mais ne tarde pas trop quand même, tu as assez travaillé pour aujourd'hui.

— Je fais au mieux, Allan, qu’est-ce que tu crois ? Je n’ai aucune envie de passer ma soirée au bureau, figure-toi.

— Bon courage, Chérie. A tout à l’heure.

— Merci… Gaëlle et Yoann sont là aussi, ça devrait ne pas trop tarder. A plus tard, Chéri.

Je préfère couper court à la discussion car je sens qu’elle s'énerve alors que ce n'était pas du tout l'objet de ma remarque. Je suis vraiment convaincu qu'elle travaille trop et je sais parfaitement qu'elle fait au mieux, ce n'était donc pas une critique mais un vrai encouragement à ce qu’elle nous rejoigne rapidement. Parfois, surtout quand elle est fatiguée ou un peu stressée, elle est à fleur de peau.

Je finis de tout préparer et rejoins ma petite famille dans le salon. Mon père, en bon patriarche, est assis sur le fauteuil et supervise de loin les opérations tandis que ma mère et Albane aident les jumeaux à monter ce qui doit être un petit circuit pour des voitures.

— Le gratin est bientôt prêt, on ne va pas tarder à passer à table. Et Maeva vient d'appeler, elle aura un peu de retard, mais on a sa permission, on peut commencer à manger sans elle.

— Eh bien, si nous avons la permission de ta femme, grommelle mon père en hissant Mika sur ses épaules. C’est quand même moyen, elle a l’air de ne jamais être à la maison.

— Elle fait des efforts, Papa. Mais c'est vrai que c'est une période un peu critique pour Belle Breizh, et ça l'occupe bien. Elle arrive à des résultats formidables, tu sais ?

— Au prix de votre vie de famille, oui. Tu sais ce que je pense de tout ça.

— On sait, Vieil Ours, rétorque ma mère. C’est vrai qu’elle doit manquer de temps pour vous, mais tu dois être tellement fier d’elle, mon grand.

J'ai envie d'embrasser ma mère de prendre ainsi ma défense et lui adresse un grand sourire.

— À table ! Et allez vous laver les mains, les enfants.

Mon père n'est cependant pas dupe de mes tentatives de diversion et revient à la charge, toujours aussi remonté contre sa belle-fille.

— Ses efforts sont moins remarquables que son absence ce soir. Ça doit te manquer de ne pas la trouver à la maison en rentrant du boulot… Enfin, vu qu’elle t’y a cloîtré, elle, elle doit être bien contente de te trouver là quand elle a du temps à te consacrer.

— Je ne suis pas cloîtré ici, tiqué-je en essayant toutefois de garder mon calme. Et chacun ses choix, Papa. C'est un vrai bonheur de passer tout ce temps avec les enfants.

Je grimace cependant en les entendant se disputer dans la salle de bain et file les retrouver pour régler leur conflit avant qu'il ne dégénère. Lorsque je reviens à table, mon père reste silencieux et seuls les jumeaux ne se rendent compte de rien et continuent à babiller comme si de rien n’était. Je fais le service et l'ambiance se détend peu à peu. Je ne peux m'empêcher de jeter de fréquents coups d'œil à mon téléphone mais reste sans nouvelle de Maeva. Ce n'est qu'au moment où je ramène la salade de fruits que j'ai préparée que nous entendons la porte d'entrée s'ouvrir.

— Ah, voilà Maman, les enfants ! annoncé-je en souriant.

Mon père fait la moue mais je pense que je suis le seul à m’en rendre compte car l’attention de tous est portée vers mon épouse qui arrive, toujours aussi jolie même si elle a l’air fatiguée.

— Bonsoir, désolée pour le retard, lance-t-elle en allant déjà embrasser et câliner Albane et les jumeaux.

— Ce n’est rien, dis-je en la serrant dans mes bras. Tu peux te faire une assiette avec le gratin qui est en cuisine et nous rejoindre. Tout va bien ?

— Ouais, dépêche-toi parce qu’on a presque fini, intervient mon père. Et bonsoir, hein.

— Une seconde, Beau-Papa, une seconde. Je sais que je vous ai manqué, mais quand même, plaisante-t-elle en allant l’embrasser sur la joue avant de faire de même avec ma mère. Tout va plutôt bien, oui. Je suis contente d’être enfin à la maison.

