12 avril, Épidaure.
On a beaucoup parlé de l’acoustique extraordinaire du théâtre d’Épidaure. Sur la scène, il faut s’imaginer des dizaines de touristes en train de craquer des allumettes ou de taper des mains pour voir si le son monte effectivement jusqu’en haut des gradins. C’est beaucoup dire que celui qui murmure verra sa voix porter vers les rangées supérieures ; mais tout de même, le son se sent très facilement pousser des ailes. Une aubaine pour les comédiens de l’antiquité, qui n’avaient donc pas besoin de s’égosiller pour se faire entendre.
Tout en haut des gradins, Marie reçoit par internet une newsletter l’informant que seront bientôt organisées plusieurs actions de désobéissance civile à Paris. On ne sait ni le lieu ni la teneur des actions, l’objectif seul est connu : dénoncer pacifiquement les connivences entre responsables politiques et grands pollueurs. Cet appel à désobéir, sans savoir précisément le degré d’illégalité des actions, n’est pas pour me déplaire… Greenpeace nous promet la plus grande action de désobéissance civile jamais organisée en France ; on en aurait l’eau à la bouche. J’imagine une façon – gentiment hors-la-loi – de théâtraliser la cause environnementale ; d’attraper les citoyens qui ne savent pas comment agir en leur donnant un rôle à jouer ; de les faire devenir acteur de leur époque ; de les pousser sur le devant de la scène médiatique afin qu’ils murmurent leur indignation de concert, afin que leurs voix se confondent et portent au plus loin. Le spectateur est lui prié de mieux tendre l’oreille, y compris celui qui se trouve assis au dernier rang et qui ne paraît pas du tout concerné. À cet égard, espérons qu’une acoustique efficace aidera nos concitoyens les plus pusillanimes : il n’est jamais bon de s’égosiller pour se faire entendre.
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