70. Le bonheur loin des médias
Allan
Les jumeaux sont dans leur salle de jeux et Albane est partie passer la journée chez une amie chez qui elle va dormir afin d’éviter l’agitation qui règne près de notre maison depuis que les médias se sont emparés de la nouvelle de l’arrestation de Gaëlle. Je profite de ce temps un peu calme pour allumer la télé et mettre une chaîne d’informations continues afin de savoir ce que les journalistes ont réussi à obtenir comme scoop. Ils sont vraiment très forts et ont découvert une quantité impressionnante de faits, ce qui ne m’étonne qu’à moitié. Je sais même qu’une grande partie de ces infos proviennent directement de la police qui a tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec les médias, que ce soit pour soigner leur image publique ou pour avoir des relais si un jour, ils ont besoin d’informations ou de transmettre un message au grand public.
Le portrait qui est fait de la partenaire de Maeva est sombre, noirci volontairement et plus rien ne transparaît ou presque des difficultés qui ont pu pousser cette femme à trahir son amie. Elle est dépeinte presque comme un monstre sans aucun scrupule et cela m’attriste même si elle n’a rien fait pour mériter ma miséricorde.
J’éteins la télé et retourne m’occuper des jumeaux. Nous finissons par nous installer dans le salon où j’organise une séance de coloriage pour préparer un petit dessin pour leur maman qui ne va plus tarder à rentrer, vu l’heure. Maeva n’est plus du tout dans une phase d’innovation ou de recherche de nouveaux produits pour Belle Breizh, elle ne fait que de la communication de crise, la gestion des relations avec les médias et passe son temps à rassurer les gérants de ses magasins qui s’inquiètent de cette mauvaise publicité pour leurs chiffres d’affaires. Aucun ne s’inquiète pour elle et j’essaie, moi, de compenser en l’entourant encore plus de multiples petites attentions dont ces dessins ne sont qu’une infime partie.
Alors que je relève les yeux de la poule coloriée par Mika, je vois une ombre près de la fenêtre et me lève immédiatement. Je me précipite vers la porte d’entrée et l’ouvre en grand, me retrouvant derrière un homme à moitié agenouillé dans la pelouse près de notre fenêtre.
— C’est une propriété privée, ici ! tonné-je, énervé. Vous n’avez rien à faire là. Alors, soit vous dégagez de votre propre gré ou alors c’est moi qui vous mets dehors avec un coup de pied au cul !
Le gars se retourne et me toise, comme si je n’étais qu’une poussière dans l’immensité de son univers. Il lève son appareil photo et je parviens tout juste à mettre ma main devant son objectif pour qu’il ne puisse pas me prendre en photo.
— Purée, tu comprends rien, toi ? Je t’ai dit de dégager ! Et si tu t’avises de prendre une autre photo, je te jure que je te colle tous les flics du coin aux fesses.
— Relax, mec, y a rien de grave ou de trash, juste une petite photo de famille.
— Si je vois une photo de moi publiée dans le torchon qui t’emploie, je te colle un procès. Compris ? Allez, dégage !
Je renforce mes propos en m’approchant de lui et en l’attrapant par le coude pour le faire bouger. Il se dégage en bougonnant.
— Très bien, très bien ! Faut se détendre, sérieux, tout le monde est habillé sur la photo, et on floute toujours les visages des enfants, on est réglo, nous.
— Réglo ou pas réglo, vous êtes des voleurs. Si on veut de la pub, on vous appellera.
Je le repousse sans ménagement jusqu’au vélo qu’il a laissé sur le rebord du chemin qui mène à notre maison. Il grommelle pour la forme mais sait qu’il n’est pas dans son droit et je l’observe repartir alors que la voiture de Maeva le croise. Il jette un œil vers moi mais quand il constate que je suis là et prêt à bondir, il ne s’arrête pas et continue son chemin. Si je n’étais pas intervenu, je suis sûr qu’il aurait tenté de mitrailler mon épouse que je rejoins devant la maison.
— Coucou Chérie. J’espère que ce sera bientôt fini, tout ça. Tu n’as pas été trop embêtée au boulot ?
— On a connu plus calme, mais y a toujours pire, non ? C’était qui, le type à vélo ?
— Un paparazzi qui cherchait à nous prendre en photo. Comme si c’était ça, l’angle intéressant de l’histoire. Je crois que je l’ai un peu malmené… mais il m’a énervé en empiétant sur notre vie privée.
— Ah… Je suis désolée pour tout ça, grimace Maeva en se lovant contre moi. Si seulement tout le monde pouvait nous laisser tranquilles…
— Tout ça va se tasser, je ne m’inquiète pas. C’est juste les déclarations grandiloquentes de l’avocat de Gaëlle qui ont fait monter la mayonnaise. Dans deux jours, ils nous auront oubliés. Pas trop difficile de tout gérer au boulot ?
— Yoann et le service comm’ sont bien présents… Ça aide. Mais… sourit-elle en verrouillant sa voiture à distance, le boulot reste là-bas, je n’ai aucune envie de passer la soirée à ressasser. Je remettrai le nez dedans demain matin, en attendant… priorité à la famille.
— Parfait, mon Amour. J’espère que tu vas aimer le petit cadeau des enfants, dis-je en lui tenant la porte pour la laisser entrer.