— Tu m’étonnes, ne puis-je m’empêcher de dire. Tu travailles trop ! Viens vite t’asseoir pour enfin te reposer. Et Papa, pas de remarque, nous sommes tous là, c’est tout ce qui compte !

— Je vais me faire une assiette, j’arrive, me répond-elle avant de poser ses lèvres sur les miennes et de reprendre en chuchotant. Merci, Amour.

J’adore quand elle m’appelle comme ça, quand elle m’embrasse et j’ai un petit sourire niais quand mon père se permet à nouveau de faire une remarque.

— L’Amour n’a pas fini de rendre bête, mon fils. Il suffit d’un baiser et tu acceptes l’inacceptable, je te plains.

— Joseph ! le tance ma mère alors que je lui lance un regard blessé.

— Non, t’inquiète, Maman. Je suis heureux de ma vie, c’est tout ce qui compte, soufflé-je avant de sourire à Maeva qui revient une assiette à la main. Bon appétit, Chérie ! Et les enfants, ça vous dit un peu de chocolat pour terminer ce repas ?

— Ouais ! s’écrient les jumeaux alors qu’Albane regarde son grand-père de travers.

— Je ne sais pas pourquoi tu te fatigues à encore poser la question, Chéri, personne ne dit jamais non au chocolat dans cette maison, rit Maeva.

— Parce qu’au moins, là-dessus, tout le monde est content ! dis-je en me levant pour aller chercher notre petite boîte où nous entreposons nos barres de chocolat. Qui en veut ?

— Moi ! clame Mika en se mettant à genoux sur sa chaise.

— Non, les filles d’abord, bougonne Nora en le poussant un peu.

— Les enfants sages d’abord, je dirais, intervient Albane en me souriant tout en tirant la chaise de Nora vers elle pour empêcher les jumeaux de se bagarrer. Hein, Papa ?

— Oui, et ne vous inquiétez-pas, tout le monde en aura, même les grands-parents bougons, ajouté-je en faisant une grimace vers mon père.

— Très puéril, mon garçon… Enfin, je ne dis pas non à du chocolat.

— Tu sais que quand on est méchants les uns envers les autres, on est puni de chocolat, Papy ? lui demande mon aînée avec un regard provocateur.

— Mais non, Papy n’est pas méchant, dis-je en souriant. Il est juste vieux. On pardonne tout aux vieux. Chérie, tu veux du chocolat, toi ?

— Bien sûr que oui, évidemment. S’il te plaît, me répond m a femme en me piquant la boîte des mains, le sourire aux lèvres.

Je sais que je devrais être fâché de la voir rentrer si tard, je sais que mon père a un peu raison quand il râle parce qu’elle est arrivée à la fin du repas, mais là, tout ce dont j’ai envie, c’est d’elle, nue dans mes bras. Clairement, je suis amoureux. C’est certain que je suis fou de désir pour elle. Mais c’est si bon, comment puis-je résister à ce sourire et à ce corps qui répond à tous mes fantasmes ?

— La femme parfaite, vraiment, dis-je en faisant un clin d’oeil à mes parents. Vous voyez, à part qu’elle rentre un peu tard, elle n’a aucun défaut !

— Oh, je vois, soupire Maeva en rapprochant sa chaise de moi pour poser sa tête sur mon épaule en retenant un bâillement. Étonnant que je n’aie pas eu les oreilles qui sifflent, ce soir.

— C’est beau d’être amoureux, les jeunes, répond ma mère en se levant. Merci pour la soirée, je vais ramener Monsieur Bougon à la maison. On y va, mon bel Ours ?

— Oui, rentrons, soupire mon père en se levant. Merci pour le dîner, Allan.

— Au revoir Papy Jo ! Au revoir Moma !

Les enfants se précipitent vers leurs grands-parents qu’ils couvrent de baisers, leur donnant un sourire énorme. Je crois que mon père aura apprécié sa soirée, même s’il a un peu râlé. Je les raccompagne à leur voiture avant de rentrer et de constater que Maeva a déjà commencé à mettre les enfants au lit. J’ai hâte que ce processus se termine et que je puisse me retrouver seul avec ma femme car, même si elle est fatiguée, je compte bien lui redonner un peu d’énergie et l’aider à se faire pardonner en se donnant à moi.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0