45. L’insupportable coloc

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Maeva

Je pousse un soupir de soulagement en me glissant sous l’eau chaude. Encore une journée de merde, toujours le nez dans les problèmes, et MacMillan me harcèle littéralement pour qu’on dîne ensemble pour parler boulot. Il a même réussi à obtenir, par je ne sais quel moyen, mon numéro perso. Cette histoire va mal finir, je le sens. Je commence vraiment à m’en vouloir d’avoir fait affaire avec lui.

Je masse mes épaules et tente de dénouer mes muscles avant de me savonner en regrettant qu’Allan soit occupé avec les gosses et son meilleur ami. Rentrer à la maison depuis qu’il est là a une toute autre saveur. J’ai l’impression que mon chez-moi n’est plus aussi réconfortant qu’auparavant, parce que je déteste toujours autant la façon dont il me regarde, en totale contradiction avec ses petites réflexions. Je comprends qu’Allan l’ait invité à la maison, vraiment, mais j’ai hâte qu’il se barre. Selon ses horaires, il nous arrive de nous retrouver tous les deux au petit déjeuner et ma journée commence de manière peu agréable. Je crois d’ailleurs que mon mari a compris que je n’appréciais pas trop ça, si bien que ce matin, il s’est levé en même temps que moi pour être avec nous.

Je sursaute en entendant du bruit dans la pièce. L’idée qu’Allan ait confié les enfants à Jérôme pour me rejoindre fait disparaître mes pensées moroses et m’émoustille déjà. Je finis de rincer mes cheveux rapidement en espérant entendre le grincement de la porte de la douche, mais je suis déçue d’être encore seule lorsque je rouvre les yeux.

— Allan, c’est toi, Chéri ? Qu’est-ce que tu attends ?

Pas de réponse… Je fronce les sourcils, me demandant si je ne deviens pas dingue, mais j’entends l’eau du lavabo couler lorsque j’éteins la douche. OK, est-ce que j’ai fait quelque chose de mal pour qu’il ne me réponde pas ?

Je sors de la douche et pousse un cri en découvrant notre invité en train de se raser devant le miroir. Évidemment, il profite de la situation pour promener ses yeux sur mon corps nu à travers la glace, et après un moment à rester ahurie face à son attitude, je me précipite vers la porte pour y décrocher ma robe de chambre que j’enfile aussi vite que je peux.

— Nom de Dieu, mais qu’est-ce que tu fous là putain ?! m’égosillé-je en serrant la ceinture avec vigueur.

— On m'a dit de faire comme chez moi, c'est ce que je fais. Et puis, tu prends des plombes dans la salle de bain. Je sais que tu n'as pas l'habitude, mais il y a des mecs qui osent s'imposer face aux femmes. En tout cas, je comprends qu'Allan soit dingue de toi. On ne dirait pas que tu as eu trois enfants, conclut-il en posant à nouveau son regard lubrique sur moi.

— T’es vraiment un sacré porc, marmonné-je. Je t’interdis d’entrer dans la salle de bain quand j’y suis. Je te jure que je te fous dehors si tu recommences !

— Oh ça va, je n'ai rien fait de mal non plus. Et ça devrait te faire plaisir qu'un mec comme moi te trouve à son goût, non ? Sache que si tu veux pimenter ta vie de couple ou si tu veux savoir ce que ça fait d'être avec un flic encore actif, tu peux me demander. Sacré Allan, il en a de la chance…

— Ça devrait me faire plaisir ? ris-je nerveusement. Eh bien figure-toi que ça me dégoûte plus qu’autre chose ! Et arrête de passer ton temps à dénigrer Allan sous couvert d’un humour pourri ou d’une petite taquinerie qui se veut drôle et ne l’est absolument pas. Bon sang, chaque fois que je te vois, je comprends pourquoi t’es toujours célibataire.

Je sors de la salle de bain en claquant la porte bruyamment et file dans ma chambre pour m’habiller. Hors de question de passer plus de temps en tête à tête avec cet abruti. Autant dire qu’il a gâché tous les bienfaits de ma douche. Je me dépêche d’enfiler un legging et pique un tee-shirt à mon homme, grince des dents en démêlant mes cheveux avec mes doigts puisque je n’ai pas pu le faire dans la salle de bain, et pousse un soupir de soulagement en entendant l’eau de la douche couler depuis le couloir. Je noue mes cheveux en un rapide chignon en descendant les escaliers et rejoins Allan à la cuisine.

— Je te préviens, je vais crever les yeux de ton pote d’ici peu, grimacé-je en me hissant sur le plan de travail.

— Il ne devrait plus rester trop longtemps. Encore un peu de patience, Chérie.

— Tu pourras installer un verrou sur la porte de la salle de bain, s’il te plaît ? Parce qu’il n’a même pas la décence de respecter mon espace privé ! Il était en train de se raser tranquille pendant que j’étais sous la douche.

— Non ! Tu crois qu'il savait que tu étais là ?

