44. Devine qui vient dîner ce soir ?

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Allan

Mon téléphone sonne mais je ne réponds pas, trop occupé à donner à manger aux deux monstres, ce n’est pas le moment de me déranger. Je fais en sorte que le repas se passe bien avant d’aller jeter un œil à mon appareil et constate que c’est Jérôme qui cherche à me joindre. Ça doit être urgent car il a essayé de m’appeler six fois. C’est étrange, il n’insiste jamais autant. Je m’isole un peu pour pouvoir l’entendre sans être embêté par les cris des enfants et le rappelle.

— Salut Jérôme, ça va ? C’est quoi, tous ces coups de téléphone ?

— J’ai un pépin et j’ai besoin de toi, Allan… Il y a eu… L’appartement à côté de chez moi a pris feu, cette nuit. Je te laisse imaginer ce que ça donne dans le mien, vu qu’évidemment, la prise d’où le feu serait parti donne direct sur ma cuisine de l’autre côté du mur… Je suis à la rue pour un petit moment.

— Besoin de moi ? Mais pourquoi tu ne vas pas chez ta sœur ? Ce serait plus pratique pour toi, non ?

— Pas vraiment… Son mec héberge son frère depuis que sa femme l’a largué, tu vois ? soupire-t-il.

— Ah mince. Et tu veux venir te perdre en bord de mer ? Tu crois que ça va durer longtemps ? Ton appartement est bien abîmé ?

— Mon appartement a fusionné avec celui voisin, Allan. Il manque des murs, ma cuisine est morte, mon salon… J’ai même pas envie d’en parler tellement c’est la merde. Le temps que les experts passent, que les assurances reçoivent les conclusions, qu’ils débloquent les fonds… Ça devrait durer un bon bout de temps, oui, mais j’irai chez ma sœur dès que c’est possible, promis.

Je réfléchis un instant pour voir si sa venue ne pose aucun problème. De toute façon, je sais que je vais lui dire oui, mais c’est bien de réfléchir aux éventuelles difficultés. Et à part que lui et ma femme ne se supportent pas, je ne vois rien qui puisse s’opposer à son arrivée.

— Je te prépare la chambre d’amis dès que j’ai cinq minutes. Tu peux venir quand tu veux, Jérôme. Ce sera avec plaisir, en plus. Cela nous rappellera quand on vivait ensemble à Rennes !

— Merci. T’es vraiment un frère pour moi, tu le sais, ça ?

— Ouais, eh bien attends de voir l’accueil que ma femme va te réserver. Tu as ton gilet pare-balles ?

— Hum… Tu devrais peut-être lui demander son avis avant de me laisser entrer dans votre baraque de riches, non ?

— Un ami dans le besoin, on l’aide et ça, elle le comprendra. Essaie juste de pas la traiter de furie en face d’elle, d’accord ?

— Dragon, je peux ? ricane-t-il.

— Allez, déconne pas, je t’attends. A tout à l’heure.

Je raccroche et immédiatement, je me demande s’il faut que je prévienne Maeva ou que je lui laisse découvrir la surprise à son retour. J’hésite à la déranger pendant son travail mais ne rien lui dire n’est pas non plus la meilleure des solutions. J’opte pour un entre-deux et lui envoie un message.

— Coucou Femme de mon Coeur. J’espère que tu survis et que ta réunion avec le banquier s’est bien passée. J’ai eu Jérôme au téléphone. Son appartement a brûlé et il est dans la galère, il ne sait pas où dormir ce soir. Je l’ai invité à rester à la maison quelques jours, le temps qu’il se retourne. A ce soir, je t’aime !

Je m’occupe des enfants qui souhaitent profiter de la piscine cet après-midi et ne consulte mon téléphone qu’une demi-heure plus tard. Je constate que Maeva m’a répondu et j’ouvre son message, un peu anxieux de ce qu’elle va penser de mon offre d’accueillir Jérôme à la maison.

— J’ai senti le coup fourré dès les premiers mots de ton message, espèce de petit manipulateur. OK pour quelques jours, mais qu’il se tienne à carreau. Et je te rappelle que la chambre d’amis est collée à la nôtre. Tu vas dormir sur la béquille jusqu’à ce qu’il parte, Homme de mon Cœur ! A ce soir, je t’aime !

Bon, ça aurait pu être pire, même si ce n’est pas non plus une excellente nouvelle. Elle sait quoi dire pour me donner envie d’écourter son séjour. Si je dois faire ceinture pendant tout le temps qu’il sera à la maison, il va être court. Surtout que la connaissant, elle va me chauffer afin de bien me frustrer, la coquine. Je devrais peut-être cacher ses nuisettes sexys quelque part, moi.

Jérôme arrive en fin d’après-midi, une valise et un gros sac à la main. Mika et Nora sont tout excités de le voir débarquer et l’accompagnent de leurs cris et de leur excitation jusqu’à sa chambre.

— Tu es sûr que tu veux rester malgré tout ce bruit ? ris-je en le voyant se boucher les oreilles.

— Ça ou la rue, le choix est vite fait. Un peu de somnifères dans leur biberon du matin et j’aurai la paix !