Les jumeaux se précipitent et lui sautent dans les bras en essayant chacun de lui donner leur dessin. Diplomate, Maeva parvient à prendre les deux en même temps et s’extasie devant les coloriages, ce qui ravit nos deux gamins qui éclatent de rire quand elle les félicite.
— Vous êtes vraiment des amours, mes grands bébés. Et toi, un petit mari adorable. Vous avez passé une bonne journée ? me demande-t-elle en embrassant les petits.
— Tranquille. Quand Albane n’est pas là, ça fait un peu vide, mais franchement, ils ont été gentils. Je crois qu’ils comprennent que quelque chose se passe et ils font tout pour ne pas faire de bêtise. Nos petits monstres savent aussi se comporter comme des anges, parfois.
— Bien sûr que ce sont des anges. Je vais me changer vite fait et… qu’est-ce que vous voulez faire, ce soir ?
— C’est pâtes bolo et soirée jeux, si le programme te va, Jolie Femme de mon Coeur.
— Parfait ! Je me dépêche et je suis toute à vous, souffle-t-elle en m’embrassant.
Je m’assure que les enfants ont retrouvé une occupation et monte à sa suite pour la retrouver en petite tenue devant son armoire. Je m’approche et la serre dans mes bras avant qu’elle ne se retourne et m’embrasse à nouveau plus sensuellement.
— Tu sais que ça me fait du bien, tous ces câlins et ces bisous ? On a été bêtes de se disputer autant ces derniers temps, non ?
— Ça fait beaucoup de bien, oui, et nous nous sommes bien trop déchirés tous les deux… Il faut qu’on arrête ça, Allan, parce que je n’ai aucune envie d’avoir à imaginer ma vie sans toi.
— Eh bien, arrête d’imaginer ça, alors ! Je te promets que plus jamais, je ne douterai de toi. Enfin, sauf si tu me dis que tu n’as pas de chocolat dans la maison. Là, j’émettrai de gros doutes !
— C’est toi qui le caches, glousse-t-elle en glissant ses mains sous mon tee-shirt pour faire courir ses doigts sur ma peau.
— Je suis vraiment désolé, Chérie. J’ai tellement l’impression de ne pas avoir été à la hauteur, ces derniers temps. Et je ne sais pas comment te faire oublier tout cela alors que tu traverses une rude épreuve pour Belle Breizh.
— On oublie tout ça, je t’en prie. On s’est assez fait de mal comme ça cette année, je veux tourner la page sur tout, d’accord ?
— Oui, mais je veux passer le reste de notre vie à me faire pardonner. Tu ne veux pas abuser de moi et de cette proposition, mon Amour ?
— Je n’ai pas besoin de raison particulière pour profiter de toi, tu le sais ? chuchote-t-elle à mon oreille avant de la mordiller.
— Tant que tu ne m’oublies pas pour ton entreprise, tout me va, ris-je en l’enlaçant et en enfouissant ma tête dans son cou pour la dévorer de bisous.
— Je t’aime tellement, souffle-t-elle en frissonnant sous mon assaut.
— Moi aussi, je t’aime, Chérie. Plus que tout. Mais je suis désolé d’être terre à terre, on a deux petits monstres abandonnés en bas et il faut qu’on retourne les retrouver avant qu’ils ne laissent le salon en état de champ de bataille.
— C’est toi qui as débarqué, je te signale, rit-elle en se détachant de moi pour s’habiller. Aguicheur !
— Comment te résister ? Tu as vu comme tu es belle ? lui lancé-je en m’arrêtant à la porte pour l’admirer avant de sortir.
— Tu comptes me déshabiller une fois les enfants au lit, j’espère ! Parce que me chauffer comme tu l’as fait et me laisser en plan si tu ne comptes pas aller au bout des choses, je risque d’être contrariée, sourit-elle en me rejoignant.
— Non, ce soir, tu me dois un petit show. L’effeuillage selon Maeva, si tu vois ce que je veux dire. C’est le prix à payer pour finir la soirée en beauté. Et ce n’est pas négociable !
— Je te dois un show ? Et pour quelle raison ? s’esclaffe-t-elle en dévalant les escaliers devant moi.
— Parce que tu es ma femme adorée, Chérie, m’écrié-je en la rattrappant au bas des escaliers. Et que tu me dois un baiser aussi.
— Non mais je rêve. Tu tiens les comptes comme un pied, Allan, se moque-t-elle en se collant malgré tout à moi pour caresser mes lèvres des siennes. Profiteur !
— Oui, je profite. J’avoue tout, et pire encore, souris-je en l’embrassant.
Le baiser que nous échangeons est digne d’un baiser de cinéma. J’ai l’impression que nous avons retrouvé toute la complicité qui faisait la force de notre couple. Un peu comme si toutes ces épreuves qui nous avaient fait vaciller nous ont en réalité rendus plus forts. A choisir, j’aurais préféré passer directement par la case départ, mais je suis aussi rassuré de voir que notre entente a survécu et que nous sommes toujours fous amoureux l’un de l’autre. Si on a résisté à ça, on peut survivre à tout, non ? Et vieillir avec une telle femme à mes côtés, je ne vois rien de mieux.
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