Chapitre 1 :

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Urik

Je me tiens debout à l'angle d'une ruelle plongée dans les ténèbres. Mon attention est focalisée sur les sons qui m'entourent, les discussions entre les gardes, leurs bruits de pas, les hennissements des chevaux venant des écuries. La nuit est tombée depuis déjà quelques heures, forçant les habitants à obéir au couvre-feu.

Je ne vais pas m'en plaindre, cela me facilite réellement la tâche. La lune est toutefois assez haute, rendant la luminosité très désavantageuse pour moi. Je retiens mon souffle, prêt à saisir la moindre opportunité pour me faufiler dans la ruelle qui me fait face. L'absence de vent m'aide à situer précisément les éléments qui m'entourent, simplement grâce à mon ouïe. Alors au moment où je détecte une ouverture je me rue sans me retourner jusqu'à la ruelle suivante.

Cela ne prend qu'un court moment mais je sais que cet instant pourrait être mon dernier. Je me faufile le plus vite possible derrière une caisse sans me retourner. Si quelqu'un m'avait vue je le saurais déjà. Je profite de l'abri assuré par la caisse pour reprendre mes esprits, ma virée nocturne n'est pas encore terminée.

Maintenant que je suis dans cette zone, les rues sont beaucoup plus étroites et le niveau de vie y est plus bas. Je sais que les chances d'y rencontrer un garde sont très faibles. Heureusement je sais où me rendre, le chemin le plus sûr est tout imprimé dans ma tête.

Après avoir emprunté ce même itinéraire pendant plusieurs mois, je connais la plupart des zones à risques. Je continue ma progression, acceptant d'augmenter légèrement le rythme quitte à faire un peu plus de bruit. Autant profiter de l'absence totale de vie. Les bâtiments datent de plusieurs siècles et leurs aspects extérieurs laissent croire qu'ils pourraient s'effondrer à la moindre secousse. Les dalles sur lesquelles je marche sont épuisées par leurs très longues années de vie.
Je finis par arriver à destination, au croisement de deux autres ruelles se tient un bâtiment miteux qui sert d'hôtel aux touristes les plus démunis.

Heureusement pour moi la porte n'est jamais fermée à clef pour permettre aux résidents de sortir à volonté. Sans doute les propriétaires s'imaginent-ils que personne ne viendra voler de pauvres gens.
C'était sans compter sur moi.
Il faut malheureusement faire des choses déplaisantes pour survivre, je n'en suis pas fier mais la question ne se pose pas. J'ai cependant comme principe de toujours prendre le minimum afin de les pénaliser le moins possible.
Un peu de nourriture, une couverture passablement propre et deux gourdes d'eau. Je dépose sur la grande table les deux gourdes vides volées la veille et la couverture sale que j'ai utilisée pendant un mois.

Je me prépare à partir comme je suis arrivé quand un bruit de pas se fait entendre depuis les escaliers. Sans réfléchir je me précipite derrière un tonneau de sel qui se trouve dans un coin de la pièce. Je retiens ma respiration immédiatement pour ne pas me faire remarquer puis je vois la porte de la réserve s'ouvrir. Tapis dans l'ombre, j'observe la scène. Une femme d'âge mur marquée par de longues années de misère rentre et s'approche d'une étagère contenant une pauvre quantité de vivre. Elle se saisit d'un morceau de pain rassis et s'apprête à partir quand elle remarque les gourdes vides. Hésitant quelques secondes, elle finit par rebrousser chemin et me laisser le champ libre. Je patiente encore quelques instants, afin de ne pas prendre de risque inutile puis, je m'extirpe de ma cachette le plus silencieusement possible avant de sortir du bâtiment.

Je repars en direction de la grande rue, prêt à reprendre le même chemin qu'à l'aller. Je me positionne juste derrière un tas de déchets, voyant sans être vu. J'attends le moment opportun afin de me faufiler dans la ruelle d'en face. Cela n'est pas difficile car les gardes commencent à fatiguer, je le vois à leurs mouvements et à leur conversation largement moins mouvementée.