— Heureusement que je sais que tu rigoles, sinon je t’assure que je t’aurais déjà jeté par-dessus la falaise ! Tu es le bienvenu ici, autant de temps qu’il le faudra. J’espère quand même que ça va vite s’arranger, tu seras mieux chez toi qu’ici au milieu des cris des enfants. Tu me rejoins quand tu es installé ? On se fera un petit apéro et tu me raconteras où tu en es dans tes enquêtes. Qui sait ? Je pourrais peut-être t’aider un peu ?

— Ouais, ça marche. J’enfile mon armure avant de descendre ou ça le fait, au fait ?

— Tout ira bien, ne t’inquiète pas. Elle m’a juste averti qu’elle faisait la grève du sexe jusqu’à ce que tu partes. C’est presque un signe de bienvenue, non ?

— Nom de Dieu… Et je n’ai pas le droit de l’appeler le Dragon, sérieux ? Mon pauvre, si je n’étais pas moi-même frustré, je crois que je te proposerais de dormir dans l’abri de jardin en cachette !

— J’ai eu peur, j’ai cru que tu allais me proposer de prendre sa place ! ris-je en lui faisant un petit signe avant de retrouver les enfants en bas.

Lorsque Maeva entre en début de soirée, elle nous trouve tous les deux, un apéritif à la main, en train de rigoler tout en surveillant les enfants.

— Coucou ma Chérie, dis-je en venant l’embrasser. Ta journée n’a pas été trop difficile ?

— Je m’en remettrai… Une de moins ou une de plus, je ne suis plus à ça près, soupire-t-elle en faisant un signe de tête à Jérôme pour le saluer avant d’aller embrasser les enfants.

— Salut Maeva. Merci pour ton hospitalité, ça me sauve la vie. Et ton petit mari est l’homme à la maison parfait, le repas est déjà sur le feu.

— C’est un constat ou déjà une critique ? lui demande-t-elle en s’asseyant à mes côtés. Même si le repas n’était pas sur le feu, ça n’a pas d’importance. Enfin, je te remercie d’avoir préparé le repas, hein, Chéri, c’est pas la question, je veux dire…

— Ne commencez pas, tous les deux. Vous devriez pouvoir vous entendre pour ces quelques jours, non ?

Je passe mon bras derrière ses épaules et lui caresse la nuque pour la détendre un peu. Après une journée difficile, ce serait dommage qu’elle ne puisse pas se relaxer en raison de la présence de mon ami.

— Tant qu’il ne joue pas le gros macho et ne passe pas son temps à critiquer notre situation, ça devrait le faire, soupire Maeva en frissonnant sous mes doigts.

— Tant qu’elle n’essaie pas de me castrer, on devrait pouvoir se tenir, bougonne Jérôme avant de lui lancer un sourire qui se veut moqueur.

— Tu as intérêt à te tenir à carreaux, mon Pote. Si on a autant de place ici et qu’on peut t’accueillir, c’est grâce à Maeva. Alors, si tu ne veux pas aller dormir dans ta voiture, sois sage.

— Quel rabat-joie, soupire-t-il théâtralement. Si on ne peut même plus rigoler.

— Tu rigoleras moins quand je t’enverrai les gosses quand ils cauchemardent, sourit ma femme. Ou quand Mika aura un accident, tiens. On a toujours besoin de bonshommes comme toi pour changer les draps en pleine nuit.

Je le vois se renfermer un peu suite aux propos de ma femme qui a baissé la tête sous mes caresses et qui est prête à ronronner, je parierais, mais il le mérite bien. A sa place, je ferais profil bas. Je veux bien jouer le pacificateur, mais s’il remet sans cesse de l’huile sur le feu, je ne pourrai rien faire pour le sauver au mieux d’un retour à sa voiture, au pire d’un épisode de violence folle et déchaînée de mon épouse.

— Je vais me tenir tranquille, promis, glisse-t-il finalement. Et je vais tout faire pour écourter mon séjour, je sais que je m’impose un peu à vous, mais vous me sauvez la vie, là. Ce n’est pas avec ma paie de flic que je pourrais me payer l’hôtel en plus de tous les autres frais que je vais devoir avancer suite à l’incendie.

— On sait bien que tu n’es pas là par choix, Jérôme. Ne t’inquiète pas, on patientera le temps qu’il faut pour que tu fasses le nécessaire dans ton appart.

— C’est si terrible que ça ? Ton appart’, je veux dire, s’enquiert finalement Maeva. Ça doit être horrible de voir son chez-soi en flammes… Honnêtement, voir ta tête tous les jours m’enquiquine d’avance, mais tu es le bienvenu, tant que tu te tiens à carreaux.

— J’ai rien perdu de sentimental, c’est déjà ça, mais il y a pas mal de dégâts matériels, oui… Et tu verras que tu ne pourras bientôt plus t’en passer de ma tête ! sourit-il. Mais je vais me faire discret. D’ailleurs, je vais aller me reposer, je n’ai pas faim de toute façon. Et comme ça, vous pourrez passer la soirée en famille. A demain et encore merci.

Je n’ai pas le temps de lui dire qu’il peut rester et qu’il ne nous dérange pas qu’il est déjà levé. Il nous salue rapidement et file à l’étage avant que nous ayons pu le rattraper. Je ne sais pas combien de temps il va rester parmi nous, mais il va falloir que je fasse preuve de beaucoup de diplomatie pour éviter les esclandres. J’espère que Maeva ne va pas trop m’en vouloir de rajouter ça à ses journées déjà bien compliquées.

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