— Tu plaisantes ? Je sais que la branlette peut rendre sourd, mais faut pas pousser non plus, grommelé-je, exaspérée. Et puis… mon Dieu, tu l’aurais vu me mater quand je suis sortie de la douche, beurk…

— Tu m'étonnes qu'il te mate… Tu as vu comme tu es belle ? me demande Allan en se rapprochant pour m'embrasser. Je vais lui parler après pour qu'il ne recommence pas. Mais on ne peut pas lui en vouloir d'être jaloux, tout le monde n'a pas la chance d'être marié à la plus belle femme du monde.

— Ben voyons, trouve-lui des excuses aussi. Donc, ça ne te fait rien qu’il me mate, qu’il me propose de coucher avec lui ? Et ça ne te fera rien quand il me rejoindra sous la douche, tant qu’on y est ? Non, c’est Jérôme, et Jérôme a tous les droits, bien sûr.

Je n’en reviens pas qu’il trouve normal que son ami me reluque comme si j’étais un morceau de viande. Il est sérieusement en train de normaliser la petite visite de son crétin d’ancien collègue dans notre salle de bain pendant que j’y étais ? Est-ce qu’il dirait la même chose si c’était Albane qui se trouvait sous la douche ? Oh mon Dieu, quelle horreur !

— Je t’ai dit que j’allais lui parler, indique-t-il, en me caressant doucement les jambes. Et il est juste dans la provocation avec toi. Je ne pense pas qu’il était sérieux quand il t’a fait toutes ces propositions.

— C’est ça… J’y crois pas, dès qu’il s’agit de lui, tu normalises des comportements déplacés, c’est dingue. Mais laisse tomber, tu es un homme, tu ne peux pas comprendre ce que ça fait de se retrouver dans cette situation, de se faire reluquer comme si on allait se faire sauter dessus d’un instant à l’autre, d’avoir l’impression d’être dépossédée de son propre corps… Enfin, si, tu sais sans doute ce que ça fait, mais toi, ça t’a fait plaisir au point de te laisser embrasser, sifflé-je en le repoussant pour descendre du plan de travail.

— Mais, Chérie, me dit-il, surpris de ma réaction. Je… je vais lui faire comprendre de ne plus t’importuner. Promis.

— Je pense que j’ai été plutôt cool depuis qu’il est arrivé. Oui, on se prend le chou, mais ça reste à peu près respectueux tant qu’il ne critique pas le fait que tu es à la maison. Là, c’est allé trop loin. Tu aurais trouvé ça normal si c’était Albane, dans la salle de bain ? Parce que je peux te jurer que s’il fait ça quand c’est notre fille qui se douche, je le découpe en petits morceaux et le jette dans la Manche, ce foutu pervers.

— Je vais lui dire qu’il faut qu’il s’organise pour partir au plus vite, comme ça, il ne pourra plus nous importuner. Il est allé trop loin, en effet.

Je ne suis même pas certaine qu’il le pense vraiment. En vérité, je crois que, comme depuis que Jérôme est arrivé, il fait davantage le tampon, et temporise nos chamailleries, plutôt que de prendre parti. L’avantage, c’est qu’il ne me prend absolument pas la tête pour le temps que je passe au boulot.

Je préfère aller m’occuper des jumeaux dans la salle de jeux en entendant Jérôme descendre les escaliers en sifflotant. Et rester avec eux au maximum. Je monte leur faire prendre leur bain, laissant les deux copains en tête à tête. Albane nous rejoint ensuite dans leur chambre et nous dessinons tous les quatre jusqu’à ce qu’Allan nous appelle pour le dîner. Je converse davantage avec notre aînée et ses deux mèches bleutées pendant le repas qu’avec les deux autres adultes de la tablée, et rallonge la routine du coucher avec les jumeaux pour les papouiller. Albane bouquine lorsque je passe lui souhaiter bonne nuit et je m’allonge un moment avec elle.

Quand je redescends finalement en bas, la vaisselle est faite, la cuisine est propre, mais les jouets des jumeaux traînent encore un peu partout. Evidemment, puisqu’Allan et Jérôme ont étalé des documents partout sur la table basse et sont en train de discuter de cette fameuse affaire qui prend la tête au flic plus occupé à jouer au macho mateur qu’à bosser. Comme il y a deux jours, je sais qu’il en ont pour un moment et qu’une fois de plus, je ne pourrai pas profiter de mon mari tranquillement ce soir. Je range donc un peu tout ce qui traîne en les écoutant d’une oreille distraite, puis m’installe sur le canapé en allumant la seule télévision de la maison. Soit ça va les enquiquiner, soit je ne vais pas pouvoir regarder un film tranquillement, je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Je me retrouve finalement à envoyer des mails depuis mon téléphone, histoire de ne pas m’ennuyer comme un rat mort, ayant droit à une petite attention de mon mari de temps en temps. Un regard, un sourire, une main qui presse ma cuisse. Rien de folichon…

Je plante finalement un baiser sur la joue d’Allan en me levant.