La relève aura bientôt lieu alors je n'ai pas intérêt à trainer. Je me rue en face et pendant que mon attention est focalisée sur mon objectif, je bouscule par mégarde une barre en métal qui s'écrase de tout son poids, provoquant un tumulte très gênant pour moi. Ne prenant même pas la peine de réfléchir, je m'enfuis à toute vitesse par la grande rue. Les gardes prennent quelques secondes à me remarquer, émergeant de leurs torpeurs. Ce n'est qu'après quelques secondes que l'un des soldats s'écrie.

- Non-respect du couvre-feu ! Citoyen à l'extérieur de son domicile, ne le laissez pas s'enfuir !

Aussitôt j'entends le cliquetis des armes et armures qui se mettent en mouvement ce qui provoque une augmentation rapide de mon rythme cardiaque. Je me suis mis dans de beaux draps, si j'arrive à quitter les lieux indemne, la sécurité sera certainement augmentée la nuit prochaine.
Je serre les dents à l'idée de devoir encore changer de village. Mais je reprends mes esprits afin de me concentrer sur la situation actuelle, tant qu'ils n'auront pas aperçu mon visage, tout ne sera pas perdu.
Je reprends donc ma course, adoptant une respiration régulière et stable pour garder l'avance que j'ai sur mes poursuivants. Je cours comme cela à travers le village jusqu'à atteindre l'entrée de ce dernier.
Habitué à attendre près des murailles la relève afin de pouvoir escalader en ayant moins de risque d'être vu, je ne pense pas pouvoir adopter la même technique aujourd'hui. Alors je passe simplement en courant entre les deux sentinelles, heureusement pour moi, encore endormis. Je garde mon allure pendant encore quelques centaines de mètres afin d'être sûr de ne pas avoir été suivi.
Puis je m'arrête complètement, collant mon dos à un arbre, je reprends difficilement mon souffle. Je sens des goutes de sueur couler le long de mon visage et mes jambes se mettent à trembler. Le monde autour de moi commence à tourner alors je me laisse tomber le long de l'arbre, finissant assis au pied de ce dernier, le visage entre les mains.

Je ne peux m'empêcher d'imaginer l'agitation qui doit régner au village. Bien que cela soit problématique pour moi, je me surprends à sourire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi excité par l'une de mes sorties.

Je fini par retrouver mon abris après près d'une heure de marche. Une petite grotte creusée dans une coline. Un rideau de lierre cache l'entrée à la plupart des créatures pouvant passer prêt d'ici, bien que l'illusion ne fonctionnerait jamais sur un humain.
Je me glisse à l'intérieur et rejoins le fond de la caverne, recouverte d'un tapis végétal assez confortable pour pouvoir dormir dessus.

À travers le rideau de lierre, je remarque que l'extérieur est très lumineux, le jour commence à se lever.
Un bâillement incontrôlé me fait me rendre compte de la fatigue qui m'assaille. Sans prendre le temps de me rafraîchir ou de me dénudé, je me laisse tomber sur la mousse avant de m'endormir.

Un coup, une giclé de sang, un hurlement de terreur, un hurlement, un deuxième coup et une deuxième giclée de sang.

Je me réveille en sueur. Habitué à ce cauchemar, ce n'est plus une surprise. Ces images surviennent à chacun de mes sommeils. Comme une sangsue qui s'accroche à moi et me murmure à l'oreille qu'elle ne s'en ira jamais. Mon démon intérieur.
Je m'assois en tailleur et plonge mon visage entre mes mains. Fermant les yeux afin de me concentrer sur autre chose. L'image du sang giclant dans ma direction reste enfouie dans mon esprit et je me surprends à vouloir m'éssuyer le visage à plusieurs reprise. Je remarque alors mes longs cheveux blanc tombé dans ma bouche.

L'escapade de cette nuit me revient en tête. Impossible de savoir si le chef de la garde a décrété ma visite comme une simple mauvaise blague faite par un citoyen. Ou bien comme une attaque potentiellement dangereuse.
Une idée fini par germer dans mon esprit, je devrai retourner à la ville, de jour, afin de me renseigner sur la situation.
Mieux vaut pour moi que je vérifie maintenant quand ma présence ne posera pas de problème.
Je pourrais ensuite décider de mon départ ou pas pour une autre région.

Je me lève tant bien que mal, puis m'étire le plus possible. Je jette mes vêtements vers l'entrée de la crevasse et me dirige vers une source d'eau proche de cette dernière en trainant des pieds. Je ne peux retenir un bâillement de sortir de ma bouche. Je m'assois au bord et commence à me nettoyer le visage, je gratte fort pour retirer le sang imaginaire. J'observe longuement mon reflet, ressemblant plus à un cadavre qu'à un jeune homme de mon âge.

Je me glisse entièrement dans l'eau afin de me nettoyer complètement. Au dessus de moi, dans les arbres environnent, je remarque l'arrivée d'un certain nombres d'oiseaux différents. Je me blottis contre la parois rocheuse afin de bouger le moins possible pour ne pas les effrayer. Et après plusieurs minutes, un chœur de sifflement commence à s'élever du bosquet. D'abord aigu puis de plus en plus grave au fil de l'ajout de nouvelle entité.

J'attrape un fruit frais tout juste tombé d'un arbre et le porte à ma bouche. Son jus sucré et abondant secoue mes papilles gustatives. Après plusieurs jours à ne manger que du pain, me voilà comblé.

Je décide de profiter de ce moment, je ferme les yeux et laisse ma tête basculé légèrement vers l'arrière. L'eau froide caressant mon corps ajouté au concert privé dont je suis l'unique spectateur me permettent de profité de ce moment comme je n'avais pas eu l'occasion de le faire depuis un long moment.

Puis peu à peu, le chant s'estompe et des bruits d'ailes me font comprendre que les musiciens s'en vont. Me laissant seul ici.
Je fini par rouvrir les yeux et le soleil en profite pour m'éblouir. Je sort de mon bain improvisé et rejoins ma crevasse afin de me rhabiller avant de repartir pour une longue marche, prêt à prendre un risque inconsidéré.

Caché derrière un bosquet à la limite de la forêt, je garde les yeux rivé vers les deux soldats qui s'occupent de surveiller la porte d'Anirass. Je suis d'ailleurs étonné de n'en voir que deux. Cela semble être un bon début pour moi. Mon intervention n'a pour l'instant pas l'air d'avoir été prise au sérieux par les autorités.

Je profite d'un moment de relâchement de la part des deux gardes pour courir en direction de la muraille et l'escalade en deux temps trois mouvements. Retombant avec agilité, je me redresse et rejoins la grande rue après avoir couvert ma tête. L'heure de vérité est arrivé.
La rue est pleine d'Êtres, principalement des citoyens faisant leur vie tant qu'ils le peuvent, pour profité de la journée tant qu'ils le peuvent. Afin de mentionnez les différentes races dites intelligentes, nous avons créé le terme d'Êtres.
Gardant au maximum la tête baissé, je ne réussis pas à voir la quantité de soldats présent dans les rues, je continue donc d'avancer, espérant tomber sur un endroit moins bondé de monde.

Je fini par arriver sur une grande place. Les gens s'y font plus rare, trop occupé à faire leur achats sur le marché publique.
Je rejoins le centre de la place, légèrement surélevé sur une dalle de pierre, un arbre est planté au centre de cette dernière.
À ce moment là je décide enfin de lever la tête afin d'observer autour de moi.

Il y a quatre rue autour, l'endroit ou je suis actuellement est le centre exacte de Rosgar. Il y a ensuite quatre grandes rues qui s'éloignent vers le nord, le sud, l'est et l'ouest. De ces grandes rues se découpent ensuite plusieurs dizaines de ruelles différentes. Les plus riches étant vers le nord et les plus pauvres vers le sud.

Je remarque donc de là où je suis que la quantité de garde est relativement la même que d'habitude. Mon erreur ne me coûtera pas très cher. À partir de maintenant je ferai plus attention.
Un large sourire se dessine sur mon visage au moment ou je me rend compte de ce que ça signifie.
Je vais pouvoir rester ici, ne pas avoir besoin de chercher un nouveau lieu de vie m'empli de joie.