— Je vais au lit. Bonne nuit…

— Oh déjà ? Je… j’arrive, je te rejoins dans cinq minutes.

— Prends ton temps, mais prévenez-moi la prochaine fois que vous comptez vous faire une soirée Cluedo, je ramènerai mon ordi à la maison pour au moins pouvoir bosser.

— Oh, Madame la Baronne est jalouse parce que son mari s’est plus occupé de son invité que de son épouse ? m’apostrophe le flic.

— Jérôme… grogne Allan en mettant une main sur son bras pour qu’il s’arrête de me provoquer.

— J’ai peut-être juste ma dose pour ce soir en ce qui te concerne. Ou je trouve que tu abuses un peu trop de la gentillesse de mon mari ? Il bosse gratos pour que tu récoltes les lauriers, je trouve ça moyen. Mais passons, Allan fait ce qu’il veut. Bonne nuit si je ne me réveille pas quand tu te couches, Chéri.

— Non, j’arrive tout de suite. Excuse-moi, mon Pote, je vais te laisser.

— Comme tu veux. A tout de suite alors.

Je lance un petit clin d'œil à Jérôme et monte me préparer pour me mettre au lit. Je les entends encore papoter de l’enquête lorsque je passe dans le couloir pour gagner la chambre, et Allan se glisse sous les draps une bonne vingtaine de minutes après moi. J’hésite quelques secondes avant de me retourner pour me blottir contre lui malgré la chaleur de l’été. Il a ouvert la fenêtre au passage et un léger courant d’air frais me donne une bonne excuse pour le faire, même s’il ne s’est jamais plaint que je sois câline, puisque si je n’avais pas bougé, il aurait fait la même chose.

— Je passe pour une baronne capricieuse si je te dis que je préférerais que tu lui files un coup de main quand je ne suis pas là ou que je gère les enfants plutôt que quand on pourrait passer un moment tous les deux ?

— Non, tu passes pour une épouse amoureuse, me répond-il, un sourire dans la voix. Je suis désolé, il abuse de tout… mais si j’ai bien compris, dans quelques jours, sa sœur pourra l’accueillir.

— Hum… Je ne crois que je que je vois, soufflé-je. Et après ce qu’il s’est passé dans la salle de bain, tu peux dire adieu aux interludes sexuels sous la douche jusqu’à ce qu’il parte. Aucune envie qu’il nous surprenne, désolée… C’était déjà assez gênant comme ça tout à l’heure.

— Il a dit qu’il ne le ferait plus et qu’il avait compris. Je crois qu’au fond, il en pince pour toi, ce qui est marrant vu comment il passe son temps à te provoquer. Et c’est vraiment bientôt fini, le calvaire va s’arrêter.

— J’ai besoin de te rassurer concernant mes sentiments à son égard ou c’est bon pour toi ? grimacé-je.

— Je crois que j’ai compris, tu n’as pas à me rassurer. Et merci de ta patience.

Je reste silencieuse un petit moment en promenant mes doigts sur son torse avant de soupirer et de poser mes lèvres dans son cou.

— Excuse-moi pour tout à l’heure… Dans la cuisine, je veux dire… Je déteste être reluquée comme ça a été le cas avec lui, ça m’a fait vriller.

— Je ne sais pas quoi te dire, je me suis déjà excusé cent fois pour lui… Je… Moi, j’aime bien te reluquer, tu sais ? Ça ne te dérange pas, j’espère.

— Non, bien sûr que non, c’est toi, mon mari. C’est flatteur et rassurant. Ta réaction est plus flippante. Personnellement, je ne supporterais pas que Gaëlle te mate à poil et te propose de coucher avec elle…

— Je crois que je n’ai pas réalisé ce que tu avais ressenti, j’ai surtout été fier qu’il confirme que tu es superbe. Et j’ai été rassuré de ta réaction car cette jolie femme qui est dans mes bras, eh bien, elle m’aime et ça, c’est formidable.

Raisonnement logique d’un homme ? Ou d’une personne normalement constituée alors que son couple est bancal, ces derniers temps ? Peut-être, oui. Et celle qui me vient en tête, elle est logique ou stupide ?

Je me redresse pour l’embrasser et savoure de sentir ses mains cajoler ma peau nue alors que je me mets à califourchon sur lui.

— Finalement, j’ai bien envie que ton pote comprenne que je suis entièrement satisfaite avec mon mari et que je n’ai pas besoin de ses propositions indécentes, soufflé-je contre sa bouche. Encore assez en forme pour faire l’amour à ta femme ?

— Une proposition comme ça, ça ne se refuse pas. Et j’espère bien te faire crier assez fort pour l’empêcher de dormir ! répond-il en m’étreignant avec force.

Je pouffe en ondulant contre lui et ne me gêne pas pour tenter de le rendre fou et réveiller le mâle alpha qui sommeille en lui. Quitte à faire chier l’autre imbécile, autant flatter l’ego de mon homme et lui donner matière à défendre sa virilité auprès du macho qui dort à côté… en attendant qu’il quitte enfin les lieux.

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