Le bruit provoqué par mon estomac me décide à rester encore un peu ici avant de rentrer à la crevasse. Me dirigeant vers la rue nord. De merveilleuses odeurs se mélangent avant de me rentrer dans les narines et la simple senteur de ces plats me donnent l'eau à la bouche. N'hésitant pas une seule seconde, je me rapproche des marchands. Un brouhaha de voix s'élève d'ici. Les marchands d'un côté, obligé de crier pour réussir à vendre leurs produit. Il y aussi des hommes et des femmes devant une boutique de boisson, alcoolisés mais heureux, se prenant dans les bras ou chantant à tue-tête n'importe quel chant qui leur passerait par la tête. Des enfants venant des rues sud qui s'approche discrètement et essaient de voler de la nourriture. Certains avec des résultats plus positifs.
Quelques vendeurs, plus aimable que les autres, garde une partie de leurs stock pour les donner à ces enfants justement. Souvent de simple légumes ou fruit.
Mais moi je vise plus haut que ça, les plats tout prêt. Voilà ce que je convoite.

Mon attention se porte sur un stand de soupe. Une odeur extrêmement alléchante s'en dégage et je décide en un instant que ce sera mon repas d'aujourd'hui.
Je reste à bonne distance le temps de décidé de ma manière d'agir. Tout en évitant le regard des gens et en essayant de paraitre le moins bizarre possible.
Rapidement une idée me viens en tête et je ne perds pas de temps pour la mettre à exécution.

Je remarque un enfant venant de la rue sud et m'approche naturellement de lui pour ne pas trop attirer l'attention. Une fois à côté, je lui tapote l'épaule. Cela le fait sursauter et il me dit, d'une voix paniqué.

- Non monsieur, j'ai rien voler je vous le jure !

- Alors tu a faim ? je lui demande en baissant mon regard dans sa direction.

Une lueur d'incompréhension traverse son regard.

Les traces de coup visible sur ses bras et son visage me mettent mal à l'aise, il ne fait aucun doute qu'il a déjà été attrapé plusieurs fois à essayer de voler.
Voyant qu'il ne réagis pas, je hausse les sourcils, l'incitant à répondre.

- Oui m'sieur. dit-il après quelques secondes.

Quelque chose me dit que les risques éventuels ne l'effraie pas, la perspective d'un bon repas semble le remettre d'aplomb. Son visage exprime une détermination sans faille.

- Alors écoute ça.

Je me penche et lui chuchote à l'oreille mon plan magnifiquement élaboré préalablement. Au fur et à mesure, un mélange de doute et de joie se font voir sur son visage.

- Vous pensez réellement que ça va marcher ? demande t-il.

Je hoche simplement la tête. Sûr de moi. Cela semble le satisfaire puisque son sourire s'élargit.

Nous nous éloignons donc l'un de l'autre, moi me rapprochant du stand et lui restant à une légère distance de celui-ci.
Je m'avance en direction de la marchande et après qu'elle m'ai aimablement rappelé de faire la queue, me faisant comprendre qu'elle ne me trouve pas très bien élevé, je lui dit avec un ton amusé.

- Je voulais simplement vous prévenir que ce garnement vous a volé à l'instant. dis-je tout en pointant l'enfant du doigt.

Ce dernier se met aussitôt à courir, la femme visiblement énervée, ne perd pas une seconde pour partir à sa poursuite. Armée d'un bâton.
Après avoir vérifié l'absence de garde, je me saisis de deux soupes et tout en essayant de les cacher un minimum au regard des gens, je retourne vers la grande place.

Le garçon me rejoint rapidement après, essoufflé mais fier de lui. Au vue de son expression, il semble réellement étonné de voir le récipient que je lui tend.
Il le saisit comme il l'aurait fait si je lui avait tendu une pierre précieuse.

- Merci beaucoup monsieur, ça va faire tellement plaisir à maman !

Et après un dernier regard plein de gratitude, il s'éloigne vers le sud.

Je me dépêche de finir mon délicieux repas, après quoi il ne me reste plus qu'à retourné jusqu'à ma crevasse pour y terminé la journée.

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